Le 29e rapport de Le haut comité du contrôle administratif et financier dresse un tableau alarmant des lacunes dans la gestion des cliniques privées et des centres de dialyse en Tunisie. Le document, qui examine en détail les pratiques de ces établissements, révèle des manquements graves en matière de contrôle, de gestion des déchets médicaux et de sécurité sanitaire.
Un contrôle insuffisant depuis des années
Le rapport, interprété par Mosaique, souligne que le ministère de la Santé n’a mené aucune étude d’évaluation sur les meilleures pratiques de gestion des déchets médicaux dans les centres de dialyse depuis 2016. De même, les unités de soins des cliniques privées n’ont pas été évaluées depuis 2015. Ces lacunes témoignent d’un relâchement préoccupant dans la supervision de ces structures, pourtant cruciales pour la santé publique.
Les directions régionales de la santé dans les gouvernorats de l’Ariana, de Nabeul, de Tunis, de Ben Arous et de Bizerte sont particulièrement pointées du doigt. Depuis 2016, elles n’ont assuré qu’un suivi minimal, voire inexistant, des centres de dialyse et des cliniques privées. Bien que d’autres régions aient effectué quelques missions de contrôle, leur portée reste insuffisante pour garantir des normes sanitaires adéquates.
Gestion des déchets : des pratiques à risque
Les chiffres révélés par le rapport sont édifiants. 72 % des cliniques privées et 56 % des centres de dialyse ne pratiquent pas le tri sélectif des déchets à la source. Pire encore, ces déchets ne sont pas conditionnés dans des équipements adaptés, augmentant les risques de contamination.
Le manque d’infrastructures est tout aussi criant. 12 % des cliniques et 62 % des centres ne disposent pas de conteneurs pour collecter les déchets tranchants et piquants, comme les aiguilles et les seringues. En outre, des sacs étanches font défaut dans 48 % des cliniques et 31 % des centres.
Le rapport met également en lumière l’absence de locaux intermédiaires pour le stockage des déchets dans plus d’un tiers des cliniques et des centres. Un dépôt central pour le stockage des déchets manque dans 36 % des cliniques et 59 % des centres, exposant ces établissements à des risques sanitaires et environnementaux majeurs.
Des contrats non respectés, des procédures ignorées
Plus de la moitié des cliniques ne respectent pas l’obligation de déposer auprès du ministère de la Santé les contrats conclus avec les entreprises agréées pour le transport et le traitement des déchets dangereux. Malgré des rappels envoyés en 2016 et 2018, aucune mesure concrète n’a été prise pour faire appliquer cette réglementation.
Le rapport dénonce l’absence de stratégie claire et de cadre législatif spécifique pour réguler la stérilisation des équipements médicaux. Les cliniques privées ne sont pas tenues de respecter les normes en vigueur, et le ministère n’a pris aucune mesure pour les inciter à adopter un système de stérilisation centralisé.
Pire encore, 7 cliniques continuent d’utiliser des méthodes de stérilisation par chaleur sèche ou au formol, malgré les risques avérés pour la santé humaine et l’environnement. Ces pratiques, jugées inefficaces, exposent les patients à des infections nosocomiales potentiellement graves.
Le rapport pointe également du doigt le manque de suivi par le ministère des résultats d’une étude sur les risques sanitaires liés à la bactérie Legionella. Cette étude a révélé que 47 % des échantillons prélevés dans les cliniques privées étaient non conformes, contre seulement 13 % dans les établissements publics de santé.
Face à ces constats accablants, le rapport de la HACAF appelle à une réforme urgente des pratiques de contrôle et de gestion dans le secteur de la santé privée. La sécurité des patients, la protection de l’environnement et le respect des normes internationales doivent devenir des priorités absolues. Sans une action rapide et déterminée, ces lacunes continueront de mettre en péril la santé publique et la crédibilité du système de santé tunisien.
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