Les trois gouvernements successifs de la transition n’ont pas pu ou su gérer la crise qui continue de sévir dans le bassin minier de Gafsa et à paralyser non seulement la Compagnie des phosphates, mais aussi le Groupe chimique dont les usines de transformation implantées à Gabès font partie intégrante et sont étroitement liées. En effet, les chiffres de production récemment cités par le PDG de la compagnie, M. Néjib Mrabet, sont dérisoires.
La CPG a produit en trois ans : 2011, 2012 et 2013 seulement 8,2 millions de tonnes de phosphates, alors que ce volume de production a été atteint en une seule année 2010, cela signifie que la CPG n’utilise que le tiers de sa capacité de production. Les recettes perdues sont évaluées à 16 milliards de dinars.
Alors que ses charges ont augmenté de façon considérable : le recrutement de près de 2600 nouveaux cadres et agents, la continuité du paiement des salaires et indemnités pour tout le personnel, soit près de 10.000 agents, le dédommagement des clients à l’export vis-à-vis desquels les engagements de livraison n’ont pas été honorés.
En outre, la CPG a créé deux sociétés filiales, une société spécialisée dans la dépollution des sites miniers avec recrutement de 2700 agents et une autre pour le transport des produits miniers avec recrutement de 1600 agents.
Tout cela suite à l’abolition du système de la sous-traitance.
La flambée des coûts
En outre, il y a une baisse vertigineuse de la rentabilité en matière de coûts de revient puisque le transport des phosphates, qui se faisait par voie ferrée à raison de 5D la tonne avec la SNCFT, ne se fait plus que par les camions des privés à raisons de 20D la tonne suite au blocage de la vie ferrée par les sans-emplois qui réclament leur recrutement par la CPG. Cela engendre des pertes sèches pour la compagnie et le prix de vente final des phosphates étant fixé à l’avance avec les clients demeure donc inchangé.
Il faut dire que les 4 plates-formes de production des phosphates : Metlaoui, Redeyef, Moularès et Mdhilla n’ont pas cessé depuis près de trois ans de connaître des grèves, des perturbations sociales, des sit-in tantôt au niveau de l’extraction du phosphate brut (carrières) tantôt au niveau des stations de lavage et de traitement, tantôt au niveau du transport.
Souvent à tous les niveaux et en même temps, le convoyeur mécanique qui évacue les phosphates ainsi que le transport par rail est souvent bloqué tant et si bien que même les phosphates produits ne peuvent être transportés vers Gabès, Ghannouche ou Sfax pour n’être transportés qu’à prix d’or par camion au profit de privés qui s’enrichissent de façon illégitime et aux dépens d’une compagnie nationale.
Assurer la sécurité de la production
Les pouvoirs publics n’ont jamais voulu attaquer le problème de front pour des raisons électoralistes, ni appliquer la loi pour faire régner la liberté de travailler, de circuler et de transporter.
C’est ainsi qu’une compagnie qui était florissante et alimentait le budget de l’État à raison de 1 à 2 milliards de dinars par an en fonction des prix des phosphates sur le marché mondial et qui contribuerait de façon sensible à la balance des paiements en devises, est en train de s’éteindre à petit feu.
La récente réunion tenue à Gafsa et présidée par le ministre conseiller chargé de l’Investissement auprès du chef du gouvernement, Ryadh Bettaïeb, avec la participation du gouverneur de Gafsa et du PDG de la CPG, a lancé un cri d’alarme. En effet si les perturbations persistent, près de 15.000 agents seront mis en congé obligatoire en 2014, car la CPG ne sera plus en mesure d’assurer les salaires.
Cela ressemble à s’y méprendre à une cessation de paiement qui serait catastrophique pour toute la région, en raison de l’impact indirect de la CPG sur toute l’activité économique et la situation dans la région. C’est pourquoi il faudrait une réaction vigilante de tous les acteurs en présence pour sauver un fleuron de l’économie nationale.
Par Ridha Lahmar