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Englué depuis deux ans dans une transition tuée dans l’œuf, le Soudan est désormais plongé dans l’inconnu alors que la chute du régime de l’autocrate Omar el-Béchir, en 2019, sous la pression populaire et de l’armée, et la signature d’accords avec les rebelles avaient fait croire à une issue après des décennies de crises.
*« Tout le pays était dans l’impasse en raison de rivalités politiques »
Accusé d’avoir « trahi » la révolte de 2019, le général Abdel Fattah al-Burhane, lors d’une conférence de presse fleuve à Khartoum, a défendu son coup de force et l’armée. Il a affirmé avoir dissous les autorités chargées de mener la transition vers un pouvoir civil et des élections, car « certains attaquaient l’armée », « composante essentielle de la transition ». En résumé, l’armée a été forcée d’intervenir pour résoudre une crise politique croissante qui, selon lui, aurait pu conduire à une guerre civile.
« Oui, on a arrêté des ministres et des politiciens, mais pas tous », a-t-il ajouté en affirmant : le Premier ministre renversé Abdallah Hamdok est « chez moi ». Avant d’indiquer que l’homme politique serait libéré « aujourd’hui ou demain », a dit le chef de l’armée lors de sa deuxième apparition publique depuis sa prise du pouvoir.
Mais les propos du nouvel homme fort du Soudan n’ont visiblement pas rassuré.
*Réunion à l’ONU
Le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a aussitôt appelé à libérer « immédiatement » le Premier ministre et les autres responsables « détenus illégalement », à quelques heures d’une réunion à huis clos des 15 membres du Conseil de sécurité sur le Soudan. De même, le bureau d’Abdallah Hamdok a interpellé les « putschistes » sur son sort.
Plusieurs pays et organisations ont appelé depuis lundi à libérer le Premier ministre renversé. Tôt ce 25 octobre, ce dernier, son épouse, plusieurs de ses ministres et les dirigeants civils ont été emmenés par les militaires.
Le général Burhane a promis un gouvernement « compétent » pour bientôt, mais son coup de force a suspendu de fait la transition dans un pays resté sous la férule de l’armée quasiment en continu depuis son indépendance.
*Les Soudanais pas près de céder
Après la proclamation de la « désobéissance civile », des milliers de Soudanais campent depuis lundi dans la rue pour protester contre le coup d’État militaire. Ils veulent, disent-ils, « sauver » la révolution qui a renversé le général Béchir, au prix d’une répression qui avait fait plus de 250 morts. Même si l’on sait maintenant où est le chef du gouvernement, « on ne quittera la rue qu’une fois le gouvernement civil réinstallé », a affirmé à l’AFP Hocham al-Amine, ingénieur de 32 ans. « On n’acceptera plus jamais de partenariat avec l’armée. »
« Un usage de la force n’entraînerait pas seulement un bain de sang (…) mais pourrait aussi mener à un face-à-face prolongé qui fermerait la porte à la résolution de la crise », a averti le cercle de réflexion International Crisis Group en commentant la mort de manifestants lundi.
Déjà coupés du monde avec des connexions Internet et téléphoniques qui vont et viennent, les Soudanais ne peuvent désormais plus quitter le pays : les vols vers et depuis l’aéroport de Khartoum ont été suspendus jusqu’à samedi.
(Le Point, avec AFP)