Les Subsahariens rejoignent la Tunisie et les Tunisiens regagnent les pays européens. Ces deux axialités seraient-elles intégrables au sein d’une même perspective explicative ?
Commençons l’investigation par l’observation. Chahed Chaâbane, professeur d’allemand à la retraite, assure quatre heures de cours tous les jours pour enseigner la langue allemande aux candidats prêts à émigrer. Il participe, ainsi, à l’exode, massif, des cerveaux locaux vers les pays européens au moment où les Subsahariens arrivent sur le territoire tunisien. Le 15 mars, interviewé, il répond à mes questions.
-« La Tunisie perd ses cadres supérieurs et tu y contribues. Pourquoi ?
-« Avec mes trois enfants, la pension de retraite ne me suffit pas. Je suis très sollicité par les candidats au départ pour l’Allemagne où la connaissance de sa langue est exigée ».
Replacé au sein du cadre holistique où émigrent Subsahariens et Tunisiens, ce témoignage signifie que le profit individuel surplombe le dérivatif de l’esquif collectif parfois voué à chavirer. Mais cela ne suffit pas. Le 18 mars, installée sur l’escalier par où grimpe la clientèle, bien nourrie, vers la pâtisserie « La mi do ré », une dame subsaharienne allaite son bébé protégé du soleil et des intempéries par un minuscule parapluie. Interviewée, elle me renseigne sur les conditions de sa migration : « Mon époux a été emprisonné. Je ne pouvais plus rester au pays sans manger ». Pareille situation, dramatique, suggère l’impératif catégorique énoncé par Kant, le chantre de l’éthique. La solidarité internationale prescrit l’indispensable accueil des réchappés à divers écueils au premier rang desquels figurent le stress, les guerres et la misère. Nous avons là un premier constat.
Les dégâts infligés à l’oliveraie sfaxienne par des Subsahariens suffisent à prohiber leur présence ravageuse parmi la population du pays.
Ces deux axialités, agrégées, délimitent la problématique de l’histoire migratoire. Dans tous les cas de figure, le dérivatif évolue entre un espace répulsif et un champ attractif. Cela vaut pour tout pays, Tunisie ou Etats-Unis. Voilà pourquoi, lorsque, par l’entremise de l’ONU, des bougres occidentaux reprochent aux tenants des autorités nord-africaines leur « maltraitance » des personnes subsahariennes, ils rivalisent d’hypocrisie, de racisme, d’impérialisme et de saloperie. Dans sa thèse menée sur le processus migratoire et dirigée par Chombart de Low, Mélika Horchani explore la réaction opposée à cette stigmatisation. Une fois revenu du chantier, l’immigré revêt un costume, porte un cartable à la main et, tête haute, accomplit une balade à travers les rues de Paris. Contre l’infériorisation, la revendication dignitaire dresse un bouclier protecteur. Cependant, la distinction établie entre l’émigration régulière et irrégulière implique tous les pays. Mais aujourd’hui, les rejetons, tardifs, des colons jaugent avec deux poids et deux mesures porteurs d’injures. La poussée migratoire des Subsahariens dérange le Nord et doit obtenir l’accord du Sud, coûte que coûte, mais outre l’imbécilité, c’est là, rater la complexité car les flux migratoires n’ont jamais divorcé avec l’ensemble planétaire de l’histoire ancienne, moderne et contemporaine. A ce propos, il n’y a ni Tunisie ni France ni Mongolie.
La maman allaitant son rejeton sur l’escalier pointe vers la disposition inspiratrice de la piste suivie par la chanson intermondialiste : « Enfants de tous pays et de toutes couleurs… ». Le 18 mars, en France, au lieudit « Gaîté lyrique », l’évacuation musclée de Subsahariens, dénoncée par Luc Mélenchon, exhibe la haine partagée par les forces de sécurité à la mode Bruno Retailleau. Elle combine le racisme à la hargne de l’idiot, souteneur inconditionnel d’Israël. Ces manières de férocité carnassière bipolarisent l’humanité entière. Fanon titrait, déjà, son premier ouvrage « Peau noire, masques blancs ».
Maintenant, la sinistre distinction illustre à quel point Francis Jeanson avait raison quand, dès 1952, il mentionnait « toute sa valeur prophétique » de Fanon. Car à travers la couleur de la peau, les Subsahariens clignent vers la barrière dressée entre les véritables barbares et les dignes de tous les égards. A juste titre, le qualificatif « barbare » fut appliqué par l’Ayatollah Ali Khameneï au parrain des assassins israéliens. En effet, Houthis et Palestiniens tirent sur des cibles militaires à l’heure où le duo génocidaire largue ses bombes sur les groupes civils et les villes. Ainsi, les Yéménites canardent le porte-avions américain et les chiens, sans foi ni loi, bombardent Sanaâ. Le 12 février, « l’enfer », promettait Trump, le méphistophélique typique. Le 20 mars, il envoie une lettre de menaces au guide suprême et celui-ci expédie sa prose morose sur les roses. Tout cela parmi les pays du monde social occidental où l’islamisme dérange et le judaïsme arrange. A Gaza, les salauds donnent à voir le diable pour un ange. Le 21 mars, Israël Katz déclare : « J’ai donné l’ordre à Tsahal de prendre davantage de territoires de Gaza qui pourra être annexée ». Préméditée, l’annexion fut et demeure l’objectif ainsi avoué. Le 23 mars, le pape François quitte l’hôpital et, aussitôt, en bon chrétien, il demande l’arrêt des frappes israéliennes si peu chrétiennes. La recommandation salutaire indiffère les génocidaires.