Le recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) 2024 a démarré. C’est le treizième recensement en Tunisie depuis 1921 et le sixième réalisé par l’Institut national de la statistique (INS) depuis 1975. Les préparatifs ont commencé depuis 2023, pour parvenir aujourd’hui à la dernière phase de l’opération, celle du dénombrement effectif.
Par Bechir Ben Mohamed
La singularité de cette grande opération statistique décennale est double. D’une part, il s’agit du premier recensement digital en son genre réalisé dans l’histoire de la Tunisie. D’autre part, il est question de résultats probablement « spécifiques » sur lesquels déboucherait ce recensement concernant la transition démographique, le niveau de vie des ménages et l’état de l’habitat après une décennie particulière où le pays a connu des changements sans précédent sur tous les fronts.
Les données précises détaillées qui seront déduites de cette opération serviront de jalon pour la planification de l’avenir de la Tunisie, si l’on songe à l’ampleur des mutations à l’œuvre, mais aussi aux exigences de la « bataille de libération nationale » conduite par le président de la République et en vertu de laquelle une nouvelle Tunisie sera bâtie.
Le nouveau recensement reposant sur une base de données géographiques, doit permettre une meilleure couverture de toutes les zones de dénombrement et préparer la transition vers des recensements basés sur des registres.
Tablettes, système d’information géographique, technologies numériques… c’est le trait caractéristique du recensement général de la population et de l’habitat en cours, lequel recensement se veut agile, innovant et générateur de valeur au système statistique national.
Le recensement digital doit rompre avec les expériences précédentes, en termes d’efficacité statistique et opérationnelle. La fiabilité des données à recueillir, le gain de temps et la pertinence des procédures doivent faire de ce nouveau recensement une opération de qualité.
Cependant, la réussite totale de cette première expérience digitale sur le terrain demeure dépendante d’un nombre de défis à relever par les autorités compétentes.
Premièrement, le défi de la communication. La poursuite de la campagne de publicité et de communication autour de l’opération de recensement semble bien planifiée par l’Institut national de la statistique sous l’égide du ministère de l’Economie et de la Planification. La persévérance dans cette voie est essentielle pour créer un environnement favorable à la collecte des données. Cette campagne doit continuer jusqu’à la fin de l’opération du dénombrement. Le programme de communication doit bénéficier de la coopération et de l’acceptation du public, développer la confiance dans la confidentialité des données et sensibiliser les répondants à la noble finalité du recensement. Les messages à communiquer et les canaux de communication devraient être sujets à développement au quotidien auprès du public cible.
Deuxièmement, le défi de la sécurité. La protection des agents de recensement, porteurs cette fois-ci de tablettes, portables et matériels de haute technologie, doit être de mise. Les agents qui sillonnent tous les quartiers du pays sont à suivre de près parce qu’ils ne sont pas à l’abri des risques de vol, braquage et toute forme d’atteintes volontaires ou involontaires à leur intégrité physique. Tout incident dans ce sens pourrait perturber l’opération de recensement, voire la mettre en cause.
Troisièmement, le défi de la logistique. La mobilisation de toutes les parties prenantes publiques et même privées est une condition sine qua non au bon déroulement de l’opération de recensement. Jusque-là, les promesses de toutes les structures publiques sont à la hauteur de l’évènement. Reste à traduire ces promesses par un engagement réel sur le terrain moyennant le soutien logistique et organisationnel idoine. Le rôle d’appui et d’accompagnement de l’Institut national de la statistique par les services sécuritaires, militaires, des technologies de la communication, des collectivités locales, des organisations de la société civile … se doit d’être indéfectible afin d’assurer la bonne conduite de l’opération de recensement.
La digitalisation du recensement général de la population et de l’habitat est un vrai pari à gagner. L’engagement des autorités est fort, mais toujours faut-il gagner effectivement la gageure. La gageure de l’entrée à l’ère numérique, mais surtout celle de la collecte de données de qualité afin de pouvoir répondre aux besoins des populations et favoriser l’élaboration des politiques, la programmation de la protection sociale et la planification du développement futur de la société.