Le secteur agricole dans notre pays recèle un potentiel de production en qualité et en diversité exceptionnel.
Malheureusement, il souffre de carences et de dysfonctionnements multiples qui constituent des goulots d’étranglement préjudiciables à son développement.
Or, il a prouvé, au cours des trois années écoulées, qu’il était capable de voler au secours des défaillances de la balance commerciale et du déficit des réserves en devises. En témoignent les exportations d’huile d’olive, de dattes, d’agrumes et de fruits.
De quoi s’agit-il ?
Il y a le structurel : ce qui relève de l’absence de structures appropriées et des déséquilibres hérités du passé et il y a le “fonctionnel”, lorsqu’il s’agit de défaillances et de mauvaise gouvernance.
A propos des structures agraires, il y a lieu de constater l’éparpillement de la propriété et la dispersion de l’exploitation agricoles : quelle rentabilité et quelle modernisation des techniques peut-on escompter de lopins de terre inférieurs à 1 ou 2 hectares ?
Cette discordance est multipliée par l’âge élevé qui dépasse 65 ans pour les 2/3 des chefs des exploitations agricoles : un autre obstacle à l’amélioration de la qualité des produits et des rendements.
Il y a également la carence sinon le scandale du financement : seulement 12% des producteurs ont recours au crédit bancaire à raison de 12% d’intérêts par an, tandis que l’assurance contre les dégâts naturels est rare, alors que la grêle cause des dégâts énormes aux cultures chaque année.
Le fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles se met en place de façon laborieuse, tandis que les restrictions drastiques apportées par les trois décrets d’application qui mettent plusieurs mois pour être péniblement élaborés, réduisent la portée des réparations et sont peu appréciés par l’UTAP.
En outre, la moitié des paysans sont surendettés, suite aux mauvaises récoltes, ce qui les conduit à une auto-exclusion vis-à-vis du crédit bancaire.
Enfin, il n’y a pas de structures appropriées pour approvisionner correctement les producteurs en intrants agricoles et commercialiser leurs produits dans les meilleures conditions. Ils sont livrés à la spéculation et à l’exploitation par des intermédiaires peu scrupuleux.
Pour ce qui est du fonctionnel, les griefs ne manquent pas pour empêcher notre agriculture d’être performante. Les responsables de l’UTAP déplorent la disparition des services de la vulgarisation agricole, qui donnait l’impression que les technocrates du ministère de l’Agriculture accompagnaient et conseillaient les paysans dans la bonne conduite de leurs travaux agricoles (les bonnes pratiques) tout au long des saisons.
La recherche scientifique n’est pas connectée et intégrée à la production pour en résoudre les problèmes, comme par exemple, semer des variétés de blé résistantes à la sécheresse.
Le président de l’UTAP a déploré publiquement la non-valorisation des produits agricoles en Tunisie. C’est ainsi qu’aucune usine en Tunisie a-t-il affirmé ne produit du jus de fruit naturel à 100%. Toutes les marques importent de la “poudre” à diluer dans l’eau, commercialisée sous l’appellation boisson au jus de fruit ou encore nectar.
Ce qui est plus grave encore, c’est que nous n’avons pas de politiques cohérentes de filières. Cela engendre des gaspillages de récoltes et des pertes financières énormes pour les producteurs et l’économie nationale.
Les filières sont celles du lait et des viandes rouges, de la production avicole, de la tomate, des agrumes et des fruits, des dattes…
Alors que les structures appropriées existent. Ce sont les groupements interprofessionnels qui regroupent les représentants des ministères de tutelle concernés : Agriculture, Commerce, Industrie aux côtés des professionnels impliqués : producteurs industriels et exportateurs, mais ils sont dominés par l’Administration avec l’hégémonie de l’Agriculture qui considère que ce domaine est une chasse gardée.
Cela se solde par des pertes grandioses et des gaspillages énormes suite à des dysfonctionnements.
Pour le lait, il y a tantôt surproduction avec gaspillage de produit et tantôt importations coûteuses.
Pour la tomate, les producteurs se détournent de la culture d’où le risque d’importer le concentré.
Il convient de remarquer cependant, que notre pays jouit d’une diversité de climat, d’une richesse de sols, outre le patrimoine exceptionnel de variétés et productions agricoles de qualité, ainsi que le savoir-faire traditionnel de nos paysans. C’est cela la richesse de notre agriculture, qui nourrit la nation, crée des emplois et favorise l’attachement de la population à la terre natale, plutôt que l’afflux de l’exode rurale qui surpeuple les villes.