Ridha Kacem: après l’attentat du Bardo, la sécurité des musées et des sites en point de mire

Suite aux divers attentats qui ont eu lieu en Tunisie et à la situation du tourisme en crise actuellement, Réalités Online s’est adressé  à M. Ridha Kacem,  Directeur Général de l’Agence Nationale de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle pour avoir de plus amples renseignements sur les actions et les décisions à prendre en vue de relancer en particulier le tourisme culturel en Tunisie.

Le secteur du tourisme passe aujourd’hui par une conjoncture assez difficile, notamment après la multiplication des attaques terroristes dans toutes les régions du pays, Nord, Sud et le Sahel. Qu’elle est d’après vous la stratégie à adopter pour faire face à cette crise et pour booster le secteur du tourisme culturel en Tunisie ?
Nous passons par une crise qui s’installe à cause de ces attentats terroristes qui ne cessent de se répéter à chaque fois. Toutefois, il n’y pas de stratégie de communication de crise tels que ça s’est passé juste après les attentats de Paris. L’image de la Tunisie à l’étranger a été ternie. Nos médias ont aggravé la situation et ont fait de la Tunisie un pays à la dérive.
Il est grand temps de dire la vérité. Il faut communiquer et convaincre les gens que ce qui se passe en Tunisie pourrait se produire dans n’importe quel autre pays, qu’aucune région n’est à l’abri du danger terroriste et que la destination Tunisie est une destination sûre.
Le Tourisme culturel pourrait – il être une alternative pour sauver le secteur touristique en général ?
L’image du terroriste Seifeddine Rezgui, auteur de l’attentat de Sousse, se promenant aisément sur la plage, une arme de guerre à la main,  a choqué le monde. Cette image restera fixée, du moins pour quelques années, dans la mémoire des touristes qui comptaient un jour visiter la Tunisie. Le tourisme balnéaire n’est plus donc rassurant en Tunisie. Il est grand temps de changer de plan. Il faut opter pour le tourisme culturel et lui accorder plus d’importance. Les différentes spécificités culturelles et civilisationnelles et les richesses patrimoniales dont jouit la Tunisie constituent un facteur d’attraction des touristes et un levier pour booster le produit touristique national.
L’attentat du Bardo a été perpétré dans le musée le plus important de Tunisie. Un musée situé dans la capitale et dans un emplacement stratégique prés du siège de l’ARP. Croyez vous que l’image des touristes tués dans l’enceinte du musée va être oubliée ?
Il faut dire qu’un nouveau dispositif sécuritaire est en train de se mettre en place par les autorités dans les musées et les sites archéologiques les plus importants du pays. Il est vrai qu’on s’y prend un peu en retard, faute de moyens financiers. Mais ce qui est plus important c’est que des décisions ont été prises à ce sujet. Aujourd’hui, un système de sécurité est en train d’être installé dans nos musées afin de garantir la sécurité de leurs visiteurs.
Quels dispositifs sécuritaires pour protéger les sites archéologiques ?
Il est difficile de garder et de sécuriser tous les sites archéologiques en Tunisie. Il est quasi impossible de sécuriser des sites qui s’étendent sur une  soixantaine d’Hectares tels que le site de Dougga. Toutefois il faut faire un minimum. Un programme de sécurisation de nos sites et de nos musées vient d’être établi par l’Agence de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle en collaboration avec l’institut National du Patrimoine, le ministère de la Culture et le ministère de l’Intérieur. Ce programme comporte des techniques de sécurisation dont notamment l’éclairage de nuit, la télé surveillance à l’extérieur et à l’intérieur des sites et des musées, et l’installation de détecteurs de métaux et de scanners dans les sites qui sont actuellement ouverts aux visiteurs.
Est-ce-qu’il n y avait aucun système de sécurité avant l’attentat du Bardo?
Malheureusement non. Avant l’attentat du Bardo, il n y avait pas de système de sécurité efficace dans nos musées et sites archéologiques. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Au musée du Bardo, il n’y avait même pas de détecteur de métaux.
Quelle coopération entre le ministère de la Culture et celui du Tourisme pour développer le concept du tourisme culturel en Tunisie ?
Franchement, il n’y a pas eu de véritable politique de développement de notre tourisme culturel dans notre pays. Le ministère du tourisme continue malheureusement de se baser sur une stratégie qui favorise le tourisme balnéaire.
Pour pouvoir faire de la Tunisie une destinations culturelle parmi les plus importantes dans le monde, il y a des préalables.
Cette question ne peut pas être l’affaire  du ministère de la Culture seul ni celle du ministère du tourisme. Il y a au moins 5 ministères qui sont impliqués dont notamment le ministère de la culture, le ministère du tourisme, le ministère de l’équipement qui est appelé à restaurer et à aménager les circuits du tourisme culturel, le ministère de l’environnement et celui de l’intérieur pour la sécurisation des sites archéologiques.
Quels sont les obstacles qui freine le développement du tourisme culturel en Tunisie ?
Nombreux sont les empêchements qui rendent la tâche difficile . A titre d’exemple, Le guidage, en tant que matière primordiale dans la formation des cadres touristiques n’est plus enseigné à Institut des hautes études touristiques de Sidi Dhrif. La plupart des guides touristiques sont aujourd’hui très mal formés. Par manque de connaissances, ils sont en train de dénigrer l’Histoire de la Tunisie.
Le personnel d’accueil dans nos musées et sites archéologique n’est pas formé aux techniques d’accueil. Malheureusement nous sommes loin des normes et des standards internationaux en matière de formation touristique. Imaginez qu’aujourd’hui, en 2016, nous sommes en train de former le personnel d’accueil aux techniques d’accueil.
La gestion du patrimoine n’est pas l’affaire de l’agence seule ni de l’institut du patrimoine. Elle est l’affaire de tout le monde et toutes les composantes de la société y sont impliquées, à savoir l’instituteur, le journaliste, le citoyen….
D’après vous, le fait de construire des sociétés et des résidences à coté des sites archéologiques importants ne pourrait-il pas nuire à ces monuments et leur faire perdre leur valeur historique ?
Evidemment, c’est une atteinte grave qui se commet à l’encontre de nos monuments et nos sites historiques. Ça bouleverse certainement la préservation et la mise en valeur du patrimoine tunisien.
Malheureusement on n’a jamais appris au tunisien  à respecter les richesses patrimoniales de 3000 ans d’histoire de son pays

*Ridha Kacem: Directeur Général de l’Agence Nationale de Mise en Valeur du Patrimoine et de Promotion Culturelle

Related posts

Hassi El Ferid : un jeune homme tué lors d’un mariage

Qui est le nouveau gouverneur de Ben Arous ?

Tunisie – Météo : Des pluies orageuses attendues en fin de journée