Sécuriser l’investissement : un enjeu de stabilité sociopolitique

De nouveau, l’image de la Tunisie dans le monde est secouée de plein fouet, après avoir cru mettre du baume sur la plaie. La Tunisie vient d’être médiatisée comme un pays « au bord de l’implosion » suite aux actes de violence et de vandalisme qu’a connus le pays ces derniers jours. Les soubresauts des partis ne cessent de semer la zizanie dans le gouvernement susceptible de déstabiliser l’action publique.
Indépendamment de la raison d’être et des faits instigateurs, les derniers mouvements d’instabilité sociopolitiques pourraient avoir des conséquences défavorables réelles sur la dynamique d’investissement, retenue d’ailleurs comme principale source future de reprise et de croissance économique.
La situation est véritablement préoccupante et laisse croire que le principal enjeu auquel sera confronté le pays cette année, serait d’assurer la stabilité sociopolitique pour aménager les conditions requises au retour de l’investissement.

Fluidité de la transmission : une question à prendre au sérieux
L’amélioration du climat d’investissement pour dynamiser la croissance est l’un des piliers majeurs de toute stratégie de développement et de réduction de la pauvreté. Ce principe doit être suivi et perpétuellement assuré pour que le processus de développement n’achoppe sur aucun aria.
Dans ce cadre, la sécurité – avec un grand S -des individus est de plus en plus devenue une source majeure de préoccupation pour le monde. Egalement, la sécurité politique, exprimant entre autres l’instabilité du régime politique et les crises de gouvernement ainsi que la sécurité sociale, incluant des problèmes comme le crime, la violence, les grèves, les manifestations ou les émeutes, déterminants pour le niveau, la qualité et la durabilité du développement.
L’instabilité sociopolitique constitue une entrave à l’activité économique et un obstacle majeur à l’investissement global. Elle dégrade l’environnement des affaires en général et de l’investissement privé en particulier et affaiblit par-là les facteurs fondamentaux déterminants de l’investissement, en l’occurrence la demande anticipée par les entreprises, le coût des facteurs de production, la profitabilité et la rentabilité des projets d’investissement.
Les études empiriques arguent que l’instabilité sociopolitique affecte l’investissement et par-là, la croissance et le développement par différents canaux.
Premièrement, à cause de l’incertitude politique, l’instabilité gouvernementale et des mouvements sociaux acharnés. Le sentiment de confiance chez les investisseurs est souvent plus bas que ce qu’il aurait pu être. Du coup, l’attentisme a tendance à gagner plus longtemps la communauté des affaires et pénaliser l’investissement.
Deuxièmement, l’instabilité politique réduit considérablement l’horizon temporel, non plus seulement de l’investisseur, mais aussi du décideur politique lui-même, lequel décideur se contente généralement d’une pratique de gestionnaire et attentiste du pouvoir, en particulier dans le domaine économique, sans compter les retombées en termes d’allégeances clientélistes, voire de corruption.
Troisièmement, l’instabilité sociale cause des coûts économiques importants avec ses conséquences diffuses sur l’économie du pays, occasionnées par la destruction des biens et de nombreuses infrastructures économiques, la fermeture et la délocalisation des entreprises, la fuite de capitaux, la rupture du processus de production, l’accroissement des coûts de transaction et le déclin de la productivité. Ce qui affaiblit la résilience de l’économie.
Quatrièmement, en cas d’instabilité élevée, la rigidité à la baisse des salaires, suite notamment à des mouvements de protestation contre la détérioration du pouvoir d’achat et ou une forte pression syndicale, risque d’affecter négativement les profits de long terme et retarder ainsi la décision d’investir.
L’ensemble de ces canaux de transmission pourraient trouver leur place dans le cas de la Tunisie et déboucher sur de lourdes conséquences économiques en termes d’investissement et de croissance, si des mouvements d’instabilité pareils se reproduisaient de nouveau.

Sécurité de l’investissement : une question à placer sur l’avant-scène
Le regain de la dynamique d’investissement en Tunisie dépend de la sortie définitive du « cycle » d’instabilité sociopolitique.
Le premier ordre de sécurité de l’investissement relève de l’apaisement politique et de la stabilité gouvernementale.
Épargner le gouvernement de toutes tractations politiques et de tous calculs partisans en cette phase délicate, est impératif.
Lancer des appels à un remaniement ministériel ne pourra qu’ébranler la confiance et créer davantage d’incertitude dans le climat des affaires. Retourner au dialogue multipartite et faire valoir la voix de la raison, constituent l’unique chemin de salut et voie de sortie de l’apathie caractérisant le climat d’investissement. La responsabilité collective des partis politiques, représentants du peuple, partenaires sociaux et société civile, doit être de mise.
Le deuxième ordre de sécurité de l’investissement a trait à la stabilité sociale. Le rôle dévolu au gouvernement à ce titre est capital, en absorbant la grogne des citoyens et en protégeant leur pouvoir d’achat à travers la lutte contre la spéculation, la monopolisation et l’anarchie des circuits de distribution. La décision d’accroître l’enveloppe des subventions accordées aux familles nécessiteuses, est judicieuse et ne pourra que contribuer à amortir l’effet des chocs défavorables sur le revenu réel. L’application stricte de la loi l’encontre des malfaiteurs, des casseurs et des fauteurs de troubles, s’impose de toute urgence pour maintenir l’ordre public, garantir la sécurité des biens, des personnes et des droits de propriété publique et privée.
La concession des syndicats et la responsabilité sociétale des entreprises sont fortement recommandées en ces temps difficiles, pour appuyer l’effort de l’Etat dans la résolution de la crise et tirer l’économie du pays de sa torpeur.
L’expérience, mais aussi l’ambition, suggèrent que seuls les bons régimes politiques, les bonnes institutions nationales et les bons comportements sociaux sont susceptibles d’offrir la meilleure protection aux investisseurs et d’assurer par-là la sécurité adéquate à l’investissement aux fins d’une croissance plus élevée et d’un développement économique pérenne et harmonieux.

Alaya Becheikh

 

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