Même si la préservation de la sécurité commence à reprendre ses droits, à la faveur de la réorganisation des services de sécurité et, surtout, de leur mobilisation face à l’émergence du spectre terroriste, au cours des dernières quatre années, cette fonction a été souvent défaillante, voire approximative.
Au lendemain du 14 janvier 2011, des milliers de prisonniers se sont échappés des prisons, profitant de l’effondrement du régime et de la grande désorganisation qui a gagné ce secteur. L’amnistie générale décrétée par le gouvernement Ghannouchi d’une manière hâtive et non réfléchie a permis la libération de nombreuses personnes directement impliquées dans des affaires de terrorisme, à l’instar du groupe de Soliman.
En raison de ce traitement laxiste, les menaces, tant redoutées, sont devenues rapidement réelles. Cette menace a été nourrie par la défaillance de la surveillance, mais aussi du silence des autorités face à un discours violent et haineux de certains groupes qui ont choisi la voie publique pour faire étalage de leur force.
Incontestablement, l’attaque de l’ambassade américaine à Tunis par des salafistes a été le révélateur du laxisme qui a marqué l’action des forces de sécurité et de leur incapacité à anticiper des actions violentes perpétrées par des groupes qui prônent le djihad et le meurtre comme mode opératoire. L’attaque de l’ambassade américaine a provoqué un profond choc chez les Tunisiens et a gravement altéré l’image de la Tunisie dont le nom est devenu souvent associé au terrorisme et aux actions violentes.
La réaction du ministre de l’Intérieur de l’époque, Ali Laarayedh et sa célèbre phrase « nous les attendions de devant, ils sont arrivés par derrière » a révélé au grand jour les défaillances du système sécuritaire en termes de stratégie laissant pantois les Tunisiens. Ces appréhensions ont été renforcées, par la passivité complice avec laquelle les forces de sécurité ont géré la fuite du terroriste Abou Yadh de la mosquée, Al Fatah, au cœur de Tunis, pourtant encerclée de tous côtés.
Le processus de désarticulation et de fragilisation de l’institution sécuritaire a commencé avant la venue de la Troïka au pouvoir, il est vrai. Certaines décisions prises au lendemain de la fuite de Ben Ali, à l’instar du limogeage de nombreux cadres du ministère de l’Intérieur et la dissolution du service de la sûreté de l’Etat, ont conduit à la défaillance du système sécuritaire et amplifié sa désorganisation. Aucune stratégie d’ampleur n’a été engagée au cours des trois premières années qui ont suivi la chute du régime de Ben Ali pour repenser ce système et encore moins définir une stratégie claire pour jeter les fondements d’un système de sécurité républicain.
Les Tunisiens ont fini par perdre confiance en l’institution sécuritaire, après l’assassinat de Chokri Belaïd, et de Mohamed Brahmi, deux disparitions tragiques qui ont amplifié le sentiment de méfiance et de crainte vis-à-vis de ce système, censé pourtant être le garant de leur sécurité.
Hormis les assassinats politiques, les Tunisiens ont goûté également à la violence politique. La violence exercée par ceux qui se sont érigés en Ligues de protection de la Révolution (LPR) a été une autre facette de l’insécurité qui a régné dans le pays et de la duplicité qui a existé entre cette police parallèle et le pouvoir politique. Ces ligues, pourtant interdites mais toujours actives, ont eu la mission d’empêcher la tenue des meetings politiques, de violenter les personnes récalcitrantes et de faire régner la terreur dans l’espace public.
Aujourd’hui et malgré le soutien qu’apporte la population à l’appareil sécuritaire notamment dans sa lutte contre le terrorisme, la méfiance reste vive surtout chez les jeunes, pour qui il y ait une association entre l’image de l’agent de l’ordre et la répression.
D’où l’impératif d’engager une réforme à même de réconcilier les forces de sécurité avec les citoyens et d’effacer définitivement de l’imaginaire du Tunisien l’image réductrice qui a toujours caractérisé la relation liant le citoyen à l’agent de sécurité.
Hajer Ajroudi