Qu’a fait le nouveau ministre de la Santé, et son équipe en 100 jours de gouvernance ? Dr Samar Sammoud, conseillère particulière de Saïd El Aydi, ministre de la Santé apporte toutes les réponses à nos questions.
« Nous avons décidé que tout ce qui sera fait au cours des 100 jours ne sera pas en contradiction avec la suite des actions et programme du ministère de la Santé sur le court, le moyen et le long termes », nous dit-elle. « Tout se fera selon une même stratégie. Ce que nous appelons le long terme c’est une période qui va au-delà de la durée du mandat pour lequel ce gouvernement a été élu, et qui représente le moyen terme dans notre vision politique avec une stratégie bien définie.
Le court terme c’est cette période de 100 jours. C’est une phase dans laquelle nous devons montrer nos intentions, notre attitude positive, nous devons être dans une position d’écoute, nous devons montrer et prouver que nous sommes au service du citoyen. Nous avons fait le diagnostic de la situation et nous avons beaucoup avancé dans ce domaine, grâce notamment aux nombreux déplacements du ministre. Il y a une idée politique portée par le ministre : le citoyen doit être au cœur du système de santé. Quand le citoyen est au cœur du système, la santé publique devient très importante ».
La politique de santé de ce nouveau gouvernement comporte cinq axes.
1er axe
concerne le parcours de soins avec la médecine de 1ere , 2e et 3e ligne.
La médecine de première ligne est la médecine de base. Nous devons accélérer tous les programmes en cours et leur donner un sens. La santé de base est importante, il faut créer des centres de santé de base (dispensaires) modèles.
La première ligne compte 2100 dispensaires répartis sur toute la République. Dans chaque gouvernorat, on a choisi deux centres que nous avons réhabilités afin de les mettre aux normes et d’en faire des modèles pour tous les autres (nous sommes à 50 centres modèles). Nous les avons mis à niveau sur le plan infrastructure, équipement et ressources humaines. Pour cela il a fallu faire l’inventaire dans tous ces centres de santé de base (CSB). Notre objectif est de rétablir la confiance du citoyen dans la médecine de 1ere ligne. Cet inventaire nous a permis de prioriser les actions et nous nous sommes trouvés face à deux alternatives pour la suite : soit le centre évoluera en un centre intermédiaire (avec des consultations de médecins spécialistes, avec une unité de radiologie et un laboratoire de biologie) soit on aura recours à des équipes mobiles. Selon les besoins et les spécificités régionales, la santé de base s’adaptera en fonction des situations.
Pour la médecine de 2e ligne qui est constituée essentiellement d’hôpitaux régionaux, nous allons la désencombrer. Il n’est pas normal qu’un hôpital comme celui de Gafsa, par exemple, ait des consultations aux urgences avec 500 malades par jour ! La 2e ligne c’est quand un malade vu en 1ere ligne est adressé à une consultation spécialisée. Il faut s’attaquer à la bureaucratie, qui existe pour les rendez vous, et trouver un moyen d’alléger les consultations tout en améliorant le parcours de soins.
A Kasserine, l’hôpital régional de Feriana est fermé depuis 2008 pour des problèmes mineurs, il sera ouvert et fonctionnel prochainement. Nous avons également demandé à chaque direction régionale d’évaluer ses besoins et ses actions prioritaires, pour apporter plus d’améliorations.
Pour la 3e ligne, qui est composée de structures hospitalo-universitaires, nous avons du nouveau dans les régions. Nous avons décidé qu’à l’hôpital de Médenine plusieurs services deviendront des services hospitalo-universitaires. Ils seront dotés de toute l’infrastructure nécessaire
D’autres priorités aussi importantes dans ce premier c’est la disponibilité des médicaments particulièrement dans les régions prioritaires et frontalières et l’organisation des services d’urgence dans tous les hôpitaux. Nous avons déjà un modèle au niveau des urgences de l’hôpital Charles Nicolle à Tunis. Ce modèle sera généralisé. Il est intéressant parce qu’il comporte une composante « critères de satisfaction des usagers » et c’est très important pour le ministère qui a décidé que le citoyen sera au cœur du système de santé.
2e axe : l’axe de la prévention
Le meilleur traitement étant la prévention, nous avons fait de cette dernière tout un axe de travail, nous précise Dr Sammoud. il y a une grande possibilité d’économie de coût de la santé grâce à la prévention. Cette prévention se fera aussi bien pour les maladies transmissibles que les non transmissibles (diabète, maladies cardiovasculaires) car le Tunisien meurt depuis quelques années surtout de maladies des pays riches.
En ce qui concerne les maladies transmissibles, une enquête nationale sur les 3 hépatites (A,B,C) avec une stratégie de prise en charge à moyen et long termes a commencé. Autre enquête épidémiologique décidée lors de ces 100 jours, c’est celle du papilloma virus, à l’origine du cancer du col de l’utérus. On n’oublie pas les pathologies réémergentes comme le paludisme, et nous réactualisons les plans nationaux de lutte contre toutes ces maladies.
Dans cet axe de prévention, la médecine de travail, l’allaitement maternel, la lutte anti-tabac, la lutte contre les 3 blancs : sucre, sel, gras, la sensibilisation de tous à l’hygiène des mains, de l’environnement, auront toute notre attention.
3e axe : innovation du système et Recherche médicale
Dans une logique de court moyen et long termes pour l’innovation médicale et la recherche, on a donné notre accord pour la consultation de spécialiste de la sclérose en plaques, en créant une unité de prise en charge à l’hôpital Razzi. On a également démarré les C.I.C (cinq en tout, ce sont les centres d’investigation clinique) : on a mis en place des études sur le cancer du sein et son épidémiologie en Tunisie, on a donné le budget nécessaire.
Cette politique d’investigation et de recherche fera que la recherche médicale en Tunisie sera canalisée vers les problèmes des Tunisiens et non faite de façon aléatoire.
4e axe : la révision de la gouvernance du système de santé
Les financements du système seront revus, réfléchis avec d’autres partenaires dont le ministère des Affaires sociales et la CNAM. Pour les 100 jours, nous sommes à une phase de diagnostic, une phase de réflexion. Comment peut-on expliquer que plus de 50% des consultants du service public soient des indigents ?
Deux autres chapitres de ce 4e axe sont importants et méritent d’être soulignés : l’informatisation de toutes les données médicales des patients et leurs dossiers, ainsi que l’exportation des soins, car beaucoup de malades étrangers viennent se soigner chez nous avec succès pour des pathologies très lourdes.
5e axe:la réforme du système de santé
La revalorisation du médecin de famille et de la médecine de proximité sera la grande réforme de santé pour ce ministère. Beaucoup d’idées sont proposées : le choix d’être médecin de famille, la mise en place du concours de résidanat différent, l’abolition des cours magistraux, les problèmes posés par l’activité privée complémentaire, la double séance, la place du pharmacien etc..
« Je vous ai donné les grandes lignes, mais en fait il y a eu énormément de réflexions sur divers points touchant la santé du citoyen, toujours au cœur du système et c’est la vision du ministre de la Santé de ce gouvernement » a conclu Dr Sammoud.