Situation sécuritaire : L’ombre du terrorisme plane sur les élections

Après les révélations du ministre de l’Intérieur sur des menaces terroristes pesant sur le pays et la découverte de plans établis par les terroristes pour le dernier trimestre de cette année, on peut se demander si ces menaces sont avérées et imminentes. D’autre part bien que la Tunisie puisse se vanter aujourd’hui d’être peut-être le seul pays allant vers l’accomplissement d’un processus démocratique, et ce, face au délabrement et à l’anarchie que subissent d’autres pays dudit «Printemps arabe», l’inquiétude se fait ressentir quant on sait le nombre de groupes terroristes et parfois d’États qui voient d’un mauvais œil le processus tunisien prendre forme.

Le forum qui s’est tenu lundi dernier, «investir en Tunisie», est révélateur de l’état d’esprit optimiste qui règne en Tunisie, mais qui serait obéré par des menaces terroristes réelles. Il n’y a qu’à voir la Libye voisine, où l’armée tunisienne est sur le qui-vive et où la mobilisation de la Garde nationale donne à réfléchir sur l’impasse dans laquelle se trouve ce pays.

La Tunisie, un exemple et un modèle en démocratie ?

Au regard de ce qui se passe en Libye, au Yémen, en Syrie et même en Égypte, qui sont généralement des processus rompus, inaccomplis ou tronqués, la Tunisie est quasiment le seul pays qui s’est engagé dans une véritable démocratie civile. Le Dialogue national qui a fait émerger un gouvernement dit de «technocrates» fut la résultante d’un compromis salué par le monde entier entre les partis politiques, les syndicats (UGTT, UTICA) et la société civile. Il est à noter que la tradition politique tunisienne est différente des autres pays, car de véritables forces civiles ont pleinement leurs mots à dire face aux partis politiques. L’existence aussi en Tunisie d’une véritable armée républicaine, neutre, est entre autres un gage de garantie de réussite politique du pays. Ces facteurs réunis, conjugués à une certaine sagesse des partis politiques (quoi que l’on en dise) ont pu engager la Tunisie dans une véritable voie vers la démocratie.

L’annonce faite par le président de l’ISIE des dates de la tenue des élections législatives et présidentielles ont conforté au plus haut point non seulement les Tunisiens, mais et surtout de nombreux pays amis et des investisseurs locaux et étrangers.

Rendez-vous avec l’Histoire

Avec l’Instance indépendante pour les élections, le calendrier des élections est maintenant fixé. Pour les législatives, elles commenceront dès le 6 juillet pour s’étendre jusqu’au scrutin, fixé au 26 octobre 2014 et à la proclamation des résultats. Cette période se répartit entre la pré-campagne (6 juillet-3 octobre), la campagne (4-24 octobre), le silence électoral (25 octobre) et le jour du vote (26 octobre.)

Du 6 juillet au 3 octobre, le pays entre en période de pré-campagne durant laquelle les médias sont tenus de garantir le pluralisme politique et l’égalité entre les partis et les personnalités en lice. De nombreuses associations et organismes, particulièrement la HAICA, veilleront à la répartition équitable du temps de parole dévolu aux candidats et aux partis politiques. Par ailleurs, la période de dépôt des candidatures aux législatives s’étendra du 22 au 29 août. Le dernier délai pour la publication des listes des candidats étant fixé au 24 septembre.

Au cours de la période de campagne électorale, qui s’étend du 4 au 24 octobre (1er-22 octobre pour les élections à l’étranger) les médias sont tenus d’ouvrir leurs tribunes à toutes les listes électorales en fonction de leur nombre.

La période de silence électoral (23-26 octobre pour le scrutin à l’étranger, 25-26 pour le territoire national) sera marquée par l’interdiction de toute publicité politique ou campagne électorale ainsi que des débats et la couverture médiatique des activités des listes électorales jusqu’à la fermeture des bureaux de vote.

Le jour du scrutin est fixé au 26 octobre pour les Tunisiens de l’intérieur et les 24, 25 et 26 octobre pour les résidents à l’étranger.

Les résultats préliminaires des législatives seront proclamés au plus tard le 30 octobre.

En ce qui concerne la période de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, elles seront ouvertes du 8 au 26 septembre.

Le 1er tour de la présidentielle est prévu le 23 novembre 2014 pour le scrutin de l’intérieur et les 21, 22 et 23 du même mois pour les Tunisiens à l’étranger. En cas de second tour, il reviendra à l’ISIE d’en fixer les dates.

De nombreux experts viendront inspecter ces élections et seront au nombre de 30.000. On peut affirmer sans ambages que la Tunisie est théoriquement sur la bonne voie et que son pari d’assurer des élections démocratiques et transparentes l’est également.

La Tunisie va-t-elle enfin parvenir à voir le bout du tunnel après trois années d’incertitudes politiques et économiques ?

Un pari et un défi

Ce même samedi 30 août, Chafik Sarsar, président de l’ISIE, a énuméré quatre menaces qui guettent les élections en Tunisie :

1- La menace terroriste. «Depuis le mois de Ramadan, le pays assiste à des acte Sterroristes », déclare-t-il, en ajoutant que «plusieurs pays veulent déstabiliser le modèle démocratique tunisien, sans compter que plusieurs personnes ne souhaitent pas qu’elles se tiennent

2 – La violence politique «qui pourrait se manifester et obérer les élections. Au niveau régional, nous devons nous y préparer, notamment durant la période préélectorale et surtout le jour des élections et après les élections.»

3 – La logistique et l’accès des citoyens aux bureaux de vote. «Plusieurs zones rurales sont «isolées» surtout dans la période d’octobre, novembre et décembre, période des intempéries avec les risques d’inondations qui pourraient empêcher les habitants de certains villages et villes de rejoindre les bureaux de vote

4 – Les tensions sociales.«Cette tension pourrait provoquer des grèves pendant les élections et par conséquent les entraver

C’est la crainte des opérations terroristes pendant la période des élections qui suscite la crainte chez l’ISIE ainsi que chez tous les Tunisiens. Les craintes suscitées par les opérations terroristes qui ont pleinement atteint le pays dès juin 2013 laissaient présager l’interruption du processus démocratique et l’instauration d’un régime autoritaire. Or, et contrairement aux paris des terroristes, la Tunisie réussit tout de même à franchir ce cap, même difficilement. C’est bien cette dernière ligne droite des trois mois qui restent à franchir et permettant de donner à la Tunisie une véritable stabilité politique pour les 5 ans à venir.

Or nombreux sont ceux qui ne souhaitent pas l’aboutissement d’un tel processus. Parmi ceux-là des groupuscules terroristes, dont la plupart ne sont pas nécessairement autonomes, mais agissent selon des agendas étrangers afin de saboter cette expérience.

Les élections tunisiennes fortement menacées par le terrorisme

Le samedi 30 août, Mehdi Jomaâ, a affirmé que la Tunisie devra consentir les sacrifices nécessaires afin de réussir la dernière ligne droite pour asseoir une véritable démocratie par la tenue des élections aux dates prévues, et que c’est aux Tunisiens de s’impliquer pleinement dans ce scrutin.            
Il a fait état des menaces terroristes qui guettent la Tunisie entre septembre et décembre prochains. «L’expérience tunisienne est visée, car elle est aux antipodes de ce que veulent imposer les tenants du takfir (accusation d’apostasie) et les terroristes. Les enjeux sont grands et ne concernent pas uniquement la Tunisie. Il s’agit de défis régionaux et au-delà
Nidhal Ouerfelli, porte-parole du gouvernement, a insisté pour sa part sur la persistance des menaces, et ce, en dépit des progrès énormes réalisés dans la lutte contre le terrorisme. «Il y a des parties qui cherchent à semer le trouble, à torpiller le processus électoral»a-t-il indiqué, d’où la nécessité d’appuyer les efforts de l’ISIE, quels qu’en soient les sacrifices, a-t-il ajouté. Parmi les décisions prises, celle qui porte sur le suivi de l’opération électorale. «Chaque ministre va suivre le déroulement des différentes étapes du processus électoral dans chaque gouvernorat d’une manière horizontale», a annoncé Ouerfelli, selon un communiqué de la présidence du gouvernement.
Le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a confirmé les risques qui planent sur la Tunisie à l’approche de la tenue des élections. Lors d’une conférence de presse, Ben Jeddou a évoqué des menaces sérieuses pour le mois de septembre, précisant que les risques concernent les montagnes, l’extrême sud et les endroits éloignés des villes..
Il a ajouté que des mesures ont été prises par les institutions sécuritaire et militaire pour contrer ces risques et asséner des opérations préventives contre ces groupes. Selon ses déclarations, ces derniers craignent les élections et cherchent à les mettre en échec dans la mesure où «elles vont rompre avec tout ce qui est fragile et provisoire

Au cours d’une conférence de presse organisée vendredi 5 septembre 2014, le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Mohamed Ali Laroui, a fait le point sur l’évolution de la lutte antiterroriste et les récentes opérations sécuritaires menées dans les différentes régions du pays.

Il a affirmé que les unités sécuritaires ont mis en échec plusieurs opérations de trafic d’armes et d’équipements destinés à l’exécution d’actes terroristes visant les prochaines échéances électorales en vue de déstabiliser la transition démocratique et la sécurité du pays. Le porte-parole du MI a assuré que les différentes unités sécuritaires relevant du ministère sont prêtes à faire face aux menaces terroristes en procédant notamment à des opérations préventives à la suite de renseignements faisant état de ces menaces. Dans ce même ordre d’idées, Makrem Mouelhi, un terroriste notoire récemment arrêté, a fait des aveux sur les plans macabres des groupuscules terroristes lors des prochaines élections. Selon le journal Assabah Ousboui, de telles déclarations accréditent les présomptions du ministre de l’Intérieur et apportent de l’eau à son moulin.

Dans le récit du terroriste arrêté, il indique que les régions les plus visées se trouvent à l’intérieur du pays à l’instar des zones montagneuses de Kasserine, du Kef et de Jendouba où les forces sécuritaires, tout en concédant un lourd tribut en pertes humaines, ont réussi à resserrer l’étau autour de ces groupes. Il souligne notamment que le nombre de ces terroristes a certainement diminué devant l’offensive engagée depuis juillet 2013 et il a affirmé que ces groupes ont fait appel à des renforts. Ainsi, l’ordre a été donné par le chef d’AQMI d’intensifier le recrutement face aux efforts considérables déployés par les forces de sécurité. Quelque 15 à 20 terroristes algériens auraient ainsi rejoint les groupes retranchés dans les montagnes afin de prêter main-forte à leurs frères d’armes.

La meilleure réponse  à apporter aux terroristes consiste certainement en une participation. La meilleure réponse intense des citoyens à ces scrutins, et ce, même sous la menace terroriste. Le message à affirmer, face aux terroristes est que chaque Tunisien sera une sentinelle protégeant cette démocratie naissante

Fayçal Chérif

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