Savoir agir et convaincre


L’investiture, la veille de la célébration du nouvel an, de M. Béji Caid Essebsi en tant que premier Président de la deuxième République fut, à la fois, un moment d’une grande solennité et d’une forte symbolique. Elle vient couronner un processus initié  dans la douleur et la souffrance, mettre un terme  à une tumultueuse et pénible période de transition et donner le point de départ à des institutions pérennes de la Tunisie post révolution.

Un moment historique aussi, puisque il inaugure la première alternance pacifique au pouvoir dans le berceau du printemps arabe où la transition vers la démocratie n’a pu acquérir, non sans difficultés,  ses lettres de noblesse que dans notre pays,  conférant du coup à   l’exception démocratique tunisienne une  forte et juste  résonnance. Les dernières élections législatives et présidentielle, unanimement considérées  comme  transparentes,  dont les résultats ont été reconnus  et acceptés,  lui ont donné un contenu concret qu’il va falloir savoir préserver et enrichir.

Pour cette raison évidente, les engagements pris par le Président Essebssi à l’Assemblée   des Représentants du Peuple, constituent une plate-forme idoine pour consacrer l’esprit et la lettre des principes fondateurs de   la Révolution du 14 janvier 2011 et parachever la construction d’une  société où démocratie, vivre ensemble et développement inclusif  sont intimement imbriqués. À cet effet,  le respect de la  Constitution, la garantie des libertés,  le  consensus entre les partis politiques et les composantes de la société civile et  la réconciliation nationale, loin de  rester une simple profession de foi, doivent  s’élever en une  praxis. D’où l’effort continu et l’action inlassable qui doivent d’être déployés  pour renforcer la jeune démocratie tunisienne, rétablir la sécurité nationale dans un contexte régional annonciateur de tous les périls et ressusciter l’espoir en stimulant l’activité économique et en  résolvant les problèmes sociaux aggravés par trois années de gestion maladroite du pays.

Cet esprit de recherche des voies du consensus et de l’efficacité ne doit pas souffrir d’aucune faiblesse ou d’atermoiement.

Cela est d’autant plus vrai, qu’aujourd’hui  les contractions douloureuses qui ont  accompagné le choix du futur chef de gouvernement,   qui gagneront  vraisemblablement   en intensité lors de  la désignation  de son équipe, risquent de placer le premier  gouvernement  de la deuxième république  entre le  Charybde du jeu partisan et le Scylla  des fortes pressions politiques et sociales qu’il aura à subir dès son entrée en activité.

A l’évidence, le choix de M Habib Essid, qui s’est opéré au bout d’un suspense insoutenable, de  tractations tendues et d’arbitrages difficiles, a surpris. De tous les noms qui  ont  circulé, la liste n’a fait que s’allonger de jour en jour l’effort d’alimenter davantage  les spéculations, brouiller les pistes et   révéler aussi  des  fissures   au sein de Nidaa Tounes, M Habib Essid était le candidat le plus improbable. M Béji Caid Essebsi a été explicite à ce propos ,  affirmant que le futur chef du gouvernement ne sera pas un des ministres de Ben Ali. Dans le cas d’espèce, il a tenu parole. M Essid n’a occupé,  de 2001 à 2003, que le poste de Secrétaire d’Etat (successivement chargé de la pêche et de l’environnement) de Ben Ali et a eu  accessoirement le rang de ministre dans le cabinet de Hamadi Jbali en 2012.

Dans tous les cas de figure, loin d’être une sinécure, la mission des trois centres de   pouvoir sera à la fois ardue, délicate et titanesque. Nonobstant les  efforts déployés par le  gouvernement de Mehdi Jomâa, une année durant,  pour tenter, vaille que vaille,  de redresser un tant soit peu la barre, la Tunisie  offre aujourd’hui  l’image d’un champ de mines, où tout faux pas risque d’avoir des conséquences politiques, économiques et sociales difficilement quantifiables.

Pour cette raison également, le nouveau gouvernement  qui agira dans l’urgence, aura à satisfaire une triple exigence : convaincre, susciter  un consensus et tenir les promesses et les engagements qu’il a pris.

Face à l’énormité de la tâche,  à sa complexité aussi, il aura la lourde responsabilité de donner le juste ton, facteur  indispensable pour restaurer la confiance, renforcer la sécurité du pays, relancer l’économie et dissiper  quelque peu  le désenchantement  né d’une gestion des affaires publiques par la Troïka qui a failli  mener  le pays aux abysses.

Le facteur temps est vital dans cette mission de tous les périls que les nouveaux pouvoirs ont accepté d’assumer. Ne pas prendre en considération ce postulat, réduirait considérablement l’étroite  marge de manœuvre dont ils disposent et tout le crédit qu’ils possèdent.  Donner  vite un signal fort  en formant dans les meilleurs délais un cabinet qui se mettra rapidement à l’ouvrage  est un argument qui vaut son pesant d’or. Allonger la période de consultations, ne peut que raviver  les spéculations, approfondir les divergences et susciter  questionnement et malaise.

Le facteur temps est déterminant pour un nouveau  gouvernement  qui a l’ambition d’entamer son action  conformément à  une vision et de proposer des actions  à des questions  lancinantes comme l’emploi, le développement régional, l’investissement, la stabilisation du cadre macroéconomique, la  lutte contre le terrorisme, la préservation du   pouvoir d’achat, la protection des libertés et la restauration de l’image de la Tunisie.  « Une vision sans action n’est qu’un rêve. L’action sans une vision ne mène nulle part. Une vision accompagnée de l’action peut changer le monde », estimait, à juste titre, un anthropologue américain.n

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