Rien que la vérité !

 

L’engagement d’un nouveau round de négociations sociales entre le gouvernement et la centrale syndicale portant sur l’augmentation des salaires dans le secteur public pour 2014, qui sera, vraisemblablement, suivi  d’un autre en mai prochain pour les années 2015 et 2016, n’a pas surpris outre mesure. Face à la vague de grèves déclenchées dans les différents secteurs d’activité, depuis la fin du mois de janvier dernier, qui s’est radicalisée particulièrement dans le secteur de l’éducation, le gouvernement Essid a fini par jeter du lest. Afin, surtout,  d’éviter un éventuel effet domino, qui aurait pu conduire à la propagation des mouvements sociaux à tous les secteurs et, partant, à la paralysie de l’économie. Sans avoir le moindre répit, ni la possibilité d’approfondir l’examen des grandes urgences à traiter, il céda aux fortes pressions de l’UGTT.

Dès lors, la signature de l’accord cadre, le 23 février 2015, pour l’ouverture des négociations sur les augmentations salariales  qui concerneront 750 mille fonctionnaires a fourni l’illustration parfaite que cette décision a été dictée par la nécessité, sans être un choix délibéré et murement réfléchi.

Pour arrêter cette spirale vertigineuse de contestation sociale, le gouvernement pouvait-il faire autrement ?  Pas très sûr. Avec la succession d’événements, à commencer par la tension qui a éclaté, dès les premiers jours de son entrée en activité, respectivement à Dhehiba et Ben Guerdane au sud du pays, la multiplication des grèves sectorielles, la persistance du risque terroriste à nos frontières et,  pour boucler la boucle,  avec les graves inondations qui ont affecté particulièrement le gouvernorat de Jendouba, le Chef du gouvernement s’est trouvé constamment contraint, chaque fois qu’un risque d’incendie est signalé, de jouer le rôle de pompier.

Dans la position inconfortable dans laquelle il s’est trouvé englué, Habib Essid, a cédé à la pression de l’UGTT qui n’a fait que s’accentuer au fil des jours, faisant de la question de l’augmentation des salaires un argument de bataille et de mobilisation, justifiant avec forces arguments l’érosion du pouvoir d’achat du tunisien et brandissant, au cas où une suite non favorable ne sera pas donnée à ses revendications, des menaces à peine voilées.

Quand on sait que le pays fait face à des difficultés financières de plus en plus graves, la question lancinante qui se pose aujourd’hui concerne la capacité du pays à mobiliser les ressources financières nécessaires pour calmer, même momentanément, l’ardeur de l’UGTT. L’autre question, non moins importante, se réfère à la portée de la poursuite de cette politique de l’autruche commencée par le gouvernement de la Troïka consistant à contracter des crédits extérieurs additionnels pour satisfaire aux demandes sociales pressantes ?

D’aucuns, ne pensent que cette voie est la meilleure. Car elle est porteuse de risques certains pour les équilibres macroéconomiques du pays et ses effets risquent d’être encore plus dévastateurs, en termes d’aggravation de l’inflation et de la dépréciation du dinar. Sur cet aspect précis, les experts les plus avertis sont unanimes, sans contrepartie productive, il serait illusoire de croire que toute augmentation des salaires pourrait produire l’effet escompté, à savoir une amélioration effective du pouvoir d’achat.

Bien plus inquiétant, avec la raréfaction des ressources financières destinées au développement et  à l’investissement public notamment, quelles réponses pourrait proposer le gouvernement Essid aux attentes des régions intérieures de plus en plus persistantes ? Quelle qualité de programmes serait-il en mesure de lancer pour améliorer l’environnement de l’entreprise et des conditions de vie des tunisiens et quels moyens mobiliser pour sortir les jeunes à la recherche d’emploi, de leur désarroi et de leur désenchantement ?

Après quatre années d’attentes vaines, d’espérances perdues et de promesses non tenues, il aurait fallu que le premier gouvernement de la deuxième république agisse autrement. Dire la vérité aux tunisiens, aussi cruelle soit-elle, afin qu’ils saisissent mieux la portée des défis, parviennent à établir un ordre de priorités et acceptent, de bonne grâce, de consentir, ne serait-ce que momentanément, des sacrifices, pour renforcer l’immunité du pays face à l’hydre terroriste, reconstruire son économie selon un nouveau modèle, dans le consensus et la concertation  et redonner perspective et espoirs à sa jeunesse. Tout cela ne peut être gagné qu’en osant dire haut et fort la vérité aux tunisiens.

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