« Si tu veux nos voix, fais-nous entendre la tienne »

Alors que la course pour les prochaines présidentielles est lancée —celles-ci se dérouleront le 17 avril prochain— et que les candidats en lice observent une timide campagne, les « anti-Bouteflika », eux, font entendre leur voix. Florilège de cette déferlante, qui a envahi les réseaux sociaux et les rues algériennes.

C'était il y a quelques semaines. Un véritable mouvement de protestation satirique est né quand le président sortant Abdelaziz Bouteflika, 77 printemps, annonçait dans une intervention fugitive de 14 secondes sur la chaîne nationale, son intention de se présenter pour un quatrième mandat.  Si certains se sont réjouis de cette nouvelle, d’autres considèrent que le couperet est tombé.  Rapidement sur le net et dans la rue, des mouvements contestataires sont nés. Objectif? Décrédibiliser le candidat Bouteflika.  Plus que deux semaines séparent l’Algérie des prochaines élections présidentielles et la lettre ouverte de Bouteflika, publiée la semaine dernière et s’adressant aux citoyens algériens, ne semble pas avoir calmé les ardeurs des anti-Bouteflika. Affiches, vidéos, publications en cascade sur les réseaux sociaux, sit-in ou encore manifestations : les citoyens anti-Bouteflika se sont activement mobilisé pour fragiliser la campagne présidentielle.

Son âge avancé, son état de santé, son « inactivé », son absence de la sphère publique et médiatique, ou encore son manque de discours à l’adresse de la société civile algérienne, sont les principales raisons de la grogne de ces mouvements qui ont repris de la voix depuis l’annonce officielle de la candidature du président sortant.  « Mépris du peuple, infantilisation, corruption », beaucoup dénoncent un système de gouvernance « moribond ». Dans la rue, comme sur le net, on reproche plus principalement au président Bouteflika de ne rien dire sur ses projets politiques et sociétaux et de manquer de transparence concernant les dépenses publiques. « Si tu veux nos voix, fais-nous entendre la tienne », pouvait-on lire récemment sur le réseau social Twitter

 

Vague de révolte sur le web

Barakat, littéralement « ça suffit » est le mouvement de référence formé par des anti-Bouteflika.  Ce mouvement, d’opposition « citoyenne », a été fondé le 1er mars dernier par une gynécologue, Amira Bouraoui, 38 ans. Dès le 22 février et l’annonce de la candidature de l’actuel président, les anti-Bouteflika se sont réunis, d’abord sur les réseaux sociaux,  puis dans la rue. Très vite, la page Barakat a vu son nombre de fans monter en flèche. Aujourd’hui, le groupe comprend plus de 30 000 membres. Son slogan : « Vive l’Algérie libre et démocratique ».  

Dans une vidéo baptisée « Test du vote électronique 2014 en Algérie » et postée la semaine dernière sur YouTube, des anti-Bouteflika font état de la fraude qu’ils estiment plus que probable pour les prochaines élections algériennes. La vidéo met en scène une personne qui vote sur un logiciel électronique. Problème : le votant ne peut déplacer la flèche de sa souris qu’en direction du nom de Bouteflika.  Depuis les dernières élections, le gouvernement de Bouteflika avait été, maintes fois, montré du doigt, concernant les techniques de comptage électoral jugées frauduleuses.

Sur Facebook et Twitter, des affiches appelant au boycott  du candidat Bouteflika ont également envahi la toile. Parmi celles-ci, l’une fait état de la côte de satisfaction des dirigeants par pays: «6 Américains sur 10 sont déçus par Obama, 6 Français sur 10 sont déçus par Hollande, 10 Algériens sur  6 sont contents de Boutef».  Une autre, dénonce le silence de Bouteflika. Sur ce visuel minimaliste, on constate de simples guillemets vides suivis de la mention «Abdelaziz Bouteflika, 2014».  Autre mouvement qui fait parler de lui sur la toile, le « Boutefli4 ». Même technique que les précédentes et même cheval de bataille: dénoncer l’absence et l’inefficacité du président sortant. Sur ce visuel, les inscriptions « encore 5 ans d’absence » et « disponible en slow motion dans toutes les salles de réanimation ». De l’humour noir donc, faisant référence à la santé fragile de l’actuel président. 

« Boycott, boycott pour l’Algérie »

Depuis l’annonce du dépôt du dossier de Bouteflika pour la prochaine présidentielle, les manifestations s’enchaînent. Principalement à Alger, ces dernières semaines, les opposants et les pro-Bouteflika se sont mobilisés. Chacun pour leur cause.  D’un côté,  militants des Droits de l’Homme, des universitaires, des membres du parti communiste. De l’autre, des personnalités politiques, des proches du président Bouteflika, des membres de sa campagne.  Vendredi 21 mars au soir, à Alger, un meeting en faveur du boycott de l’élection présidentielle s’est organisé. Les manifestants appelaient au boycott des élections qu’ils jugent, dans tous les cas, perdues d’avance. Messages clefs de cette révolte : «Boycott, boycott pour l’Algérie» ou encore « le peuple veut une période de transition ».

Dans la presse également, des intellectuels algériens ont pris la parole. Parmi eux, Mohamed Sifaoui, journaliste algérien qui écrivait dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien El Watan quelques jours après l’annonce de la candidature du président sortant : « La plupart des Algériens vous rejettent, non pas en tant que personne seulement, mais surtout en tant que principaux responsables du pays et de ses malheurs. Vous avez réussi à démobiliser tous les patriotes sincères et tous ceux qui, en 1992 par exemple, ou à d’autres moments de l’histoire récente, ont mis leur vie en danger pour la sauvegarde des principes de la République et des valeurs démocratiques ».

De leur côté, les pro-Bouteflika  se mobilisent également, bien que plus timidement. Récemment,  plusieurs personnalités artistiques algériennes ont marqué leur soutien au président sortant en publiant une vidéo sur YouTube.  Parmi eux, Khaled et Kenza Farah, l’humoriste Smaïn ou encore l’ex-boxeur Farid Khider. Dans cette chanson Intitulée «Notre serment pour l’Algérie… Abdelaziz Bouteflika», les militants pro-Bouteflika, sourire aux lèvres, chantent la gloire et le courage de Bouteflika.

Céline Masfrand

 

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