Depuis la révolution, des investisseurs et de hauts responsables étrangers ne cessent de se rendre en Tunisie et de rencontrer des opérateurs économiques et des hommes politiques locaux. Objectif : trouver les moyens de relancer l’économie tunisienne.
Tunis Investment Forum (TIF), était la dernière manifestation organisée à Tunis réunissant un peu plus de 1.450 investisseurs dont près de 509 venant de 35 pays. Sous couvre-feu, cette édition a battu tous les records depuis la création de la manifestation, en 1990. Engouement pour l’événement, mais y aurait-il un engouement pour l’investissement ? Ce n’est pas aussi évident, surtout dans ces circonstances d’instabilité sociale et d’insécurité. Il n’y a jamais eu de miracle. Tous les pays ayant survécu à une révolution ont pris des années pour se reconstruire. Les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, la France ou les pays de l’Europe de l’Est ont réussi leurs révolutions grâce à un processus de transition certes long, mais fondé sur la démocratie, la liberté d’expression et la préservation des Droits de l’homme.
Les investisseurs américains
La réussite économique, quant à elle, va de pair avec ce qui est politique, car «les décisions politiques seront décisives pour le futur politique et économique du pays» selon le sous-secrétaire d’Etat des USA, chargé du développement économique, de l’énergie et de l’environnement.
Robert D. Hormats était en Tunisie accompagné d’une délégation de chefs d’entreprises et hommes d’affaires américains. Des rencontres BtoB ont été organisées avec des opérateurs économiques tunisiens. L’investissement ne sera pas pour cette année selon le sous-secrétaire d’Etat américain, mais peut être à partir de 2013, une fois que les tendances politiques et économiques tunisiennes se dessineront. Ce n’est qu’à ce moment que les intentions d’investissement se concrétiseront. Le responsable américain a rencontré les entreprises américaines déjà implantées sur le sol tunisien et selon leurs témoignages, bien que les sites tunisiens soient très compétitifs, des inconvénients existent toujours. Outre un potentiel, une qualité des compétences humaines performante et une société dynamique, les Américains pensent qu’il est nécessaire pour la Tunisie d’améliorer son climat des affaires en mettant en place un cadre réglementaire transparent et une législation claire qui préserve tous les droits. L’avantage comparatif de la Tunisie est l’économie du savoir ; pour l’améliorer, la Tunisie est appelé à préserver la propriété intellectuelle. «La propriété intellectuelle est essentielle pour les entreprises américaines et les autres d’ailleurs. Les meilleurs pays en matière de préservation et de protection de propriété intellectuelle sont ceux qui attirent le plus d’investissements», a remarqué le responsable américain. La Tunisie est amenée aussi à réformer son secteur bancaire, qui doit notamment donner la priorité aux PME. Rappelons que la base de l’économie tunisienne est constituée de PME représentant plus de 90% du tissu économique tunisien. L’infrastructure est un défi que le gouvernement doit prendre en considération, car sans infrastructure, un investisseur ne peut pas voir ses investissements prospérer. Les entreprises américaines implantées en Tunisie appellent le gouvernement à ouvrir un dialogue avec les investissements. Cette action de la part du gouvernement est un grand signe qui signifie une volonté d’ouvrir le débat et d’identifier en compagnie des investisseurs les perspectives d’un site tunisien ouvert et compétitif. Selon le secrétaire d’Etat américain «il faudrait peut être commencer par des échanges commerciaux, si ca réussit on passera à l’investissement». Cela dit, les USA continueront à soutenir la Tunisie dans sa relance économique. Outre un fonds dédié pour les PME, la franchise et les entreprises tuniso-américaines, les USA viennent de se porter garants pour la Tunisie sur des prêts à des taux d’intérêts très faibles sur le marché international.
Les investisseurs italiens :
L’association pour le développement des entreprises italiennes en Afrique, méditerranée et Moyen-Orient, accompagnée d’une délégation d’entreprises italiennes opérant dans différents secteurs, a participé au TIF 2012, dans le but de développer des relations d’affaires avec les entreprises tunisiennes. Le président de l’association nous a confié que «La Tunisie demeure un site très intéressant pour l’investissement, même après la révolution. Certes, il existe des problèmes, notamment ceux en rapport avec les sit-in et grèves des employés, qui pourraient ralentir d’éventuels investissements italiens, mais l’intention d’investir existe. Cette intention d’investissement ne se traduira en actions que s’il y a stabilité politique. Une stabilité politique que nous verrons probablement en 2013». Quant aux événements survenus lors de l’organisation de TIF 2012, le président de l’association pense qu’ils sont isolés et ne pourraient pas dissuader les investisseurs, sauf s’ils continuent à se produire. «Nous espérons que le gouvernement mettra fin à ceci, et nous n’aurons plus de ce qui s’est passé qu’un vague souvenir».
La Tunisie aurait-elle perdu son image de marque ?
«Je ne pense pas que la Tunisie a perdu son image de marque, bien au contraire, la révolution n’a fait que redorer cette image», nous répond M. Gyorgy Szondi, expert économique Hongrois. Après la révolution, il y a toujours un nouveau départ et de nouvelles opportunités. «La question qui doit se poser, comment la Tunisie pourrait-elle tirer profit de la révolution ? C’est le Nation Branding. «Le Nation Branding s’emploie à modifier l’image d’un pays en utilisant des concepts et des instruments empruntés au marketing, le but étant d’avantager la politique, l’économie, la science, la culture ou le tourisme de ce pays. Cela bien sûr nécessitera la participation de toutes les parties prenantes : gouvernement, opérateurs économiques, société civile et tous les Tunisiens». IL est vrai qu’actuellement les investisseurs font preuve d’attentisme, car la révolution n’est pas encore achevée. «Le temps est décisif pour la Tunisie. Elle doit prouver sa capacité à réussir son processus de transition afin de convaincre et prouver aux investisseurs que la Tunisie postrévolutionnaire est meilleure que celle d’avant». La Hongrie, mon pays, est déjà passé par là. Personne ne croyait que le communisme pourrait disparaître un jour. Mais nous voilà sortis du communisme et nous poursuivons notre ascension politique et économique». La responsabilité politique du gouvernement actuel est très importante et c’est cette responsabilité qui doit décider du futur de la Tunisie. Sans oublier que des élections seront organisées l’année prochaine qui, elles aussi, pourront changer des choses. Donc, je dirais que dans deux ans, nous aurons plus de visibilité sur les conditions d’investissement en Tunisie. Une action de la part du gouvernement, il y en a, puisque lors de la FIT 2012, M. Riadh Bettaieb, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale a annoncé, l’intention de son département de «créer des commissions pour initier, en concertation avec les organisations professionnelles, les chambres de commerce et des institutions financières, des réformes au code d’incitation à l’investissement ».
Najeh Jaouadi