Depuis presque un mois les combats font rage au Soudan du Sud entre l’armée gouvernementale sous les ordres du Président Salva Kiir et les rebelles organisés en milices ethniques à la solde de l’ancien vice-Président, Reik Machar. Des centaines de morts sont déjà tombés dans une région sujette aux violences et aux conflits depuis longtemps déjà…
Afin de chercher une issue politique au conflit, des responsables gouvernementaux et des représentants des rebelles se sont réunis dimanche à Addis Abeba. La rencontre a eu lieu avant l’ouverture des négociations directes sur une trêve. Un responsable gouvernemental soudanais accuse les rebelles d’une tentative de renversement du régime. Quant aux insurgés, ils voulaient négocier la libération de leurs prisonniers auprès du gouvernement.
La veille, lors de sa visite à Jérusalem, le secrétaire d’État américain John Kerry, a incité les deux parties à entamer de sérieuses négociations sans chercher seulement à gagner du temps.
Dans la nuit de samedi à dimanche, des affrontements sanglants où des armes automatiques et lourdes ont été utilisées ont pourtant continué à avoir lieu à Juba, capitale du sud soudanais et les combats persistaient ailleurs dans différentes zones du pays.
L’ONU a dénoncé des horreurs commises dans les deux camps et la capitale commence à être désertée par une population qui fuit depuis dimanche vers la frontière avec l’Ouganda. 200.000 personnes ont déjà été déplacées depuis le début des affrontements.
Origines du conflit
Indépendant depuis 2011 suite à une guerre civile ayant opposé le Nord au Sud, ce dernier n’aura pas connu plus de deux ans de stabilité. Le 15 décembre 2013 ont, en effet, débuté les hostilités, quand le président actuel, Salva Kiir, a accusé le vice-président destitué en juillet 2013, Reik Machar, d’intenter un coup d’État.
Sur fond d’opposition politique se trame le drame d’une purge ethnique qui s’opère entre deux tribus : Dinka, à laquelle appartient Kiir et Nuer, tribu de Machar. Mais au-delà de la politique et de l’ethnie, la lutte puise ses sources et se déroule essentiellement autour du contrôle du pétrole, richesse que renferme le sol du Soudan du sud. Les rebelles l’emportent pour le moment et ont mis la main sur plusieurs régions riches en pétrole et adjacentes au nord. Le pays, s’étendant sur une superficie supérieure à celle de la France, abrite seulement 11 millions d’habitants et avec la présence de pétrole, il aurait pu être l’un des plus riches de l’Afrique. Mais au bout de deux ans d’indépendance, la guerre menace de nouveau. Hasard ou planification, le conflit éclate quelque temps après l’épuration qui secoue son voisin, la République centrafricaine. Le Soudan du sud, tout comme son voisin, connaît également un déchirement entre plusieurs ethnies hétérogènes et religions qui ont du mal à coexister et surtout une volonté de contrôler la manne pétrolière du pays. Le Soudan du sud souffre surtout de l’inexistence de la notion d’État, ce qui le fragilise de l’intérieur, mais en fait également une proie facile pour les puissances étrangères qui peuvent s’y introduire en s’alliant à la tribu ou ethnie soudanaise qui l’emporterait. D’ailleurs, les compagnies pétrolières ont, depuis des décennies, commencé l’exploitation du pétrole soudanais de la région.
Alliances et médiations
Ainsi, l’opérateur français Total n’a quitté les lieux qu’après une prise d’otages dans les années 80 et même si, officiellement, il détient encore la licence, c’est l’entreprise chinoise, CNPC qui est aujourd’hui la principale opératrice pétrolière et Pékin continue à convoiter le pétrole sud-soudanais. De leurs côtés, ce n’est pas sans contrepartie que les États-Unis ont soutenu dans le passé l’indépendance du Soudan du sud. Aujourd’hui, le bureau ovale exhorte les deux parties au dialogue et demande aux responsables gouvernementaux de «libérer immédiatement les détenus politiques.»
Le bloc régional des pays d’Afrique de l’Est, IGAD, est le médiateur officiel des négociations entre gouvernementaux et rebelles, mais plusieurs puissances participent aux tentatives de résolution du conflit.
La Chine a ainsi entamé une aide humanitaire au Soudan du sud. La force chinoise de maintien de la paix apporte un soutien à la population locale tout en œuvrant à l’évacuation de citoyens chinois. Rappelons que dans le pays voisin, la République centrafricaine, c’est la France qui a été désignée comme «gardien de la paix» entre les différentes parties s’entretuant.
Il existe néanmoins dans l’ombre un puissant allié au Soudan du sud, même s’il reste aujourd’hui loin de la résolution de la crise, Israël. Des milliers de personnes sud-soudanaises sont en effet refugiées depuis l’époque de la guerre civile opposant Nord et Sud à Tel-Aviv qui , depuis la création du nouvel État, l’avait officiellement reconnu. L’État hébreu a depuis des années travaillé à approfondir ses relations avec les pays avoisinant les contrées arabo-musulmanes, dont le Soudan du sud, zone essentiellement chrétienne, le Kenya, le Ghana, le Nigeria et l’Ouganda. L’alliance Soudan du sud et Israël entre ainsi dans le cadre de l’alliance de la périphérie, essentiellement sécuritaire et diplomatique face à des pays «hostiles», au «danger nucléaire iranien» et aux cellules fondamentalistes sunnites se propageant en Afrique et dans la région Moyen-Orient. Les compagnies israéliennes quant à elles voient dans le Soudan du sud une opportunité économique puisqu’il était, jusqu’au conflit, un pays à reconstruire. Les risques d’une guerre civile anéantiraient la possibilité d’œuvrer dans plusieurs domaines oscillant entre haute technologie, bâtiment, exploitation pétrolière, etc.
L’État hébreu avait, auparavant, apporté une aide militaire aux rebelles soudanais du sud dans leur conflit avec le Nord. Une « dette historique » a ainsi été payée puisque des chrétiens soudanais avaient déjà aidé Israël lors de la guerre des six jours en 67. Il est alors logique qu’Israël ne permette pas aujourd’hui la fragilisation d’un État allié, ni la capture de son potentiel exclusivement par d’autres puissances.
Hajer Ajroudi