Le mot « sagesse » inspire aussitôt, la référence aux immenses penseurs de la philosophie gréco-romaine, arabe, hindoue, chinoise ou iranienne. Par l’entremise de la connaissance, il est question le plus souvent, de conjurer les maux de l’existence et de convier la sérénité. Ainsi parla Bouddha, l’amant du Nirvana. De même, pour les fidèles aux trois monothéismes, les prophètes symbolisent les têtes bien faites afin de guider l’humain vers le droit chemin. Haro sur le mal et bienvenue au bien. Les uns rapportent la sagesse au divin et les autres, tel Nietzsche, limitent l’affaire à l’humain. Mais, de temps à autre, la sagesse humaine, trop humaine, surgit çà et là au fil de la vie quotidienne. Car chacun porte, en lui-même, de quoi pactiser avec l’angélique ou le diabolique.
A titre exemplaire, voici donc une séquence plutôt anecdotique et néanmoins apparentée aux cogitations de l’antiquité : Je ne sais pas à qui revenait la priorité, mais à l’instant précis où, au volant, je passai au nez d’un taxi, le conducteur m’adresse une formulation saisie au vol et mémorisée depuis : « Allah ya3tik issabr wa9t issa3a ». Comme cet homme a raison de professer pareille recommandation ! Car, à la moindre douleur, musculaire ou articulaire, nous gémissons et, parfois paniquons. Alors, face au spectre de l’insomnie, dois-je suivre les prescriptions des stoïciens, Zénon, Sénèque, Marc Aurèle, ou bien courir à la pharmacie de nuit et avaler sans tarder, un comprimé d’Ibucare pour calmer la douleur de ce maudit soir ? Mais si le bobo insignifiant provoque une telle appréhension, comment supporter les affres annonciatrices du cruel ange Gabriel ? « Que Dieu t’arme de patience quand l’heure du pire commence ».
« Ainsi parlait Zarathoustra », dirait Nietzsche, face à la sagesse professée par le taximan bien inspiré.
Muni hélas d’une carcasse, chacun risque à tout moment d’avoir affaire à la galère sanitaire. Après 65 ans ou plus, l’inéluctable déclin psycho-physiologique revendique l’assistance de la patience recommandée par l’anonyme frère de la sagesse populaire. Dans son ouvrage titré « La conjuration des sentiments », Enrico Emanuelli mentionne à sa façon « La vérité qui dort au cœur de tout homme ».
Hélas, de l’angoisse à la panique transite bien vite le psychique. Chez des voisins et amis, l’épouse anxieuse me dit : « J’ai passé une affreuse et blanche nuit. L’appareil dentaire est tombé sur ma langue et m’a blessée. Je n’en peux plus ». L’époux, navré, ne manque pas d’ajouter : « Connais-tu un bon médecin ? Elle ne veut pas aller chez l’autre avec l’appareil mal ajusté ». Cependant, à tout moment S. reprend la même lamentation : « Je n’en peux plus, maintenant ». Elle palpe sa blessure, gémit et demande : « Y a-t-il un dentiste ouvert la nuit ? »
Le mari dit : « Patiente un peu. Nous irons dès l’ouverture du cabinet indiqué ». Cependant, mauvaise conseillère, la douleur chasse la patience recommandée par le taximan rencontré.
Toujours plaintive, la souffrante, à la dérive, gémit et récidive. L’insoutenable complainte rejoint le génie du poète maudit : «Toi qui pour consoler l’homme frêle qui souffre / Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre / O Satan prends pitié de ma longue misère ! »
Une fois l’habitation des voisins quittée, apparut un morceau de nuage pourléché par les obliques et timides rayons du soleil timoré. La superbe traînée capture les regards émerveillés. Saisissant, le contraste met en scène le ciel et sa beauté face au spectacle du monde social défiguré.
Ici, par une alliance dite à tort contre nature, Larayedh et Chebbi cultivent leur sinistre forfaiture. Avec la chevrotine, Larayedh ne mène pas large et brandit la duplicité à sa décharge. Néjib Chebbi, le second larron, dit : « A3ichou, a3ichou wa yamoutoul watan ».<
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