Immémoriale et atavique, notre férocité n’épargne ni l’humanité, ni l’animalité. En ces temps où les manifestants hurlent « Ya Ghannouchi ya saffa7 ya 9attel larwa7 », les médiateurs attirent l’attention vers l’autre champ d’observation.
Excédé par ses légumes broutés, le paysan attrape la chèvre de son voisin et arrache les pattes avant de l’animal, pour lui, malfaisant. Mais la juste protestation dressée contre la cruauté laisse dans l’ombre ses conditions, sociales, de possibilité. Car le supplice infligé à l’animalité n’a rien d’un acte exceptionnel et isolé.
Dans le Nord, aux abords du Zaghouanais, le camionneur aperçoit la cigogne au bord de la chaussée. Parvenu à son niveau, il vire, fonce vers elle et poursuit son chemin après l’avoir écrasée.
Dans les vergers de Menzel Bouzelfa, le nœud coulant serre le cou du chien condamné à mort, sous le soleil ardent, pour avoir croqué les poulets du voisin révolté. A Maâmoura, quand l’âne rétif refuse d’avancer, l’homme campé sur lui, utilise un bâton pointu, pique la plaie ouverte sur l’encolure et nul ne remet en cause la torture. Entre Saint-Germain et Hammam Lif, sur la plage déjà grignotée par l’avancée marine sous l’effet du climat réchauffé, le charretier fouette la partie la plus sensible du bas-ventre quand, les roues enlisées, le cheval peine à tirer le poids du sable chapardé. Les villes n’ont rien à envier aux campagnes, à propos de ce fléau, gare au chien errant, sans collier, s’il ne réussit à décamper assez vite, quand de nuit, rappliquent les policiers motorisés. Dès le premier coup de feu, les autres chiens avertis filent à toute vitesse, pour échapper au massacre légalisé. La férocité outrepasse l’appartenance aux classes et aux métiers. L’un de mes voisins, politicien devenu « écrivain », recourt à la mort au rat pour assassiner les chiens coupables d’amener des sachets en plastique, pleins d’ordures ménagères, devant son habitation. Hélas, la chatte choyée de Souad Chater, mon adorable voisine, vint gober les mets empoisonnés. Elle mourra et Souad pleurera. La vie de quartier grouille de secrets.
Motivés par divers intérêts, les massacreurs de l’animalité charcutent la chèvre vivante et pendouillent le chien mangeur de poulets. Mais quelles seraient les raisons colportées par les tueurs de Belaïd et de Brahmi, deux brillants opposants ? Les commanditaires de l’exécution lorgnent les sommets de l’autorité à l’instant même où ils surfent sur la religion. Leur triple casquette coiffe, à la fois, la croyance religieuse, le Chambi et le Parlement impénitent. Aujourd’hui, les sept pays occidentaux, enfin coalisés, feignent de ne rien piger à pareille complexité pour fourrer leur nez, à moucher, au pays de Bourguiba, déboussolé par les sinistres enturbannés.
Dans son ouvrage titré « Les Dieux ont soif », Anatole France écrit à propos de 1789 : « Il se peut encore, poursuit Brotteaux, que la Vendée l’emporte et que le gouvernement des prêtres se rétablisse sur des morceaux de ruines et des amas de cadavres.
Vous ne pouvez concevoir, chère amie, l’empire que garde le clergé sur la multitude des ânes ».
Ici et maintenant, semblable perspective paraît enchanter nos enturbannés. D’ici, je vois briller le regard des prêts à mater les kouffars.
Pour l’instant, ils parviennent à intéresser des appuis exogènes et endogènes. Un paradoxe met en scène deux rengaines.
D’une part, les urnes propulsent un outsider et, de l’autre, la croyance religieuse conforte les adversaires du solitaire.
Quel est donc le profil culturel et cultuel des votants pour l’un et l’autre bataillon ?
Maintes fois, le Carthaginois proclame sa foi. Cela brouille les cartes et complexifie le repérage de la distance intercalée entre l’universitaire et les babbas. Ils ne sont guère disposés à lâcher le magot usurpé. Ainsi, au CERES ils sont 25 à recevoir des « rappels » compris entre 10 et 20 millions. Le directeur me dit ne pouvoir les remercier en dépit de la calamité.
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