Six mois et une femme pour sauver la Tunisie

Par Ghazi Ben Ahmed*

Une énième crise politique secoue la Tunisie et entraîne la chute du gouvernement, au moment où celui-ci se préparait à lancer son plan de relance économique.
La transition démocratique tunisienne se trouve, aujourd’hui, « quelque part dans l’inachevé », et est affaiblie par une série d’incertitudes et de vulnérabilités qui n’en finissent plus de semer le trouble chez les tunisiens. Tel un texte du philosophe Vladimir Jankélevitch, notre transition trouve son domaine dans celui de l’impalpable, de l’étincelle fugace, du vague à l’âme, de la nostalgie… une sorte de mystère au sens étymologique grec, ce qui a de plus caché, ce qui n’est connu que des initiés. « Savoir que, sans savoir quoi : c’est par ce demi-savoir, par cette science mêlée de nescience que nous savons les mystères. »
Pourtant une troisième voie est possible et des penseurs venus de divers horizons annoncent une possible renaissance. Un réveil des consciences est en cours, qui permet d’entrevoir des évolutions profondes.

La Tunisie ne connaît pas de répit.
 Si la situation sécuritaire s’est globalement améliorée (l’état d’urgence est en vigueur depuis novembre 2015), la Tunisie vit sous une tension politique et sociale continue. Le désenchantement démocratique est nourri par l’inefficacité de l’action publique, mais aussi par un échiquier politique dont la fragmentation rend sa lisibilité particulièrement difficile. L’appel à « la dignité » est toujours à l’ordre du jour[1]… »
La crise économique qui couvait a été amplifiée par l’épidémie de Covid-19 dont les répercussions risquent fort « d’enflammer la colère publique » et d’entraîner des « troubles majeurs » au second semestre 2020 et culminer en janvier 2021.
Aujourd’hui, comme hier, l’urgence pour les citoyens tunisiens est de nature économique et sociale. La transition démocratique en Tunisie n’est pas heureuse. Les dividendes de la démocratie tardent à se matérialiser, les Tunisiens sont en colère et ne voient pas le bout du tunnel.

Et cela passe vraisemblablement par un apaisement politique.
Et à juste titre, le président Kaïs Saïed pourrait choisir une femme pour diriger le prochain gouvernement. La Tunisie n’a encore connu aucune femme à ce poste malgré d’innombrables progrès en termes d’autonomisation des femmes. Ce qui montre que malgré leurs compétences et leurs talents, les tunisiennes n’ont toujours pas réussi à briser le plafond de verre en politique. Moins représentées, élues en moins grande proportion que les hommes, placées à des postes moins importants, on fait beaucoup moins appel à elles en haut de l’échelle, au sommet de l’Etat.
La Nouvelle-Zélande, premier pays au monde à avoir accordé aux femmes le droit de voter en 1893 et de se présenter à des élections en 1919, ainsi que la Finlande, premier pays européen à avoir accordé aux femmes le droit de voter et de se présenter à des élections en 1906, sont tous les deux dirigés par des femmes.Onze femmes dirigent des pays européens. Quatre autres sont à la tête de pays asiatiques. Et trois en Afrique. La dernière en date est la gabonaise Christiane Oussouka Raponda nommée premier ministre.

Il n’y aura pas de succès économique sans justice sociale, développement
et lutte contre la pauvreté
La Tunisie a le potentiel pour réussir sa transition économique mais cela passe par des choix fondamentaux : redonner de l’espoir aux jeunes, libérer le potentiel du secteur privé, lutter contre la corruption, et donner la priorité à l’innovation et aux exportations, et donc d’une dose certaine de libéralisme. Carlo Rosselli (1899-1937), fondateur du socialisme libéral disait qu’une société pleinement libérale est celle dans laquelle « la liberté arrive dans la vie des gens les plus pauvres ».Ce qu’il faut, disait-il, c’est que la liberté cesse d’avoir une valeur seulement pour l’élite et qu’elle puisse arriver dans la vie des gens pauvres.
Pour cela, le prochain gouvernement ne doit pas seulement offrir de nouvelles opportunités à ceux qui sont le plus à même d’en bénéficier mais prendre en compte aussi les plus vulnérables, ceux qui ne sont pas capables d’en tirer profit. Permettre par l’éducation et la formation de donner une forme d’égale opportunité, de mettre tout le monde sur la ligne de départ, afin de libérer le bouillonnement créatif des jeunes plein de surprises et d’innovations.
Nous devons repenser le capitalisme. Non pour l’abolir, mais pour le réformer. Un capitalisme tunisien, déconcentré, ouvert aux nouveaux compétiteurs et équilibré entre ses différents acteurs, avec un fort accent sur la justice sociale et sur la nécessité de lutter contre les inégalités en développant un vrai système de protection.

[1]http://egalites.blogs.liberation.fr/2019/09/07/tunisie-une-transition-democratique-du-xxie-siecle/

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