Trois des plus grandes institutions financières internationales : Banque mondiale, BEI et BERD ont réalisé récemment une étude approfondie, basée sur une enquête par sondage, portant sur 6000 entreprises appartenant au secteur privé dans huit pays de la région MENA dont la Tunisie. Le thème porte sur les entraves qui empêchent le développement du secteur privé, celui qui investit qui crée de la valeur, engendre de la prospérité et de l’emploi.
Les résultats viennent d’être rendus publics au cours d’une conférence-débat organisée par l’IACE et présidée par Walid Bel Haj Amor, vice-président chargé des centres et des opérations.
Il serait utile de rappeler que le tissu économique des pays à revenus intermédiaires comme le nôtre est composé essentiellement de PME soit 90% des entreprises économiques.
Ce sont des entreprises privées, actives et dynamiques qui font preuve de souplesse et d’efficacité pour s’adapter aux mutations rapides et profondes du marché, qui exportent, innovent et disposent d’un véritable savoir-faire.
Ce sont elles qui génèrent la croissance du PIB. C’est pourquoi, l’Etat doit les soutenir, car elles souffrent de difficultés multiples. Une partie de ces PME ont fait faillite ou sont menacées après avoir résisté pendant des années après la Révolution.
L’instabilité politique constitue la principale entrave au développement : sept gouvernements successifs se sont succédé depuis six ans, apportant chacun une politique différente. Cela a cloîtré les PME dans une attitude négative d’immobilisme, de manque d’initiative et d’inertie préjudiciables à toute innovation et à toute forme de croissance._
Cela a engendré un climat des affaires peu propice à l’investissement, car il y a un manque de visibilité pour l’avenir qui déstabilise les chefs d’entreprises dans leur gestion quotidienne et empêche l’élaboration de projets de développement pour l’avenir.
La progression de la contrebande et du commerce parallèle qui ont dépassé 45% de l’économie globale du pays et provoqué non seulement une concurrence déloyale aux entreprises légales, mais aussi une menace dans leur existence même outre la perte de rentabilité de l’entreprise.
Les difficultés de financement se situent à deux niveaux pour les PME, d’abord, l’insuffisance des crédits court terme nécessaires pour financer les fonds de roulement qui n’ont pas cessé de grossir, alors que les banques tunisiennes souffrent d’un manque constant de liquidités.
Les créances douteuses des clients des banques ayant gonflé aussi vite que la baisse des dépôts des épargnants.
A cela, il faudrait ajouter les difficultés d’accès des PME aux crédits moyen terme, nécessaires pour financer les projets de développement des PME : extension d’activités, modernisation des équipements, mise à niveau, faute de garanties suffisantes offertes par les entreprises ou encore à cause du manque de ressources chez les banquiers.
Avant de chercher à créer de nouvelles entreprises privées, il serait prioritaire de sauver celles qui existent déjà, qui connaissent de graves difficultés, alors qu’elles ont fait déjà preuve de leur fiabilité dans le passé.
Il s’agit de sauvegarder un des acquis : un patrimoine économique et un tissu social qui existent déjà et qui représentent une capitalisation matérielle et un savoir-faire accumulés pendant des années.
Ensuite, l’Etat doit avoir une stratégie pour développer le secteur privé en éliminant les obstacles qui entravent son développement, donc notamment les lenteurs et les complexités administratives.
Afin de favoriser le développement des PME, l’Etat doit avant tout, mettre en place des politiques destinées à améliorer le climat des affaires, donc adopter des mesures stimulantes en matière d’incitation à l’investissement, donner l’exemple en réalisant de grands projets en matière d’infrastructure de base, favoriser l’accès des PME à des financements bancaires bonifiés grâce à des lignes de crédit dédiées.
L’Etat doit assouplir la code du travail et favoriser le recrutement de jeunes compétences par les PME en prenant à sa charge les contributions sociales et même une partie de la rémunération durant un an ou deux afin d’améliorer le marché de l’emploi.
L’Etat doit également réformer le système éducatif pour adapter la formation des compétences aux besoins des différents secteurs d’activité économique et aux attentes des chefs d’entreprises.
L’accès de la femme au marché du travail doit faire l’objet d’une action promotionnelle et le processus de l’innovation, mériter un sort beaucoup plus prospère et mobilisateur.
L’Etat doit aussi protéger les entreprises légales et prendre des mesures strictes pour réduire l’impact de la contrebande aux frontières et favoriser l’inclusion progressive du commerce parallèle dans le régime économique réel.
Pourquoi ne pas créer un ministère chargé de la promotion des PME qui prendrait en charge la coordination des efforts de toutes les institutions concernées et l’élaboration d’une stratégie dans ce but ?