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Le débat économique dans notre pays a été marqué ces derniers jours par le glissement important du dinar particulièrement vis-à-vis de l’euro et du dollar. En effet, l’euro est monté à un niveau historique de 2,34 dinars alors que le dollar se situe à 2,05 dinars. Ce glissement a fait l’objet de beaucoup d’inquiétudes et même de l’émotion auprès de l’opinion publique dans la mesure où beaucoup l’ont considéré comme le signe de l’effondrement de notre économie et de l’abîme dans lequel nous nous sommes retrouvés  et de la gravité de la crise économique que nous traversons.

Le débat économique a porté sur trois questions essentielles : les origines de ce glissement, son impact sur notre économie et enfin les solutions à apporter pour arrêter ce glissement et de permettre au dinar de retrouver une plus grande stabilité.

La première question concerne les origines de ce glissement et beaucoup n’ont pas hésité à considérer que les responsables de la politique monétaire en sont les responsables dans la mesure où ils n’ont pas su défendre la monnaie nationale et ont laissé poursuivre ce glissement. Même si les variations monétaires auraient pu influencer le comportement du dinar, je pense que ce glissement est l’expression de l’évolution des valeurs réelles de notre économie et plus particulièrement de la détérioration des équilibres externes. En effet, notre économie a connu une aggravation du déficit commercial du fait de la forte baisse de la croissance économique et de la réduction de nos exportations avec la baisse de la croissance de notre principal partenaire commercial, l’Europe.

Les derniers chiffres de notre balance commerciale publiés par l’INS pour les cinq premiers mois de l’année 2016 montrent cette détérioration de nos échanges avec l’extérieur. En effet, les revenus de nos exportations ont reculé lors des cinq premiers mois de 2,6% par rapport à la même période de l’année 2015. En même temps, on a enregistré que nos importations ont augmenté de 0,8% lors de la même période par rapport à l’année dernière. Ces évolutions ont été à l’origine d’une augmentation de notre déficit commercial qui a été de 5,1 milliards de dinars alors qu’il était de 4,6 lors de la même période en 2015. Cette augmentation du déficit commercial a été à l’origine d’une hausse du taux de couverture des importations par les exportations qui est passée de 69,5% à 71,9%.

Le glissement du dinar, parallèlement à quelques facteurs conjoncturels comme le transfert des dividendes des entreprises étrangères en Tunisie et d’autres paiements, est le résultat de facteurs structurels et notamment l’aggravation de notre déficit commercial avec la forte baisse de la croissance économique et la réduction de nos exportations ce qui renforce nos besoins en devises étrangères.

La seconde question qui a attiré l’attention des observateurs et des experts économiques concerne l’impact de ce glissement. Et, s’il y a un consensus sur les effets négatifs de ce glissement du dinar avec le renchérissement de nos importations, il n’est pas sûr que nous pourrons tirer profit des effets positifs de cette évolution. En effet, le glissement du dinar aura des effets certains avec la hausse de la valeur de nos importations et l’augmentation de la taille de notre endettement. En même temps, notre économie ne pourra tirer profit du coup de pouce en matière de compétitivité que pourra nous donner ce glissement du fait de la faiblesse de la croissance de notre économie et de celle de notre principal partenaire commercial.

La troisième question qui a suscité le plus de débats concerne les réponses à apporter pour limiter ce glissement et stabiliser notre monnaie. La première réponse est celle d’un soutien à notre monnaie sur les marchés. Cette réponse a été rejetée à juste titre par le Gouverneur de la Banque centrale dans la mesure où nous disposons de réserves limitées, que nous devons gérer avec parcimonie pour faire face à nos importations. Une seconde réponse concerne la reconnaissance de ce glissement et essayer de l’arrêter en opérant une dévaluation du dinar qui, à terme, pourrait aider nos exportations. Or, cette réponse ne nous paraît pas adéquate dans la mesure où cette dévaluation pourrait accélérer les anticipations à la baisse du dinar et entraînera une baisse encore plus importante.

Il nous paraît que la réponse devrait se situer au niveau structurel et dans une relance de nos exportations et de nos recettes en provenance de l’étranger. Cette réponse sera longue à se mettre en place. On pourrait par ailleurs renforcer ces politiques structurelles par des actions conjoncturelles en renforçant nos avoirs en devises suite au versement des institutions multilatérales ou à l’occasion de sorties sur les marchés ou de dépôts qu’on pourrait négocier auprès de nos amis et nos partenaires qui pourraient nous doter d’importants dépôts en devises afin de relâcher la pression à la baisse sur le dinar.

Le glissement du dinar est un indicateur de la détérioration de la situation économique de notre pays et de la crise profonde que nous traversons. Cette crise exige des réponses globales capables de ramener la croissance et de redonner confiance dans l’avenir de notre pays.

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