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Après beaucoup de difficultés, les manœuvres ont finalement abouti. L’« Evergreen », le navire qui était bloqué en travers du canal de Suez depuis près d’une semaine, a été remis à flot lundi après-midi, et surtout remis dans le sens de circulation. Le trafic va donc pouvoir reprendre. Le porte-conteneurs de 400 mètres de long lancé en 2018, dont l’étrave était plantée sur une berge, avait déjà commencé à bouger dimanche, à la faveur de la marée haute, de l’appui de 13 remorqueurs et des équipes de la société néerlandaise Smit Salvage. L’Autorité du canal (SCA) avait pu annoncer lundi matin que le bâtiment avait été remis à 80 % dans la « bonne direction » ! et que « l’arrière du navire s’est éloigné de 102 mètres de la rive alors qu’il était à 4 mètres seulement ».
Lundi, plus de 420 navires de tous types (vraquiers, porte-conteneurs, méthaniers, supertankers, etc.) étaient toujours bloqués aux deux extrémités et au milieu du canal, sur un lac intérieur. Aussi, le chef de l’Autorité du canal a estimé qu’il faudra « trois jours et demi environ » pour que les navires en attente appareillent. « Le canal va fonctionner 24 heures sur 24, immédiatement après le renflouement du navire », estime l’amiral Oussama Rabiaâ.
Toutefois, malgré ces assurances des autorités égyptiennes, réduire les intervalles au strict minimum entre les navires en souffrance ne sera pas si simple. Car en temps normal, les bateaux circulent déjà en convois, pour pouvoir être pris en charge par plusieurs remorqueurs, selon une source maritime. Ainsi, le « Ever Given » qui a éperonné en diagonale une berge dans des circonstances restant à élucider, était le cinquième d’un convoi de vingt navires.
*Sol rocheux
La difficulté de la manœuvre de dégagement tenait surtout à la nature rocheuse des berges sur lequel s’est échoué le porte-conteneurs géant. Quelque 27.000 m3 de sable ont été dégagés, à 18 mètres de profondeur, pour libérer le navire battant pavillon panaméen.
Long de près de 190 kilomètres, le canal voit passer environ 10 % du commerce maritime international , et chaque journée d’indisponibilité entraîne d’importants retards et coûts. Mais certains d’eux sont des manques à gagner stricto sensu, et d’autres des sommes juste retardées de quelques jours qui seront encaissées plus tard, comme les coûts de passage du canal.
*Un coût de 6 à 10 milliards de dollars par jour
L’assureur Allianz a ainsi estimé que chaque jour d’immobilisation pourrait coûter entre 6 et 10 milliards de dollars au commerce mondial. Après ces journées de paralysie, la Syrie a commencé à rationner les carburants, par manque de pétrole. Et onze cargos partis de Roumanie, transportant 130.000 moutons vivants, sont aussi affectés.
« Il faudra maintenant au moins deux à trois semaines pour rattraper les déséquilibres des flux maritimes, car les bateaux en retard venant de Chine seront également en retard pour le rechargement en Europe vers l’Asie », explique le dirigeant d’un groupe logistique. La valeur totale des biens bloqués ou devant emprunter une autre route diffère selon les estimations, oscillant entre 3 et 9,6 milliards de dollars. Les cours du pétrole ont également connu de brusques hausses depuis le début de l’incident, avant de se détendre à l’annonce de la « libération » du navire.
(Les Echos)