Taux de change : Où va le dinar ?

Le coupable c’est le déficit courant et plus particulièrement le déficit commercial. La solution : limiter les importations. Les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux permettent ce type d’actions.

Malgré les efforts déployés par  la Banque Centrale de Tunisie (BCT), le dinar ne cesse de se dégrader d’un mois à l’autre voire même d’un jour à l’autre. Ces derniers jours, le dinar s’est relativement stabilisé contre l’euro mais la dépréciation vis à vis du dollar s’est poursuivie. De nombreux économistes s’accordent à dire que le mouvement de dépréciation du dinar va se poursuivre durant les prochains mois et semble être irréversible du moins à court terme. Il faut rappeler que les variations du taux de change sont très complexes, dans le cas du dinar, le coupable est connu : c’est le déficit courant et plus particulièrement le déficit commercial. Comme on peut le voir sur le graphique, il y a une relation quasi mécanique entre la dégradation du solde courant et la baisse du dinar. Et si cette baisse ne date pas d’hier c’est parce que la courbe du déficit commercial tunisien ne montre strictement aucun signe de fléchissement depuis des années.

Une dévaluation du dinar, en abaissant le prix des exportations et en augmentant celui des importations pourrait contribuer à réduire le déficit commercial. Mais elle ne suffira pas à le résorber. Une baisse de la valeur externe de la monnaie donnerait donc un peu d’oxygène aux exportations en améliorant de facto la compétitivité-prix et elle réduirait les pressions sur les réserves de change.

Le problème récurrent, c’est que le déficit commercial a atteint un niveau record 12,5 milliards de dinars pour les onze premiers mois de 2014, soit un peu plus de 1000 millions de dinars chaque mois, au moment où la reprise est encore fragile. L’économie tunisienne ne peut pas se permettre un tel niveau de déficit. Ceci peut fonctionner dans une économie très forte comme l’économie américaine où  les investisseurs du reste du monde acceptent de détenir des actifs américains dans une proportion suffisante pour financer le déficit.

Depuis 2011, les sources de financement ont radicalement changé : les investissements directs sont devenus insuffisants pour couvrir le déficit. D’où la question jusqu’où le dinar devrait-il baisser pour rééquilibrer la balance des paiements tunisienne ? Malheureusement, nul ne saurait aujourd’hui répondre à cette question. Par contre, une chose est sûre, c’est que l’ajustement des changes ne saurait suffire à rééquilibrer la balance commerciale. Si la Tunisie enregistre un tel déficit courant, c’est que le problème est ailleurs : elle affiche des faiblesses de compétitivité  structurelles; elle dépense tout simplement plus qu’elle ne gagne. L’épargne des ménages est d’une faiblesse endémique et l’Etat a, lui aussi,  un comportement de cigale.

Peut-on limiter la baisse du dinar ?

A priori, la solution la plus simple est d’utiliser les réserves de change pour racheter la monnaie nationale. Cependant, une telle action exige des réserves de change importantes. Selon les derniers chiffres (janvier 2015) les réserves en devises ont atteint l’équivalent de 113 jours d’importation. Un montant pas assez important pour pouvoir défendre la monnaie nationale. Ainsi  le risque de voir nos réserves fondre comme la neige au soleil, est bien réel. Il faut dire au passage que le volume des réserves fluctue en fonction du solde des opérations avec l’extérieur. Quand une banque centrale reçoit moins de paiements de l’étranger qu’elle n’en verse, parce qu’elle importe plus qu’elle n’exporte par exemple, les réserves de change baissent. Le pays enregistre alors un déficit de liquidités par rapport à sa consommation et à ses investissements intérieurs. Cette baisse des réserves correspond à un solde négatif de la balance des paiements dite globale, qui regroupe la balance des paiements courants et les mouvements de capitaux à court terme et à long termes.

La solution alternative est de relever le taux d’intérêt, mais elle n’est pas facilement crédible lorsque la conjoncture est déjà déprimée et que l’endettement est élevé. Un choix entre la peste et le choléra !

Il reste le contrôle des importations. Aujourd’hui, il y a un déséquilibre inquiétant sur le marché des changes. En effet, il y a tout simplement plus de sortie de devises – à cause de la hausse des importations – que d’entrée. La solution est bien simple : il faut limiter les importations. Les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux permettent ce type d’actions. A titre d’exemple, les biens non alimentaires, notamment les véhicules neufs, pourraient faire l’objet d’une limitation. Il ne s’agit pas là d’un retour au protectionnisme. Dans des circonstances exceptionnelles, on peut faire appel à des mesures exceptionnelles. En tout état de cause, le  protectionnisme pourrait être une alternative, à très court terme et en période de crise économique. Une conjoncture économique difficile se traduit souvent par des mesures protectionnistes

Ce qui importe le plus est de remettre la machine économique en marche et ne pas oublier qu’au problème de la dégradation du solde commercial, la solution de la dépréciation est artificielle et donc temporaire. Si elle peut apporter un peu d’oxygène à un moment où nous en avons grandement besoin, elle ne nous permettra pas de faire l’économie de mesures structurelles.

Mohamed Ben Naceur

 

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