L’arrestation de l’homme d’affaires et gendre de l’ancien président Ben Ali, Slim Chiboub, dans le cadre d’une présumée affaire de harcèlement sexuel ne cesse de faire couler de l’encre dans un moment où tout le monde est supposé être branché sur l’évolution de la situation épidémique dans notre pays. L’arrestation, qui a eu lieu dans l’après midi d’hier mercredi 29 avril 2020 suite à une embuscade sécuritaire, est devenue l’affaire du jour dont tout le monde en parle.
Certains ont exprimé leur solidarité vis à vis de l’animatrice de télé controversée Arbia Hamadi, qui était à l’origine de cette arrestation, d’autres ont mis en doute la crédibilité de sa version des faits tout en exprimant leur soutien à l’homme d’affaires qui aurait été selon eux piégé par la journaliste pour des raisons que l’on ignore toujours.
Contacté dans la soirée de ce jeudi 30 avril 2020 par Réalités Online, l’ancien ambassadeur de Tunisie au Liban et avocat Samir Abdallah a exprimé son étonnement face à l’ampleur que ne cesse de prendre cette affaire.
Selon Me Samir Abdallah, cette polémique ne touche en aucun cas le fond de l’affaire du fait que tout le monde est contre le harcèlement sexuel qui est considéré comme un crime aux yeux de la loi. Toutefois, il a indiqué que le timing de son annonce ainsi que le procédé adopté dans l’arrestation de M. Slim Chiboub ne laissent pas indifférents. Selon lui, la situation est devenue encore complexe suite à la détérioration de son état de santé et son transfert dans la soirée de mercredi vers l’hôpital Charles Nicolle.
L’activiste politique rappelle que Slim Chiboub a été arrêté pour harcèlement sexuel alors qu’aucun communiqué officiel n’a été émis, jusque là, par le tribunal de première instance de Tunis pour expliquer les motifs et les circonstances de cette affaire.
« En vertu des textes de loi, le harcèlement n’est pas un crime de flagrant délit à l’instar des autres crimes tels que le pot de vin, l’assassinat, l’escroquerie, la contrebande, le terrorisme etc. L’arrestation du suspect ne nécessite donc pas la mise en place de toute une embuscade afin de le prendre en flagrant délit. La quasi-totalité des suspects, dans le cadre des milliers d’affaires de harcèlement sexuel, comparaissent devant la justice en état de liberté. Rarement, voire jamais, un accusé n’est comparu en état d’arrestation. L’arrestation immédiate de Slim Chiboub et le procédé adopté suscitent donc une série d’interrogations quant aux dessous de cette affaire. »a-t-il indiqué.
Samir Abdallah a expliqué que la justice n’a pas encore dit son dernier mot dans le cadre de cette affaire ajoutant que les investigations sont toujours en cours en vue de déterminer les circonstances ainsi que les responsabilités. Il a affirmé que seule la version des faits relatée par la plaignante est actuellement connue du grand public, or celle-ci n’est pas suffisante pour trancher.
« La plaignante elle même reconnait que les messages qu’elle avait reçus de la part du présumé agresseur étaient respectueux, n’avaient rien de compromettant et ne portaient en aucun cas atteinte à son honneur. C’étaient de simples compliments qui pourraient traduire une certaine appréciation de son profil professionnel. Ces messages ne comportaient aucune forme de violence morale ni expressions de chantage à savoir les fondements d’un harcèlement sexuel qui incarne une violence morale beaucoup plus grave que celle physique. » a-t-il expliqué.
Le choix du timing serait intentionnel
Maître Samir Abdallah a par ailleurs considéré qu’un crime de harcèlement sexuel ne devait pas durer aussi longtemps, soit plus de 10 jours comme laisse croire la plaignante.
« Si la femme veut réellement se défendre, elle n’hésitera pas de couper, dans l’immédiat, tous les canaux de communication avec son harceleur. » a-t-il ajouté.
Par ailleurs, Samir Abdallah a considéré que cette affaire est similaire à celle ayant été montée en 2011 contre l’ancien directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn. Ce dernier a été étiqueté de harceleur pendant des années en dépit du non lieu qui avait été prononcé en sa faveur. « Les réseaux sociaux sont désormais les vrais tribunaux. On risque de faire tomber dans l’eau toute une carrière à cause de ces plateformes qui se prononcent avant la justice. Les gens réagissent à chaud et ont une mémoire très courte. Généralement, dans les sociétés conservatrices, seules les valeurs morales priment. Les gens se souviendront dans le futur de cette polémique, du motif de son arrestation même s’il est finalement innocenté par la justice. Le préjudice moral sera sans aucun doute immense pour ce célèbre homme d’affaires et ancien président de l’Espérance Sportive de Tunis. » a-t-il regretté.
Pour Samir Abdallah, le timing de cette arrestation serait intentionnel et il rappelle, dans ce contexte, que cette affaire intervient à un moment où l’opinion publique est attirée par des causes beaucoup plus sérieuses telles que la nomination de nouveaux conseillers à la Kasbah, la signature de conventions avec le Qatar et la Turquie, l’affaire des bavettes etc. « Une simple affaire de faits divers s’est brusquement transformée en une réelle affaire d’opinion publique. Cette affaire a pris une dimension étrange et le suspect est désormais assimilé à un grand terroriste dans un moment où des centaines de criminels se promènent dans la nature. Dans divers systèmes politiques à travers le monde, faut-il le rappeler, on fait souvent recours à ce que l’on appelle « la stratégie de manipulation et de diversion » pour absorber les pressions sur les gouvernants et détourner relativement l’attention de l’opinion publique » a-t-il conclu.
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