Technologie et humanité

Par Dr Souhir Lahiani

Par Souhir Lahiani*

 Dans un monde en constante évolution, où les technologies jouent un rôle de plus en plus crucial, il est essentiel de ne pas négliger l’élément humain. La technologie, sous toutes ses formes, a facilité les tâches quotidiennes, connecté le monde et transformé notre manière de vivre. Les services informatiques, souvent responsables de la prise de décisions, jouent un rôle central dans cette dynamique.
L’innovation technologique ne cesse de croître, avec une vitesse Internet toujours plus rapide (5 G, fibre optique, etc), un nombre d’utilisateurs en constante augmentation et des avancées quotidiennes dans le domaine de l’intelligence artificielle. Cependant, pour que cette évolution soit bénéfique à long terme, il est crucial de faire progresser simultanément les compétences humaines. Il s’agit d’un équilibre entre technologie et humanité.
En effet, investir dans le développement des compétences humaines est aussi important que l’innovation technologique. Cette approche duale permet non seulement de maximiser le potentiel des nouvelles technologies, mais aussi d’assurer une adaptation harmonieuse et durable des individus à ces changements.
L’investissement dans les technologies comprend l’adoption et le développement de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle (IA), le big data, l’internet des objets (IoT), la blockchain, etc. Ces technologies transforment les industries, améliorent l’efficacité, la précision et l’innovation, et permettent aux entreprises d’innover et de se démarquer de la concurrence tout en augmentant l’efficacité et la productivité grâce à l’automatisation des tâches répétitives.
Par exemple, l’IA peut automatiser différentes tâches répétitives, voire ennuyeuses, permettant aux employés de se concentrer sur des tâches plus stratégiques et créatives.
D’après un rapport publié par le National Science and Technology Council des États-Unis (Strategy 2: Develop Effective Methods for Human-AI Collaboration), l’IA prend en charge des tâches périphériques qui soutiennent l’humain dans la prise de décision, par exemple, des tâches d’analyse prédictive ou de récupération d’informations ; l’IA intervient lorsque l’humain se retrouve dans une situation de charge de travail élevée, en réalisant des tâches complexes de supervision/contrôle, de prise de décision ou de diagnostic lorsque l’humain a besoin d’assistance. Enfin, l’IA réalise des tâches à la place de l’homme lorsque les capacités de ce dernier sont limitées ou insuffisantes pour les accomplir, par exemple quand il faut agir vite, traiter un grand volume de données, réaliser des opérations mathématiques complexes ou intervenir dans des environnements hostiles.

Pour une compréhension approfondie des personnalités au travailInvestir uniquement dans les
technologies ne suffit pas. Les compétences humaines, telles que la créativité, la pensée critique, la collaboration et l’intelligence émotionnelle, sont indispensables. En effet, les employés doivent être formés pour utiliser efficacement ces technologies et pour s’adapter à un environnement en pleine mutation. C’est dans ce sens que des modèles comme le modèle Herrmann et des outils comme le HBDI et le modèle BIG FIVE entrent en jeu.
Qu’est-ce que le modèle Herrmann ?
Le modèle Herrmann a été conçu par William “Ned” Herrmann, un génie qui a travaillé sur la créativité et le travail en équipe. Il a développé le questionnaire HBDI (Herrmann Brain Dominance Instrument), qui permet de découvrir notre profil cérébral parmi les 2 millions de profils distincts dans sa base de données. Le modèle Herrmann se fonde sur les théories de la modularité des fonctions cognitives, y compris les spécialisations bien documentées du cortex cérébral et des systèmes limbiques du cerveau, ainsi que sur les recherches sur la latéralisation cerveau gauche-cerveau droit menées par Roger Wolcott Sperry, Robert Ornstein, Henry Montzberg et Michael Gazzaniga. Ces théories ont été développées pour refléter une métaphore de la façon dont les individus pensent et apprennent. L’utilisation de cette métaphore a été critiquée par la suite par des chercheurs sur le cerveau tels que Terence Hines, qui l’ont jugée trop simpliste, bien que ses défenseurs soutiennent que la construction métaphorique a été bénéfique dans des contextes organisationnels, notamment dans les entreprises et les gouvernements. Comment fonctionne le test HBDI ? Le test HBDI représente un vrai défi pour notre cerveau. Il nous met face à des choix cornéliens pour déterminer nos préférences cérébrales.
Qu’est-ce que le modèle BIG FIVE ?
Le modèle BIG FIVE est souvent utilisé dans le recrutement pour évaluer les traits de personnalité des candidats. Le Big Five est un modèle de personnalité crédible et largement utilisé en psychologie et psychométrie. Il se compose de cinq dimensions principales : l’ouverture à l’expérience, la conscience, l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme, qui décrivent les traits de personnalité fondamentaux d’un individu.

HBDI et BIG FIVE : des approches distinctes mais complémentaires
La comparaison entre les outils HBDI (Herrmann Brain Dominance Instrument) et le modèle des Big Five révèle des approches distinctes mais complémentaires dans la compréhension des individus.
L’HBDI se concentre sur les préférences cognitives et les modes de pensée, permettant d’améliorer la communication, la collaboration, l’innovation et la performance au travail. Les résultats de cet outil offrent un profil de pensée dominant, aidant à comprendre comment une personne aborde les problèmes et interagit avec les autres.
En revanche, le modèle des Big Five se focalise sur les traits de personnalité, à savoir l’ouverture, la conscienciosité, l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme. Ce modèle est couramment utilisé pour la sélection de personnel, le développement personnel, le coaching et la recherche psychologique. Les résultats fournissent un profil de personnalité basé sur ces cinq traits majeurs, influençant le comportement et les interactions des individus.
Ainsi, bien que les deux outils aient des objectifs et des applications différents, ils offrent chacun des insights précieux pour mieux comprendre et optimiser le potentiel humain dans divers contextes.

Application de l’HBDI et du BIG FIVE aux compétences et profils en IA
L’intelligence artificielle (IA) est un domaine multidisciplinaire nécessitant une combinaison de compétences techniques et non techniques. L’application des outils comme l’HBDI et le BIG FIVE peut aider à optimiser la performance des équipes travaillant dans ce domaine en identifiant et en développant des compétences clés.
L’intelligence artificielle (IA) est un domaine multidisciplinaire qui nécessite une combinaison de compétences techniques et non techniques. L’application d’outils comme l’HBDI et le Big Five peut aider à optimiser la performance des équipes travaillant dans ce domaine en identifiant et en développant des compétences clés.
L’HBDI (Herrmann Brain Dominance Instrument) aide à comprendre les préférences cognitives des membres de l’équipe. En IA, cet aspect signifie identifier comment chaque individu préfère traiter les informations et résoudre les problèmes. Par exemple, les personnes ayant une dominance dans le quadrant analytique (A) excellent en analyse de données, en logique et en résolution de problèmes mathématiques, souvent comme programmeurs, statisticiens et experts en machine learning. Ceux du quadrant séquentiel (B) sont essentiels pour structurer les processus de développement d’IA, excellant dans les tâches d’organisation, de planification et de gestion de projets. Les individus du quadrant interpersonnel (C) sont doués pour la communication, le travail en équipe et la compréhension des besoins des utilisateurs, souvent en tant que gestionnaires de projet, UX designers et spécialistes des relations clients. Enfin, ceux du quadrant imaginatif (D) sont innovants, créatifs et capables de penser hors des sentiers battus, contribuant au développement de nouvelles idées et approches en IA. En utilisant l’HBDI, les managers peuvent constituer des équipes équilibrées où différents styles de pensée se complètent, assurant ainsi une approche holistique aux problèmes et projets. De plus, l’HBDI peut identifier les besoins de formation pour combler les lacunes dans des compétences spécifiques.
Le modèle Big Five, quant à lui, est pertinent pour la sélection et le recrutement dans le contexte de l’IA. Chaque trait de personnalité joue un rôle crucial : l’ouverture à l’expérience est essentielle pour l’innovation et l’exploration de nouvelles technologies; la conscienciosité est cruciale pour les rôles nécessitant une attention aux détails et une forte éthique de travail; l’extraversion favorise la communication et la gestion de projet; l’agréabilité est importante pour le travail en équipe et la collaboration; et un faible niveau de névrosisme est souhaitable dans des environnements de travail stressants, comme ceux impliquant des délais serrés et des projets complexes en IA. Les évaluations Big Five peuvent également être utilisées pour le développement personnel et le coaching, aidant les membres de l’équipe à améliorer leurs points faibles et à exploiter leurs points forts.
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, une culture d’entreprise qui valorise la curiosité (ouverture), la rigueur (conscienciosité) et la collaboration (agréabilité) peut créer un environnement propice à l’innovation et au succès. L’utilisation des outils HBDI et Big Five ne contribue pas seulement à la formation d’équipes performantes, mais aussi à l’établissement d’une culture d’entreprise solide et harmonieuse. Comme le souligne Soparnot Richard : « Le corps social d’une entreprise est très hétérogène, ce qui accroît le risque de conflit et les difficultés managériales. L’efficacité du management repose sur sa capacité à comprendre le comportement des individus et à en expliquer les manifestations. »
Peter Drucker, une référence mondiale en matière de réflexion sur l’art de manager, utilise une métaphore très éloquente à ce sujet. Il compare le manager à un chef d’orchestre de jazz, où chacun peut improviser et s’approprier des espaces de liberté individuelle tout en respectant la mélodie générale. Un chef d’orchestre qui, en quelque sorte, met en valeur ses solistes.
En combinant les insights de l’HBDI et du BIG FIVE, les entreprises peuvent créer des équipes spécialisées en IA qui, non seulement possèdent les compétences techniques nécessaires, mais sont également équilibrées en termes de styles de pensée et de traits de personnalité. Cette approche intégrée permet de maximiser la performance, la créativité et la satisfaction au travail, tout en s’assurant que les solutions d’IA développées sont à la fois innovantes et pertinentes pour les utilisateurs finaux.
« L’IA est un domaine riche, en évolution constante, qui exige une approche d’apprentissage continu des connaissances », souligne Yves Caseau, Directeur des systèmes d’information du groupe Michelin.

Références :
*Soparnot, Richard. « Chapitre 3. Les comportements humains et le management des hommes », Management des entreprises. Stratégie. Structure. Organisation, sous la direction de Soparnot Richard. Dunod, 2000, pp. 137-176.
*Moustafa Zouinar, « Évolutions de l’Intelligence artificielle : quels enjeux pour l’activité humaine et la relation Humain‑Machine au travail ? »
*Stéphane DEMILLY : « Manager avec l’approche Herrmann ; L’art de conjuguer les intelligences individuelles », Éditions d’Organisation, Groupe Eyrolles.

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