Samir Abdelli: Changer les mentalités, rétablir la confiance et réhabiliter les valeurs

La Tunisie se trouve aujourd’hui à un tournant décisif et déterminant dans la vie de toute nation, qui émerge d’un grand bouleversement, en l’occurrence, la Révolution du 14 janvier 2011.

Quatre ans après, deux échéances électorales — les législatives et la présidentielle — se présentent afin d’asseoir les bases d’une société démocratique et solide.

Réalités a choisi de s’intéresser à un candidat pas comme les autres, Samir Abdelli, qui a d’ailleurs été une surprise pour beaucoup de Tunisiens, d’autant plus qu’il se présente en tant qu’indépendant.

Mais Samir Abdelli, 47 ans, n’est pas venu à la politique par hasard et la chose publique n’a aucun secret pour lui.

Pour en savoir plus, nous lui avons posé d’emblée la question.

 

Quelles sont les motivations qui vous poussent à briguer la magistrature suprême ?

Les gens ont raison de se poser des questions, rien qu’à regarder le nombre de candidatures déposées et retenues. Pour ma part, je pense que c’est un signe de bonne santé, car depuis plus d’un demi-siècle, personne ne pouvait, même en rêve, y penser. Maintenant que le rêve est permis, j’estime que je suis bien placé pour me présenter en tant que candidat, dont le seul rêve est de servir mon pays et mes concitoyens. Plus important encore, la Constitution a permis à tout Tunisien qui voit en lui la capacité et surtout la volonté de postuler à la magistrature suprême, d’y accéder.

De par ma profession et ma double casquette d’avocat d’affaires et de négociateur international dans le domaine de l’énergie, j’ai pu me faire une idée assez exhaustive des problèmes qui se posent avec acuité aux Tunisiens. Je suis sûr d’une chose, c’est que l’expérience pré et post révolution des Tunisiens avec leur président, permet d’exiger, aujourd’hui, que le prochain locataire de Carthage soit non partisan et agisse dans l’intérêt de tous. Le futur président de la République, quoi qu’on dise de ses prérogatives réduites, doit être une personnalité hautement qualifiée et compétente, surtout, et c’est là le principal, à égale distance de tous les partis politiques. Il est et restera toujours le garant de l’unité du pays et le gardien de son indépendance. C’est vrai que je n’ai jamais été membre d’un parti, ne trouvant en aucun, ce que j’en attendais, mais je peux vous assurer une chose : j’ai milité pour plusieurs causes, la dernière d’entre-elles et non des moindres, est l’article 13 de la Constitution tunisienne à l’élaboration duquel j’ai activement contribué et qui garantit la bonne gouvernance des ressources naturelles.

Mais vous savez très bien que les prérogatives du prochain président ne sont pas très étendues ?

Même si elles ne sont pas très larges, elles sont par contre importantes. Je m’explique : ce qui est sûr, c’est que désormais, rien ne sera comme avant.

Certes, le Président a des attributions au niveau de la diplomatie, des affaires étrangères et de la défense nationale, mais il a une arme importante de par la symbolique, celle de la dissolution de l’Assemblée des députés du peuple et celle du gouvernement. Cette dernière prérogative, aussi importante soit-elle, ne doit, en aucun cas, être utilisée à tort et à travers, mais doit plutôt servir de moyen de prévention contre d’éventuelles dérives.

Le principal ne réside pas dans les prérogatives, mais dans la latitude que le futur président a pour agir. Aujourd’hui, les Tunisiens et les jeunes attendent autre chose de leur président que ce qu’ils ont l’habitude d’avoir et de voir.

En tout cas un président doit être responsable et doit répondre de ses actes devant ses électeurs. S’il oublie qu’il est le représentant de ses électeurs, alors rien ne changera.

La politique, est l’art du possible, l’art de conduire les destins, des hommes et des peuples, l’art de diriger, en initiant et en mettant en œuvre des politiques publiques, sectorielles ou globales.

Avec quel programme électoral allez-vous convaincre l’électeur tunisien de voter pour vous ?

Même si pour le moment je ne peux fournir que les grandes lignes de ce programme, en attendant de dévoiler ses détails aux Tunisiennes et Tunisiens lors de la campagne, je suis sûr d’une chose au moins : je veux servir mon pays et ses intérêts à travers un État de droit, de justice et d’équité.

Les Tunisiens ont aujourd’hui besoin de réalisations et non de paroles. Ils veulent quelqu’un qui soit proche d’eux, de leurs préoccupations et de leurs attentes. Quelqu’un qui les écoute et leur tient le langage de la raison.

Le futur président sera donc tout d’abord appelé à rétablir la confiance de ses concitoyens dans sa fonction et à réhabiliter les valeurs qui sont le propre d’une nation moderne, ancrée dans son identité et tournée vers l’avenir.

Et puis nous avons en Tunisie une jeunesse à laquelle je crois et qui est capable du meilleur. Une jeunesse qui attend la motivation nécessaire pour pouvoir se désengager des vieux carcans et laisser libre cours à la créativité. C’est la richesse la plus chère de notre pays et son pilier. Il faut l’aider à croire dans ce pays et à y investir, lui fournir les moyens et mécanismes lui permettant de se prendre en charge.

J’ai trois combats à mener : la lutte contre le terrorisme, l’éradication de la pauvreté et de ses causes et la réconciliation nationale globale. Trois questions vitales sans lesquelles le pays ne peut recouvrer sa stabilité et par là, sa pérennité.

L’image de la Tunisie a été quelque peu ébranlée, altérée à l’échelle internationale. Que ferez-vous si vous êtes élu ?

Nul ne peut nier le fait que les Tunisiens ont fait une Révolution qui restera dans les annales de l’Histoire. Nombreux sont les hommages qui lui ont été rendus à travers le monde. Malheureusement, nous n’avons pas su en profiter sur le plan diplomatique. Je trouve que le temps est venu d’utiliser à bon escient ce filon, puisque nous sommes à la veille d’échéances électorales qui, je l’espère, seront couronnées de succès, à savoir la concrétisation de la démocratie. Nous aurons ainsi, au moins, réalisé certains objectifs de la Révolution. Nous sommes capables de réhabiliter la diplomatie tunisienne et de lui rendre ses lettres de noblesse, forts en cela de l’expérience de nos représentations à l’étranger dont la mission à cet effet est primordiale.

Nous pouvons aussi agir, grâce à une diplomatie efficiente, sur l’économie nationale, à travers l’attraction d’investisseurs et de promoteurs étrangers. Ce que j’appelle la diplomatie économique permettra le désenclavement de plusieurs régions et par là, la réduction du fossé qui prévaut jusqu’ici. Je ferai appel à mon expérience en tant que négociateur pétrolier à travers le monde. Une plus-value qui permettra d’établir des stratégies et de conquérir les marchés internationaux, tout en recouvrant la confiance des investisseurs. C’est ainsi et seulement ainsi que l’économie tunisienne pourra retrouver son dynamisme.

Vous voyez-vous parvenir à cette réconciliation, à cette stabilité ?  Et de quelle manière ?

La Tunisie post-révolution a déjà à son actif un acquis de taille, celui de la liberté d’expression. Si je suis élu, je ferai en sorte d’élargir le champ de cette liberté. Elle doit englober tous les domaines de la vie. Le Tunisien a longtemps été muselé et je pense qu’aujourd’hui rien ne le retient plus pour s’exprimer et exprimer ses attentes, sans avoir à en rendre compte.

Le Tunisien a également besoin aujourd’hui de se réconcilier avec lui-même et avec les autres. Certes, la Tunisie peut se targuer d’avoir un État moderne. Mais nous avons raté une étape aussi importante, celle d’une culture démocratique. Là, il s’agit d’un combat qui doit cibler les mentalités et rétablir la confiance entre les Tunisiens et les gouvernants. Personne ne doit être au-dessus de la loi et justice doit être rendue aux victimes et martyrs de l’oppression. Rien ne doit être guidé par la vengeance et c’est à la justice transitionnelle de suivre son cours. Un président qui se veut rassembleur se doit de faire en sorte que tous les acteurs, politiques, économiques et sociaux, soient traités de la même manière.

Est-ce que vous voyez en vous ce président tant attendu ?

La démocratie n’est pas un simple compromis pour l’exercice du pouvoir : c’est le droit de choisir et le droit à la différence. Le système politique tunisien gravite autour du jeu des majorités et c’est dans ce cadre qu’un président est tout d’abord élu, qu’il peut ensuite exercer ses pouvoirs et qu’éventuellement il contribue à stabiliser le pays.

Il faut dire que rien ne peut être réalisé en politique en l’absence de la satisfaction des droits sociaux, économiques et culturels, véritable passerelle pour la justice sociale. Et là, le président de la République joue un rôle stratégique : il est le gardien des libertés et des droits et son intervention dans le domaine est déterminante. La Constitution est claire à ce propos. Il faut pour cela que la notion de l’État soit rétablie. Aujourd’hui, les Tunisiens ne s’estiment pas bien représentés au niveau de la tête de la pyramide. L’État doit, pour eux, recouvrer son prestige, car avant tout le président de la République est un symbole auquel ils peuvent s’identifier et qui renvoie l’image de la pérennité. 

 

Mouna Ben Salah

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