Finalement, la grève des chefs de secteurs ou omdas, qui était prévue pour le 27 et 28 Janvier courant fut reportée à une date ultérieure puisque le secrétaire du syndicat général des chefs de secteurs appartenant à la centrale syndicale, M. Moncef Ezzayati, a déclaré qu’il y avait possibilité de consensus avec le gouvernement…
En effet, il est prévu la signature d’une convention bilatérale entre l’UGTT et le gouvernement qui va dans le sens des revendications du corps du métier, et les revendications ne sont pas superflues… car elles concernent l’essence même de l’organisation administrative du territoire en ce qui concerne ces délégués de quartiers, car ces derniers allèguent qu’ils ont été dépossédés progressivement de leurs prérogatives originellement instituées depuis l’Indépendance par le biais du décret beylical du 21 Juin 1956 et les textes qui ont suivi …
Les omdas, à travers l’histoire
L’appauvrissement délibéré du métier a commencé méthodiquement à la fin de la période bourguibienne et a pris toute sa forme et sa splendeur sous l’ère Ben Ali à partir de 1989. Originellement, l’institution de la fonction de chef de secteur de délégation (dénomination donnée au cours de la période Bourguibienne) ou omda (dénomination donnée au cours de la période benaliste) était dans le but d’apporter leurs concours aux différents services administratifs, judiciaires et financiers à l’effet de les aider à l’accomplissement de leur mission et ont, en outre, la charge de veiller sur les intérêts de leurs administrés et de les assister dans leurs rapports avec l’administration.
Plus concrètement, les omdas représentent le « Pas de porte » de l’autorité et du prestige de l’Etat et sont chargés des services administratifs communs et interviennent dans tous les aspects de la vie de leurs administrés notamment en ce qui concerne les attributions des ministères des affaires sociales, de l’Intérieur dans les Affaires de sécurité interne et même celle du territoire dans certains cas puisqu’ils sont appelés à la veille et à l’appui de l’action des cellules chargées du renseignement et de l’information, au cas ou des actes douteux à caractère pénal, terroriste ou autre, seraient commis dans leurs délégations territoriales, sans oublier les affaires des collectivités locales, la Défense en ce qui concerne l’incorporation au service national. Mais à partir de 1989, les omdas ont vu la dénomination de leur tâche changer de chef de secteur vers omdas en vertu du décret présidentiel 521 de cette même année. En outre, leur rôle a été amoindri peu à peu jusqu’à devenir presque inutile et inexistant sans compter les pressions politiques sous lesquelles ils croulaient. Ce qui est étonnant, en plus, c’est que les chefs de secteur, premiers dépositaires de l’autorité de l’Etat, officiers de la police judiciaire et officiers de l’état civil n’ont pas le droit à l’intégration dans la fonction publique et n’ont pas de statut professionnel non plus, contrairement à leurs chefs hiérarchiques, le délégué territorial et le gouverneur. Ils n’ont pas de ce fait le droit à avoir un traitement mensuel mais une indemnité de fonction forfaitaire nette de 427 dinars quel que soit le niveau d’instruction de l’intéressé et n’ont pas, de surcroît, le droit à avoir des allocations familiales et des primes de rendement comme le stipule le Code du travail.
Les omdas revendiquent un statut professionnel
Bref, les omdas sont en colère et comptent bien se faire entendre à travers l’UGTT. Ce que demande le corps du métier, c’est une réhabilitation réelle de toutes les prérogatives qui incombent aux omdas et notamment en ce qui touche le développement régional. Ils rejettent toute forme d’exclusion ou de marginalisation et exigent aussi l’institution d’un statut professionnel pour le métier, l’incorporation dans la fonction publique et bien entendu, la révision de leurs émoluments en éliminant la dénomination d’indemnité pour la transformer en salaire selon la grille des fonctionnaires publics…
La révocation collective qui a eu lieu dans plusieurs gouvernorats en août 2014 et notamment au gouvernorat de Zaghouan où 22 omdas ont été révoqués, n’a pas arrangé les choses. Le corps du métier a, en effet, considéré que c’était une attaque de plus, ce qui a eu pour effet d’alimenter davantage le sentiment d’amertume et de persécutions dont souffrait ce corps de métier. La rupture était consommée et un hiatus singulier s’est installé entre le corps des omdas et l’autorité de tutelle. Ils se sentaient de plus en plus isolés et pris à partie puisqu’ils ont estimé que ces révocations étaient basées sur des évaluations et des rapports de délégués et de gouverneurs connus pour leur appartenance politique sans oublier que les concernés n’ont pas eu le droit de se défendre…
Joint par téléphone, Mr Moncef Ezzayati, a exprimé sa détermination ainsi que celle de tous ses homologues à ce que soient satisfaites toutes les revendications du métier à savoir :
– approbation du statut du métier par le ministère de tutelle l’intégration dans la fonction publique incluse.
– Dotation supplémentaire d’une indemnité de fonction de 80 dinars.
– Réintégration des 113 omdas révoqués sur tout le territoire national.
Les omdas ont reporté leur grève à une date ultérieure, en attendant que le gouvernement et notamment le ministre de l’Intérieur et celui des Affaires sociales honorent leurs promesses. Reste à savoir maintenant qui du gouvernement Jomâa ou Essid ira concrétiser les promesses données au corps du métier ?
Anis Somai