Dans une interview accordée à Express FM, Taïeb Zahar, PDG de Maghreb Média et Président de la Fédération Tunisienne des Directeurs de Journaux (FTDJ), a exposé les enjeux critiques qui pèsent sur le secteur médiatique tunisien et a plaidé pour des réformes urgentes afin de sauver cette pierre angulaire de la démocratie.
La question de l’éthique
Le Président de la FTDJ a évoqué les critiques sévères dirigées envers le secteur médiatique et les accusations d’absence ou de non respect de l’éthique. Une des raisons majeures de cette situation réside dans la faible capitalisation des institutions médiatiques, en particulier la presse écrite. Taïeb Zahar explique que les coûts élevés associés à la production de médias de qualité ont poussé bon nombre de propriétaires de médias, y compris ceux de la presse écrite, à être rachetés en Europe et aux USA par des hommes d’affaires. En Tunisie quand les entreprises de presse ont tenté d’ouvrir leur capital aux hommes d’affaires, ces derniers ont été la cible privilégiée du pouvoir politique en place et ont subi les pires pressions.
Capitalisation fragile : Le défi de la presse écrite
Il faut souligner, précise Zahar, que l’ouverture du capital des entreprises de presse avait été envisagée pour attirer davantage d’investissements et assurer la pérennité de ces entreprises, sauf que les investisseurs sont restés prudents en raison de la menace constante pesant sur la liberté de la presse.
Taïeb Zahar souligne que les autorités peinent à faire la différence entre les aspects financiers et les différentes lignes éditoriales, ce qui alimente l’aversion au risque chez les investisseurs potentiels.
Le cas éloquent de 1988
Un événement marquant a été évoqué, remontant à 1988, lorsque Aziz Miled avait envisagé d’investir dans Réalités. Taïeb Zahar a révélé que cette initiative avait été contrariée par des pressions et des enjeux politiques, conduisant finalement Aziz Miled à abandonner son initiative. L’exemple illustre la délicate ligne de crête que doivent parcourir les investisseurs intéressés par le secteur médiatique national.
Une photographie objective du secteur médiatique
La nécessité d’un état des lieux objectif et franc a été soulignée par Taïeb Zahar. Il a rappelé que la presse est un pilier de la démocratie et qu’elle doit demeurer indépendante pour remplir son rôle de contrepoids face aux potentielles dérives autoritaires. Cependant, la précarité du secteur est un défi qui a persisté au fil des années, même sous des régimes successifs tels que celui d’Ennahdha et la présidence de Beji Caid Essebsi.
Fragilité financière et pérennité menacée
Les conséquences sont frappantes : certaines institutions, parmi lesquelles La Presse et Le Temps, sont confrontées à des difficultés financières au point qu’elles ne peuvent même pas garantir leur approvisionnement régulier en papier pour d’impression. Le Président de la FTDJ a averti qu’à ce rythme, la majorité des acteurs médiatiques pourraient disparaître, mettant en péril le pluralisme de l’information et la vitalité du débat public.
Plus de transparence pour une relance structurelle
Taïeb Zahar défend, par ailleurs, une transparence accrue pour réguler le marché des annonceurs, ce qui pourrait apporter un nouvel élan au secteur en attirant des investissements plus sûrs et en instaurant un équilibre propice entre médias et annonceurs.