Santé: Circuit du médicament en Tunisie, les risques de la corruption

 

 

La bonne gouvernance dans le secteur pharmaceutique a fait le sujet d’une conférence de presse tenue récemment au ministère de la Santé.  En effet, tout un programme vient de démarrer, sur recommandations de l’OMS qui juge que la corruption dans ce domaine comme est l’un des principaux obstacles au développement.

 


Dans le monde, 6.500 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour les services de santé. Une belle tentation pour la corruption qui peut représenter jusqu’aux deux-tiers des approvisionnements en médicaments dans certains pays, en particulier ceux à faibles revenus. Il en résulte une diminution de la capacité des pouvoirs publics à assurer l’accès à des médicaments essentiels, de bonne qualité et ouvre la voie à la contrefaçon et aux médicaments dangereux.

 

Qu’en est-il en Tunisie ?

En Tunisie, une étude d’évaluation de la transparence du secteur pharmaceutique public a été réalisée en 2012. Son résumé a été présenté lors de la conférence de presse.

L’étude n’a pas ciblé les personnes, mais la transparence du  système de fonctionnement comme mesure indirecte de la prévention du risque de corruption. Les résultats ont montré que le plus fort risque de corruption se situe au niveau de la promotion des médicaments, ensuite vient le secteur de l’inspection, des essais cliniques et la sélection de la liste des médicaments essentiels. Quant aux trois étapes de l’enregistrement des médicaments, de l’octroi des licences d’exploitation et de l’approvisionnement et la distribution, elles seraient les moins vulnérables à la corruption.

Selon le rapport présenté, la faible vulnérabilité des deux extrémités de la chaîne administrative de gestion du médicament serait due à la force des lois organisant ces sections et à l’importance du contrôle d’État. Les sections centrales sont plus vulnérables à la corruption, car l’organisation du système et les législations en vigueur ont une tendance à servir les intérêts de l’industrie pharmaceutique.

Toujours selon le résumé de l’enquête, les cadeaux et avantages accordés (par les industriels) aux agents en charge de l’enregistrement des médicaments pourraient avoir une influence sur les décisions finales. Une bonne partie des informateurs qui ont fait l’objet de cette enquête ont estimé que les membres indépendants du comité d’éthique ne sont pas systématiquement sélectionnés en fonction des critères de sélection écrits. De même, le comité responsable de la sélection de la liste nationale des médicaments essentiels n’est pas libre de toute influence externe.

 

Les recommandations à suivre

Pour une meilleure transparence, les auteurs de l’étude préconisent des recommandations générales. Il faut faire évoluer le système pharmaceutique tunisien vers une agence de la pharmacie et du médicament, regroupant l’ensemble des structures technico-administratives (Direction de la pharmacie et du médicament, Laboratoire national de contrôle des médicaments, Centre national de pharmacovigilance, Agence nationale de contrôle sanitaire et environnementale des produits, etc.). Ce type d’agences, qui existe dans tous les pays développés, est incontournable en matière de transparence. Il est grand temps que la Tunisie ait sa propre agence (elle verra le jour très prochainement).

On se demande également si la société civile n’a pas un rôle à jouer dans les différentes instances décisionnelles. Les auteurs proposent que le public prenne connaissance des démarches décisionnelles pour chaque type de demandes soumises à l’autorité et des décisions adoptées.

Pour l’enregistrement, les recommandations proposent de spécifier les délais d’enregistrement des médicaments avec leur respect.

Le système des cahiers des charges spécifiques à l’octroi des licences d’exploitations nécessite d’être révisé, car celui qui est en cours, exposerait à des «comportements déloyaux».

En ce qui concerne la promotion et la publicité des médicaments, il va falloir légiférer, à l’instar de la communauté internationale, en matière de cadeaux et de soutien financier aux professionnels et aux structures. La promotion des médicaments est le maillon faible du système de la pharmacie en Tunisie. Une commission sera chargée de ce dossier et elle devra rendre public son rapport.

La Tunisie aurait un grand intérêt à mettre en place une politique basée sur les médicaments essentiels. Ces derniers sont définis par l’OMS comme des médicaments qui répondent aux besoins de santé prioritaires d’une population. Ils sont sélectionnés en fonction de la prévalence des maladies, de l’innocuité, de l’efficacité et d’une comparaison des rapports coût-efficacité. Ils devraient être disponibles en permanence dans le cadre de systèmes de santé opérationnels, en quantité suffisante, sous la forme galénique qui convient, avec une qualité assurée et à un prix abordable au niveau individuel comme à celui de la communauté.  Cette politique devra rendre visible tous les éléments qui lui sont liés et la porter à la connaissance des professionnels et du public.

Quant à l’approvisionnement, les recommandations spécifiques à ce secteur suggèrent de créer un système de rotation dans les comités liés aux achats des médicaments. Il faudra également éviter de dépendre d’un seul fournisseur pour les produits sensibles ou vitaux achetés par voie d’appels d’offres.

Avec ce programme de bonne gouvernance la Tunisie vient rejoindre la liste des pays qui ont déjà rendu leur rapport à l’OMS en matière d’évaluation de la transparence du secteur pharmaceutique au niveau national.

 

Samira Rekik

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