Sauvons la presse écrite !

L’Histoire témoignera en faveur du troisième président américain Thomas Jefferson (1746-1826) pour plusieurs prises de position et autant de phrases éternelles dont celle, devenue célèbre, dans laquelle il affirma à l’aube du XIXe siècle l’importance qu’avaient les journaux dans le développement des nations : «Si je devais décider si nous devons avoir un gouvernement sans journaux, ou des journaux sans gouvernement, je n’hésiterais pas à choisir cette dernière proposition». Thomas Jefferson, qui a été président des États-Unis de 1801 jusqu’à 1809, était aussi l’architecte de l’indépendance en 1776 et le tenant de la théorie de la « généralisation des valeurs démocratiques américaines ». Et, si nous revenons, à présent, à cette célèbre déclaration, c’est parce que nous sommes fermement convaincus de la pérennité de la presse écrite et l’importance de son rôle efficient dans l’éducation, la prise de conscience et l’enracinement des hautes valeurs et à leur tête celle de la liberté d’expression. Car, en faisant ainsi, elle renforce les fondements de la civilisation et relève l’homme dans tous les domaines.
Depuis sa naissance officielle en 1631 et la découverte de son « péché originel », celui d’être «un contre-pouvoir complètement dépendant des pouvoirs», selon la très provocante formule de l’historien français Christian Delporte, la presse écrite suscite l’envie autant que le mépris.
Un coup d’œil attentif à ce domaine nous fera remarquer que son long parcours a été taillé à partir des difficultés, des crises et des défis successifs. Car même les succès s’étaient formés dans la matrice même des défaites et de ses secousses. Ainsi, dans toutes les périodes transitoires qu’avait connues le monde depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et la vulgarisation du support papier, la presse écrite a toujours fait les frais de ces crises existentielles. Mais elle s’en est toujours sortie plus forte que jamais.
Cela s’est passé, par exemple, lors de l’apparition de la radio, puis de la télé, des autoroutes de l’information et des technologies multimédias, et enfin de la Toile mondiale et des réseaux sociaux.
A chaque fois, spécialistes et non-spécialistes nous parlent de la « fin de la presse écrite » mais leurs prédictions et noires prophéties volent en éclats, car les journaux ont vite fait de retrouver leur santé.
Mais comment donc a lieu cette résurrection salvatrice ?
Il y a sans doute d’abord la capacité des gens du métier à dépasser ces crises. Puis vient celle du pouvoir en place, qui soutient les initiatives de remise en état. C’est pour cela que les gens du métier devront mieux s’interroger sur leurs impasses pour regagner la confiance de l’opinion publique, et être au diapason des nouvelles technologies de l’information afin de les utiliser plutôt que de les subir. Car la radio et la télévision ont longtemps été les affluents les plus efficients dans la vulgarisation des journaux et de leurs contenus, puis est venu le tour d’Internet et des réseaux sociaux qui ont permis une plus grande diffusion à travers d’agréables versions électroniques. Être à jour nécessite aussi le développement du contenu des supports d’information écrite, car si les médias audiovisuels et la Toile mondiale se sont dernièrement spécialisés dans la diffusion des informations instantanées et précises, le créneau qu’occupera la presse écrite sera désormais la publication des analyses approfondies, des reportages qui touchent de près les préoccupations des gens et des opinions qu’étayent des documents authentiques, ainsi que des débats intéressants qui enrichissent le dialogue.
Le rôle du pouvoir quant à lui consistera à croire sans faillir au rôle de la presse écrite comme affluent efficient dans l’éducation, l’éveil des consciences et la formation d’une jeunesse saine, sans oublier l’enracinement de l’identité nationale et la consécration de l’ouverture. Le pouvoir est donc, de par ces objectifs, appelé à participer de manière effective au développement et à la protection de ce secteur contre les crises et les secousses transitoires. 

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