Dans une interview accordée au journal français l’Opinion, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a abordé plusieurs dossiers sensibles touchant à la politique intérieure et extérieure de son pays dont les relations entre son pays et la Tunisie, la position d’Alger sur une éventuelle normalisation avec Israël et les tensions croissantes entre l’Algérie et la France.
Contrairement aux inquiétudes exprimées par certains observateurs internationaux sur l’évolution politique en Tunisie, Abdelmadjid Tebboune a tenu à défendre le président tunisien Kaïs Saïed et à saluer son choix de rétablir un régime présidentiel. Selon lui, ce changement institutionnel a permis de « remettre les pendules à l’heure » après une décennie marquée par l’instabilité parlementaire.
« Mon frère, le président tunisien, est un universitaire reconnu, populaire, qui continue à aller faire ses courses au marché », a déclaré Tebboune, insistant sur la proximité du dirigeant tunisien avec son peuple.
Le président algérien a également réaffirmé l’amitié historique entre les deux pays et l’engagement d’Alger à soutenir la Tunisie sur le plan économique. « Nous l’aidons autant que l’on peut », a-t-il affirmé, tout en reconnaissant les défis financiers que traverse la Tunisie, notamment une dette élevée et une croissance économique fragile. Il a aussi rappelé que la Tunisie a payé un lourd tribut durant la guerre d’indépendance algérienne, ce qui renforce, selon lui, le devoir de solidarité entre les deux nations.
Interrogé sur une éventuelle reconnaissance d’Israël par l’Algérie, Abdelmadjid Tebboune a été catégorique : Alger ne reconnaîtra l’État hébreu que lorsque la Palestine obtiendra son indépendance. « Bien sûr, le jour même où il y aura un État palestinien », a-t-il affirmé.
Cette déclaration s’inscrit dans la continuité de la position historique de l’Algérie, qui a toujours conditionné toute normalisation à la création d’un État palestinien souverain. Tebboune a rappelé que cette politique était partagée par ses prédécesseurs, notamment les anciens présidents Chadli Bendjedid et Abdelaziz Bouteflika.
Par ailleurs, l’un des points les plus sensibles de l’interview concerne les relations entre l’Algérie et la France, qui connaissent une série de crispations diplomatiques. Abdelmadjid Tebboune a reconnu que « le climat est délétère » entre les deux pays et a pointé du doigt des tensions inutiles qui, selon lui, font perdre du temps aux deux nations.
L’affaire Boualem Sansal illustre cette détérioration des relations. L’écrivain franco-algérien, connu pour ses critiques envers le pouvoir algérien, est emprisonné en Algérie depuis novembre 2024, et les autorités françaises n’ont pas été autorisées à lui rendre visite. Tebboune a justifié cette décision en rappelant que Sansal était algérien « depuis 74 ans » et n’avait obtenu la nationalité française qu’il y a quelques mois. Il a toutefois assuré que l’écrivain recevait des soins médicaux et pouvait contacter sa famille.
Le président algérien a également tenu des propos virulents contre Marine Le Pen, la cheffe de file du Rassemblement national, l’accusant de vouloir expulser massivement les Algériens de France. « Veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter ? », a-t-il lancé, en référence à la rafle de 1942 durant laquelle des milliers de Juifs avaient été arrêtés et envoyés dans des camps de concentration.
Abdelmadjid Tebboune a annoncé une décision lourde de conséquences : les malades algériens ne seront plus envoyés en France pour des soins médicaux. Désormais, ils seront dirigés vers d’autres pays européens comme l’Italie, la Belgique ou encore la Turquie. Cette mesure, qui s’ajoute à d’autres décisions de restriction de coopération entre les deux pays, reflète la volonté d’Alger de prendre ses distances avec Paris.