Stratégie de gestion de l’eau: Ce qui ne va pas !


Notre pays connaît de plus en plus de difficultés et de défaillances révélées en matière de gestion de l’eau.
Coupures d’eau qui durent un ou plusieurs jours en plein été dans certaines régions et villes comme le Cap Bon, le Sahel, Siliana et Sfax.
De multiples zones rurales et des milliers d’écoles primaires ne sont pas accordées au réseau de distribution d’eau potable de la SONED à ce jour, ce qui est scandaleux. Des dizaines de syndicats de gestion des périmètres publics irrigués sont privés d’eau alors qu’il s’agit de cultures irriguées très sensibles à la sécheresse en pleine saison estivale pour défaut de paiement ou autres causes non avouables.
Au cours des dernières années, nous avons eu plusieurs saisons hivernales pluvieuses et notre pays a souffert d’inondations catastrophiques avec des barrages-réservoirs, qui a ont failli déborder ou céder ce qui engendré des crues d’oueds catastrophiques dont la Medjerda : populations, habitations et cultures ont subi des pertes lourdes. Or, cette année les barrages sont au plus bas, ce qui est anormal : il y a donc un vrai problème de mauvaise gestion des ressources en eau : politiques et technocrates doivent assumer. Nous avons tendance à oublier que notre pays vit un stress hydrique grave : la consommation moyenne par habitant et par an est de 470 m3 alors que la moyenne mondiale est de 1000 m3.
Cette moyenne cache en fait des disparités terribles entre pauvres et riches, entre régions urbaines et rurales, entre le Nord et le Sud, entre le littoral et les zones intérieures défavorisées.
Il convient de rappeler que notre pays a, durant deux décennies successives, consacré à l’implantation d’une infrastructure hydraulique dense et de qualité, dispose aujourd’hui d’une capacité remarquable en matière de mobilisation des eaux d’écoulement en surface (1990-2000 et 2001-2011). C’est ainsi que 35 grands barrages ont été construits sur la Medjerda et l’Oued Mellègue notamment dans le Nord et le Centre-Ouest du pays.
Mais aussi, 235 barrages collinaires ainsi que 800 lacs collinaires destinés à alimenter la nappe phréatique et à aider les paysans à irriguer leurs cultures de fruits et légumes.
Cette mobilisation des eaux d’écoulement est insuffisante, elle est complétée par 20.000 puits artésiens et 150 puits de surface destinés à l’eau potable et à l’irrigation, surtout dans le Centre et le Sud du pays.
Si le Nord est bien approvisionné, le gros problème consiste à approvisionner en eau le Centre et le Sud du pays, d’où le transfert des eaux du Nord vers le Centre du pays soit Sousse et Sfax y compris le Cap Bon.
Le doublement du canal Medjerda-Cap Bon a été décidé pour continuer à sauvegarder les plantations d’agrumes menacées de sécheresse.
Il faut dire que notre pays a commis et continue à commettre de graves erreurs en négligeant de réaliser des travaux de conservation des eaux et des sols sur les pentes des bassins-versants des barrages et sur les flancs des montagnes et des collines car cela favorise l’érosion et par suite l’ensablement des bassins des barrages-réservoirs. Il réduit ainsi la capacité de stockage de l’eau dans les barrages.
De même, l’avancée du désert qui provoque l’ensablement des oasis est un drame auquel notre pays n’a pas adopté des solutions appropriées comme la plantation d’arbres et l’aménagement d’écrans protecteurs : cela fait perdre à la nation des dizaines de milliers d’hectares cultivables par an.
Les fuites d’eau, que ce soit dans les canalisations de distribution de l’eau potable de la SONEDE ou encore dans les séguias sont énormes, elles sont estimées à 35% par les experts et les responsables du secteur. Cela coûte très cher à la collectivité nationale qui investit massivement dans le secteur.
La vétusté des canalisations de la SONEDE qui datent dans certaines villes et régions de 50 ans et plus, mérite d’être rénovée.
Il en est de même pour les périmètres publics irrigués gérés par les associations d’exploitants agricoles sous la tutelle du ministère de l’agriculture.
Toujours est-il que pour les cinq ans du plan de développement 2016-2020, les projets de réalisations hydrauliques ne manquent pas : 2400 millions de dinars d’investissements sont prévus.
Il s’agit de six projets de construction de barrages en attente de financement mais aussi en cours d’études de faisabilité.
Selon le ministre de l’Agriculture et de la pêche, les projets réalisés récemment et ceux en cours sont multiples.
Les barrages d’El Harka et le grand barrage de Gafsa seront opérationnels avant la fin de l’année en cours alors que les barrages de Tabarka et de Serrat viennent de s’achever.
Enfin, les travaux de construction des barrages de Bizerte du haut Mellègue, de Saadia et de Kalaa Kbira seront entamés avant la fin 2016.
Le ministère a reconnu qu’il y a des projets dont l’avancement a été bloqué à cause de problèmes fonciers : l’expropriation des parcelles ayant été contestée par des privés.
La croissance des besoins de consommation d’eau, en particulier dans le Sud du pays à partir de Sfax, à Gabès, à Djerba et à Zarzis met dans l’obligation les pouvoirs publics de recourir aux stations de dessalement de l’eau de mer, faute de sondages profonds et de nappes riches. Solution certes, coûteuse en investissement, mais aussi en consommation électrique, sauf s’il y a énergie solaire pour alimenter les stations.
Notre capacité actuelle en la matière est de 120.000 m3/jour : 80% sont destinés à l’eau potable tandis que 4 stations sont en construction pour une capacité de 60.000 m3/j dont 50.000 à Djerba.
A l’horizon 2020, 9 autres stations sont prévues avec 337.000 m3 dont deux importantes : 1 à Sfax avec 200.000 m3/j et Aïn Zarrat : 100.000 m3/j.
Il faut avouer que nous n’avons pas la culture de la rationalisation de l’eau. En effet, malgré le statut de stress hydrique nous continuons à voir des spectacles désolants de gaspillage d’eau scandaleux : voitures lavées à grande eau dans la rue, piscines individuelles peu ou non utilisées, pelouses de gazon copieusement arrosées en plein soleil, terrains de golf implantés en plein désert mais négligés par les touristes,…
Heureusement pour nous que le ministère de l’Agriculture vient de bénéficier d’une assistance technique internationale sous forme de logiciels spécialisés pour la gestion de l’eau afin d’éviter, inondations d’une part et manque d’eau de l’autre.

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