Triste record, celui détenu par la Tunisie en matière d’exportation de jeunes djihadistes vers la majorité des zones de tension en Afrique, Moyen Orient et ailleurs.
Enrôlés par des réseaux terroristes « takfiri », pour servir de chair à canon dans des conflits dont ils ignorent tout sur leur véritable agenda, ces jeunes tombent facilement dans les filets de leurs bourreaux payés chichement pour entretenir ces guerres et faire régner la mort et le chaos.
Un triste record qui, par la force des choses, a terni l’image de la Tunisie, associée au terrorisme et faisant du Tunisien l’objet de fortes suspicions, de craintes et de mesures discriminatoires de plus en plus iniques.
Un triste record qui pousse au questionnement, à l’inquiétude et à de douloureuses remises en question sur les raisons profondes qui ont conduit un nombre considérable de jeunes au désespoir, à un suicide volontaire et d’être la proie facile de réseaux occultes qui ne daignent pas utiliser les lieux de culte et le tissu associatif comme paravent pour semer, partout où ils passent, la peur, la mort et l’anarchie.
Devant l’énormité du gâchis, on ne fait que constater, aujourd’hui, les dégâts. Ces derniers sont nés du laxisme qui a caractérisé la gestion des affaires du durant environ trois ans, que les mesures prises, souvent dans la précipitation, ne semblent, peu ou prou, résorber leurs effets dévastateurs ?
A l’évidence, la réalité est plus que jamais, tragique et complexe, et la damnation qui frappe une partie de la jeunesse tunisienne pourrait avoir des conséquences aussi imprévisibles que douloureuses. Ne parle-t-on pas, dans certains rapports publiés par des organisations internationales, de la présence d’environ 7000 combattants tunisiens en Irak, au Mali, en Libye et en Syrie (plus de 4000).
Comment expliquer l’impuissance flagrante pour mettre hors d’état de nuire des réseaux de recruteurs complexes ayant pour mission de faire passer les jeunes à travers nos frontières poreuses, où toutes formes de trafic ne peuvent être contrôlées efficacement ? D’où provient tout cet argent que les recruteurs perçoivent (entre 3.000 à 10.000 dollars par nouvelle recrue) pour accomplir leur basse besogne ?
Alors que l’on s’est contenté, jusqu’à une date non lointaine, d’afficher une passivité déconcertante face à l’afflux inexpliqué de nos jeunes dans les différentes zones, où la guerre fait rage, et à la liberté d’action dont jouissent certains groupes, le craquement des armes nous a fait sortir brutalement de notre torpeur. Les attentats au musée de Bardo et à Sousse ont annoncé avec fracas le changement du mode opératoire des terroristes, qui considèrent désormais la Tunisie comme terre de djihad.
Avec l’accroissement du risque terroriste et l’implication des jeunes dans des attentats meurtriers, les Tunisiens sont restés dubitatifs cernant mal les raisons objectives de l’amplification de ce phénomène ? Qu’est-ce qui pousse nos jeunes aux chemins du désespoir, du terrorisme et de la mort ? L’absence de perspectives économiques et sociales peut-elle expliquer, à elle seule, cette dérive dangereuse qui risque de se métastaser dans le corps d’une jeunesse sujette à toutes les influences néfastes ? Quelle stratégie entreprendre pour sauver nos jeunes des réseaux de la mort et épargner au pays une menace qui cible directement son ordre social et son expérience démocratique?
De toute évidence, qu’il s’agisse d’actes de désespoir ou l’œuvre d’une nébuleuse terroriste, il est temps d’engager une réflexion approfondie et d’agir. L’objectif étant de circonscrire ce phénomène grave qui a été nourri par une gestion calamiteuse des affaires publiques durant trois ans qui a failli plonger le pays dans la guerre civile. La perte de contrôle de nombreuses mosquées, contrôlées par des groupes takfiri et transformées en lieux d’embrigadement des jeunes, la multiplication des associations portant abusivement l’étiquette caritative et disposant de moyens financiers importants d’origine suspecte et l’affaiblissement du rôle de l’Etat, ont constitué le terreau idéal pour le renforcement de l’influence de ces réseaux notamment auprès des jeunes.
Pour toutes ces raisons évidentes, il est temps d’agir afin de comprendre les raisons profondes de ce mal qui ronge notre jeunesse, pour la protéger et pour lui présenter des arguments pouvant renforcer sa confiance et son espoir.
Malgré tous les défis que le gouvernement Essid est en train d’affronter dans tous les domaines, il lui revient de présenter à la jeunesse une perspective et des pistes qui lui permettent de restaurer sa confiance en l’avenir et de lui donner de la visibilité. C’est en chassant le désespoir qu’il sera possible de barrer la route devant les réseaux de la mort en les privant d’un atout maître, en l’occurrence, la misère et l’exclusion, qu’ils ont su, jusqu’ici, exploiter à fond pour renforcer le rang de leurs recrues. Et c’est par ce moyen, et ce moyen seul que le traitement sécuritaire du phénomène pourra être vigoureux et durable, dans la mesure où il permettra de tirer le tapis sous les pieds des terroristes toujours prêts à exploiter le ressentiment des jeunes et leur marginalisation.