Situation économique en Tunisie: Les exigences de la paix sociale et de la productivité

Il n’est pas exclu  que les prochains jours soient des plus difficiles  du fait des négociations salariales. Gouvernement et Centrale syndicale doivent trouver un terrain d’entente et une solution gagnant-gagnant. En effet, l’énergie créatrice et productive de notre peuple est constamment perturbée, voire même,  handicapée par une instabilité sociale qui prend souvent un aspect chaotique bloquant. Nous avons toujours cependant trouvé des issues mais,  les pertes pour le pays pèsent trop lourdement menaçant l’avenir. Il est grand temps de négocier une paix sociale probablement contractuelle mais si déterminante en temps de crise.

La Centrale syndicale UGTT qui a participé au développement de notre pays en élaborant, rappelons-le, les premières perspectives décennales de 1962-1972,  semble, aujourd’hui, effectuer le chemin inverse. Les sit-in qui s’organisent sans fin dans des secteurs stratégiques sinistrés risquent, en effet, de finir par provoquer leur fermeture à jamais. De la même manière, il est également incompréhensible de demander des hausses de salaires au moment où la productivité est en baisse et où l’Etat n’arrive pas trouver les financements nécessaires pour boucler son budget de 2015. Nul besoin d’être expert en économie pour reconnaitre l’ampleur des difficultés auxquelles fait face le gouvernement, lesquelles nécessiteraient certainement des politiques non conventionnelles et qui exigent,  surtout, un effort supplémentaire de tous les acteurs.

Et c’est au sujet des hausses de salaires qu’il y a divergence  actuellement entre Centrale syndicale et ses partenaires. Avec la hausse continue de l’inflation, la pression en faveur de hausses de salaires s’accroît. Comment réconcilier ces deux objectifs opposés d’économies et de hausses de salaires ?

Certains se plaisent à penser qu’une hausse des salaires stimulerait la consommation et la demande interne. Mais ne nous y trompons pas. Dans un contexte marqué de ralentissement de l’économie, ni l’Etat,  ni les entreprises ne disposent vraiment de trésor caché. De plus, donner la priorité au pouvoir d’achat impliquerait de renoncer à enrichir la croissance en emplois et le rythme de réduction du chômage n’en serait que plus lent.

La Tunisie n’a plus le choix

Aujourd’hui, une hausse des salaires ne produirait aucune stimulation sur la croissance tout simplement parce que ce qui sera distribué aux salariés devra être prélevé ailleurs. Si les entreprises n’en supportent pas intégralement la charge, l’Etat devra assurer le financement de cette mesure en réduisant ses dépenses, en augmentant les impôts ou en laissant filer un peu plus le déficit budgétaire. Penser que faire de la redistribution à travers les salaires permettra de relancer la consommation est une erreur économique de taille, surtout lorsqu’on importe une grande partie des biens consommés. Toute hausse du coût horaire risque d’exercer des effets destructeurs sur la demande d’emploi.

La Tunisie n’a plus le choix : elle doit entrer, pour plusieurs années, dans une trajectoire de modération salariale. Une discipline qui concerne tous les secteurs, l’industrie, les services, l’Administration. Désormais, la règle doit être une augmentation des salaires réels égale à celle de la productivité. Certes, la progression des salaires réels a déjà ralenti sous l’effet du ralentissement de la croissance économique et de la baisse du potentiel de l’appareil productif.

Mais il faut serrer plus fort. Deux points de croissance ont été perdus en rythme annuel du fait des perturbations sociales. Il faut rompre cette tendance qui nous installe dans une stagnation durable. La modération salariale, c’est l’affirmation explicite que l’on ne peut plus donner aux Tunisiens plus que le taux de croissance économique annuel. Et si on ne corrige rien, la Tunisie se piègera dans une trappe de stagnation durable.

Compétitivité : seul moteur de création d’emploi

La Tunisie a besoin d’un choc de productivité. Il y a trois facteurs favorables à la productivité. Il faut tout d’abord se donner plus de flexibilité sur le marché du travail. Ensuite, il faut chercher à améliorer la qualification de la main-d’œuvre. Et enfin, il faut promouvoir l’investissement. On n’investit pas assez dans l’appareil productif. En effet, le taux global d’investissement de la Tunisie s’établit à seulement 20 % du PIB alors qu’une croissance forte exige un taux d’au moins 30%. A cet égard, il est important de souligner que l’industrie investit beaucoup moins que sa part dans le PIB, donc il y a forcément insuffisance. Il faut augmenter l’effort de recherche et développement dans le secteur privé, il faut enfin intégrer le progrès technique.

Dans le contexte actuel de crise économique, il devient nécessaire de trouver les moyens pour faire passer la productivité à la vitesse supérieure. A ce propos, la théorie économique mais aussi l’expérience internationale nous enseignent que la hausse de la productivité a non seulement un impact positif direct sur la richesse d’un pays, mais elle améliore aussi la compétitivité de ses entreprises et de son économie, permet de construire le socle financier sur lequel peut s’appuyer les dépenses sociales et constitue le seul moteur de création d’emplois efficace à long terme.

Aujourd’hui, la question est donc de savoir comment obtenir une croissance qui favorise une économie de qualité ? Dans ces conditions, quelle est l’action prioritaire à mener pour améliorer la productivité globale ? A vrai dire, il n’y a pas une action unique mais il s’agit d’un ensemble d’orientations qui procèdent d’un même esprit : celui du travail et de la productivité pour assurer les ressources d’un pays en mutation. Ces orientations ont pour ambition de donner du souffle à notre économie parce qu’au final le résultat de l’économie n’est pas une quantité fixée. Le PIB dépend de notre travail, notre compétitivité dépend de notre travail, nos résultats à l’exportation dépendent de notre travail.

Changer de modèle d’organisation

Afin de participer à cet effort, plusieurs actions de politique économique mériteraient d’être entreprises pour relever ces défis. On se contentera ici de quelques propositions simples qui se déclinent en quatre directions :

Premièrement, la productivité consistant à faire plus avec moins, il faut tirer parti de toutes les ressources des techniques nouvelles. Deuxièmement, la productivité exige également des changements de modes d’organisation. Nos manières de travailler demeurent souvent archaïques alors que la révolution des nouvelles techniques d’information et de communication permet de donner à chaque acteur les moyens d’agir en responsable et d’utiliser au mieux les biens rares et l’argent. Les changements d’organisation ne concernent pas seulement les entreprises mais sont nécessaires partout, au niveau de l’Etat, de l’éducation nationale, des collectivités publiques. De nombreux organismes, trop habitués à croire que parce qu’ils sont ou se jugent indispensables, les dépenses qu’ils programment doivent être couvertes en priorité. La règle selon laquelle on ne peut pas consommer indéfiniment plus de richesses qu’on n’en produit vaut pour tout le monde. Troisièmement, la productivité, faire plus avec moins, consiste aussi à accroitre la qualité, si possible à prix constant. Cette exigence passe par la formation, le sens du service rendu, le goût de la compétition pour se comparer aux meilleurs. C’est ce que doivent surtout comprendre nos administrations, car la bonne qualité est synonyme de durée. Enfin, la productivité progressant, les changements qui en résultent bousculent les situations acquises, les structures en place, les habitudes. Elle doit donc s’accompagner d’une politique permanente d’adaptation des hommes et des organisations.

Aujourd’hui, et au-delà de la nécessité de retrouver une croissance plus soutenue, l’un des enjeux essentiels pour notre pays consiste à améliorer notre productivité. Contrairement aux revendications, une modération des salaires pour gagner en compétitivité pourrait être dans un premier temps une solution convenable.

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