Le dossier des terres domaniales, souvent objet de polémiques et de vagues de contestations, sera finalement soumis, le 20 mai prochain, à une consultation nationale. Cette nouvelle consultation, qui survient 25 ans après, est censée déboucher sur une nouvelle stratégie propre à favoriser une meilleure restructuration de ces terres à l’effet de garantir une performance optimale de leur exploitation. Aujourd’hui, quel bilan peut-on tirer de l’exploitation de ces terres domaniales qui s’étendent sur 500.000 ha ? Quelle est leur contribution à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire du pays ?
L’Agence de promotion de l’Investissement agricole (APIA) a annoncé en janvier dernier, le résultat du premier appel d’offres lancé après la Révolution pour la location des terres domaniales à des sociétés de mise en valeur et de développement agricole (SMVDA). 22 dossiers ont été sélectionnés sur un total de 480 dossiers. Cela va permettre à 22 nouvelles fermes, sur un total de 45, d’intégrer le cycle de la production agricole. Cette attribution permettra la réalisation d’un investissement de près de 45 millions de dinars. L’attribution de ces SMVDA, faut-il préciser d’emblée, a pris en considération un nouveau cahier des charges établi, comportant des critères d’attribution privilégiant la transparence et l’égalité des chances entre les promoteurs. Il faut préciser qu’au passage, l’Etat a récupéré 70.000 ha de terres déchues, qui ont été octroyées d’une manière illégale.
Un cahier des charges, des engagements à respecter
Le dossier de la gestion des terres domaniales a bénéficié d’un intérêt particulier dès le lendemain de la Révolution du 14 janvier 2011. Un cahier des charges a été mis en place comportant cinq chapitres. Il s’agit respectivement de l’appel d’offres, la mise en valeur, le suivi, le contrôle, les infractions et la déchéance du droit d’exploitation. Selon M. Rabah Bouasker, ancien Directeur général de l’APIA, « un nouveau cahier des charges veut dire de nouvelles obligations ». En plus clair, on a adopté un barème de notation, exigé plus de garanties avec la fourniture de documents pour consacrer l’objectivité, l’équité et la transparence. Le promoteur a été tenu d’étoffer son dossier par une attestation de capacité financière. Ce document constitue une garantie attestant que le prometteur présente des garanties qui lui permettent de financer le projet. La nouvelle version du cahier des charges engage le promoteur à placer une garantie représentant 3% du coût du projet et avoir un autofinancement de 30%. Le prometteur est obligé de présenter à l’APIA des rapports périodiques sur l’activité de la société. L’APIA aura le droit de déchéance des droits d’exploitation lorsque le promoteur ne respecte pas ses engagements, notamment la réalisation du programme d’investissement et de mise à niveau, la création d’emplois et l’encadrement.
Les montants du loyer et la durée de location de ces terres sont déterminés en fonction de l’importance des projets et leur contribution à la création d’emplois, notamment. La durée de location varie entre 10 et 20 ans, et ce, en fonction des plantations et de la production.
Les SMVDA, quel bilan ?
Il est à rappeler que les SMVDA ont été créées en 1993 pour optimiser l’exploitation d’une partie de terres domaniales exploitées exclusivement par l’Office des terres domaniales (OTD). S’étendant sur des superficies de 200 ha au minimum, ces sociétés opèrent dans les activités d’élevage, la céréaliculture et l’arboriculture fruitière. Elles sont également censées concourir à l’effort de la création d’emplois notamment dans les régions.
22 ans après, peut-on affirmer que ces sociétés ont répondu aux objectifs initialement fixés ? Les résultats enregistrés sont mitigés. Des cas de SMVDA qui ont réussi leur pari et ont exploité à bon escient ces terres existent. Le contraire est vrai, puisque on enregistre des cas de sociétés qui cumulent dettes et déficits financiers au moment où elles exploitaient des parcelles parmi les plus fertiles. Mauvaise gestion et non-conformité aux cahiers des charges expliquent bien la situation. D’autres, sans investir ont continué à exploiter les terres domaniales d’une manière archaïque générant ainsi un faible chiffre d’affaires qui permet uniquement la survie de l’entreprise sans aucune plus-value possible, ce qui est loin d’être l’objectif initial qui est à l’origine de la mise en place de ces sociétés. L’implication du régime déchu dans l’attribution de ces terres n’explique pas tout. Le non respect des cahiers des charges, la mauvaise gestion, l’absence d’investissements constituent assurément les causes profondes de l’échec de cette expérience. Bien plus, l’intervention de l’administration tunisienne, principal contrôleur de ces projets, n’était pas performante. D’une manière générale, la majorité des sociétés soutenues par les banques et opérant de grands investissements ont réalisé de grands projets et crée de l’emploi et de la valeur ajoutée.
La mise en valeur de ces terres nécessite de grands financements. Ceux-ci serviront à renforcer la production agricole en intégrant la technologie et à contribuer à la réalisation de l’autosuffisance alimentaire, ne serait-ce dans les spéculations considérées comme stratégiques.
Les difficultés des SMVDA
Les problèmes qui entravent le développement des SMVDA sont multiples et difficiles à gérer par ces sociétés. «L’Etat exige des SMVDA de consolider, la production agricole nationale, de résorber le chômage et de créer de la richesse, mais en même temps sans leur donner les moyens de le faire », regrette M. Mounir Boumessouer, président de la Chambre des SMVDA relevant du syndicat des agriculteurs de Tunisie (SYNAGRI). Les SMVDA opèrent dans une quasi invisibilité. Sachant que l’investissement dans le domaine agricole est lourd et ne peut se faire que sur le long terme. Comment une SMVDA peut-elle investir, alors que le contrat de location ne dépasse pas les 30 ans et dans le cahier des charges, les 20 ans. Pourquoi les entreprises agroalimentaires ont-elle droit à 99 ans, alors que les SMVDA ne dépassent pas les 30 ans, s’interrogent les professionnels du secteur ? Ces derniers déplorent cette mauvaise réputation des SMVDA qui se répercute sur tout le secteur. Pourtant, les SMVDA représentent aujourd’hui un fleuron de l’agriculture tunisienne et de l’économie nationale. Sachant que l’agriculture est un secteur qui dépend de plusieurs facteurs notamment le climat, s’inscrire dans une assurance est une nécessité pour ces sociétés. Mais malheureusement celles-ci ne peuvent s’assurer que contre la grêle et les incendies. Par contre, les intempéries et les inondations ne sont pas assurées. Les assurances refusent ce genre d’aléas alors que leurs dégâts peuvent être considérables. Les SMVDA peuvent y perdre la récolte de toute une année. Il est question selon M.Boumessouer de la nécessité de régler le problème sécuritaire qui a eu un impact négatif sur le rendement de ces sociétés et causé d’importantes pertes matérielles pour les exploitants. « Nous avons peur pour notre sécurité et pour les matériaux et les biens de la ferme. Malheureusement, nous ne pouvons pas nous inscrire dans une assurance contre le vol, car cela n’existe pas » déplore encore une fois le président de la Chambre des SMVDA. Les professionnels appellent également à revoir l’acte d’investissement signé entre l’APIA et les SMVDA qui nécessite une actualisation pour répondre aux exigences des nouveaux indicateurs du marché.
L’OTD, quel avenir ?
Il faut rappeler qu’il n’existe aucune institution au monde similaire à l’Office des terres domaniales. La raison est évidente, les terres domaniales représentent dans notre pays un patrimoine national, qu’il est interdit de privatiser. L’OTD, créé en 1961, a pour mission principale l’exploitation rationnelle des terres domaniales à sa disposition (actuellement 193.000 ha plus les 70.000 ha déchus). Selon son président directeur général, M. Béchir Kthiri, l’entreprise participe essentiellement dans la stratégie nationale de production agricole notamment du lait, de viande et des œufs. « L’OTD représente également un internat des ingénieurs et techniciens tunisiens sortis des écoles et institutions de formation. L’Office assure un terrain d’expérience professionnelle pour ces compétences » Le débat sur l’avenir de l’OTD a commencé depuis 1993, date de la restructuration des terres domaniales avec la création des sociétés de mise en valeur des terres domaniales (SMVTD). Jusqu’à aujourd’hui, aucune décision n’a été prise sur le sort de l’OTD, pénalisé par son déficit financier. En effet, selon M. Kthiri le manque d’investissement a généré une dégradation de l’outil de production de l’OTD. Celui-ci travaille avec un outil datant des années 80. En 2014, l’OTD a réalisé un chiffre d’affaires de 120 millions de dinars, dont 10 millions seulement sont consacrés à l’investissement. L’Office doit dépenser 50 millions de dinars pour payer 8500 salariés et 60 millions vont aux frais de fonctionnement. Ce qui peut paraître paradoxal, depuis 2011, le nombre d’employés de l’OTD a augmenté de 2500. L’autre paradoxe, c’est que pour ses 8.500 employés, l’OTD compte pas moins de 50 syndicats qui, tous, ont un seul mot d’ordre : ne jamais permettre la cession des terres domaniales de l’OTD.
A l’évidence, l’OTD constitue une SMVDA sans pour autant louer des terres domaniales. Il ne parvient pas à réaliser les objectifs qui lui sont assignés, puisqu’il est une entreprise endettée, souffrant d’un déficit budgétaire et ne disposant pas de sources de financement adéquates.
Mais tout n’est pas perdu pour autant. Pour M. Kthiri, l’OTD qui ne participe qu’à 2% de la production agricole nationale, pourrait devenir un fleuron de l’agriculture. Un objectif qui reste tributaire des décisions devant être prises par le gouvernement pour le consolider. Pour le président directeur général de l’OTD, l’action à entreprendre devrait s’orienter vers son assainissement financier qui passe par l’annulation de ses dettes datant des années 80.
Une fois assaini, l’Office sera en mesure de postuler à des crédits bancaires, où il est jusque-là exclu. L’OTD devrait pouvoir continuer son activité, car, estime son PDG, il peut être un réservoir d’emplois important. En effet, disposant de terres sur tout le territoire et dans toutes les régions, l’OTD représente dans la plupart des cas le seul refuge des chômeurs. « Si nous avons du financement, nous pourrons sur les 1000 ha dont nous disposons à Kasserine créer 400 emplois directs ». Par ailleurs, il faut mentionner que l’investissement dans le développement du potentiel de production agricole représente l’implantation d’un réseau d’irrigation pour l’arboriculture, l’acquisition d’un cheptel bovin de race pour l’élevage intensif de bovins et la production de lait. Cela coûte cher pour le budget de l’Etat. « C’est pour cette raison que le partenariat privé-public pourrait être la meilleure alternative pour tirer le meilleur profit de nos terres domaniales » estime M. Kthiri. C’est là, une proposition à mettre sur la table lors de la consultation nationale sur les terres domaniales le 20 mai prochain. les solutions sont là, il suffirait peut être de s’en apercevoir et de prendre les bonnes décisions, celles qui garantissent le mieux l’exploitation de ces terres et la viabilité de ce secteur vital.
SEDAN, une entreprise qui continue à exister
La Société d’exploitation et de développement agricole du Nord (SEDAN) est une SMVDA créée depuis les années 90, au moment où l’expérience des SMVDA avait juste commencé. Située dans le gouvernorat de Jendouba et s’étendant sur près de 1.000 ha, cette entreprise fait peut-être partie du cercle des SMVDA qui ont réussi. Le Directeur général de SEDAN, M. Mounir Boumessouer a insisté à ce que nous nous déplacions à Bousalem pour constater de visu l’exploitation de ces terres. La vue était imprenable sur ces terres, notamment en ce printemps. C’est la saison des cerisiers, framboisiers, pruniers… en fleur qui donnaient à ces terres un air d’un jardin aux dimensions infinies. Et ce temps agréable et ce décor merveilleux rendaient les gens de la ferme sympathiques et conviviaux. Ce jour-là, la question du jour dans la ferme était de trouver le plutôt possible de l’amonitre, indispensable en cette période pour l’arboriculture. Apparemment le gouvernement, dont le rôle est de fournir cet engrais, n’a pas importé une quantité suffisante. Mais, ce n’est qu’un petit obstacle parmi d’autres notamment après la Révolution. Sécurité, revendications sociales et augmentation des prix des matières premières, SEDAN, à l’instar des autres entreprises tunisiennes, a dû composer avec ces problèmes. Malgré cela, l’entreprise a continué à investir et exploiter ainsi au mieux le potentiel dont elle dispose. Pour y parvenir, elle a mis en place un programme de développement de ses terres, basé sur l’innovation, la technologie et l’investissement. L’innovation est le fait de diversifier la production dans des variétés nouvelles qui génèrent une plus grande plus-value. La technologie est de s’équiper d’une salle de traite moderne et automatique. outre le traite du lait, cette salle est capable de détecter les vaches malades et celles dont la production de lait est inférieure à la normale. M. Boumessouer insiste sur la qualité du lait de la ferme supérieure à ce qui existe sur le marché et regrette qu’il n’y ait pas une rémunération de la qualité. Dans le même cadre, selon M. Boumessouer, les abeilles font bien plus que du miel, chez SEDAN. Valoriser le produit du miel, tel est l’objectif pourtant, c’est un secteur qui ne génère pas un grand chiffre d’affaires. A travers un laboratoire central, le premier en Tunisie, SEDAN commercialise un pot de miel où sont mentionnées toutes les composantes du produit. Avec une production de 1100 kg, le miel de SEDAN demeure un produit artisanal. Pourquoi un Label tunisien alors ? Pour l’investissement, SEDAN a investi 18 millions de dinars sur ses terres. Elle est convaincue que son rôle essentiel est de contribuer fortement à la production agricole nationale, la création d’emploi et de la richesse. «Selon l’expérience SEDAN, l’investissement dans le développement du potentiel de production représente généralement une implantation d’un réseau d’irrigation pour l’arboriculture, l’acquisition d’un cheptel bovin de race pour l’élevage intensif et la production de lait. Des actions non coûteuses seulement mais rentables à long terme» conclut M.Boumessouer. Cela explique, peut-être, que les SMVDA qui ont réussi leur pari, sont celles exploitées par des groupes capables d’investir beaucoup d’argent, et ce à l’instar de SEDAN qui appartient au groupe Bayahi qui possède entre autres l’enseigne Magasin Général.
Al Karma : Une SMVDA postrévolution
La société de mise en valeur et de développement agricole Alkarma fera partie des 22 nouvelles SMVDA sélectionnées par l’APIA, après la Révolution. M. Sami Boumaiza, le Président directeur général de cette société n’en croyait pas ses oreilles quand il a été informé du résultat. Il y a de quoi, il avait présenté 25 dossiers depuis l’année 2000 dans trois gouvernorats différents, Nabeul, Zagouan et Siliana. Mais en vain, aucun dossier n’a été retenu. Pourtant, il se disait muni d’un dossier solide ayant répondu à tous les critères imposés par le cahier des charges. L’un des conseillers de Ben Ali pouvait l’aider, mais lui n’a pas cédé car il se disait contre toute pratique illégale. Sami Boumaiza est un investisseur pas novice dans le domaine de l’investissement agricole puisqu’il exploite 300 ha de terres irriguées dans le gouvernorat de Zaghouan. Les 680 ha qui lui ont été accordés font partie des fermes déchues après la Révolution et se trouvent à côté de ses terres.
D’un investissement de 1,8 million de dinars, son projet créera 40 emplois fixes. L’investissement, selon l’étude présentée par M. Boumaiza, se réalisera sur quatre ou cinq ans. Ces 25 dossiers de candidature présentés par Sami Boumaiza, n’ont pas été une simple affaire puisque, à plusieurs reprises, il allait se désister. Selon M. Boumaiza, l’actuel cahier des charges est un labyrinthe de procédures administratives et bureaucratiques. Les difficultés ne sont pas arrêtées jusque-là. L’Administration l’a obligé à intégrer les sept employés déjà existant dans la ferme, alors que dans le cahier des charges, il était question d’intégrer seulement deux employés. Quant aux subventions, celles-ci n’ont pas bougé depuis une vingtaine d’années, alors qu’elles devaient suivre les augmentations des prix. A titre d’exemple, pour l’achat de tracteurs, l’Etat participe hauteur de 25% du prix. Au marché celui-ci coûte 80 mille dinars alors qu’il est plafonné dans le cahier des charges à 22 mille dinars. Le coût d’un hectare irrigué est plafonné à 2.000 dinars, alors qu’il coûte réellement 12.000 dinars. Malgré cela, M. Boumaiza accepte mais appelle le gouvernement à conformer les prix et les coûts selon ce qui existe actuellement sur le marché. Ce qui dérange le plus M. Boumaiza, c’est le suivi rigoureux et même exagéré de l’exécution du programme d’investissement, alors que le projet n’a pas encore commencé. « Les contrôleurs arrivent à tout moment et plusieurs fois dans la semaine et sans même prévenir, alors les visites sont planifiées dans le cahier des charges, soit une ou deux fois par an ». A cause de l’historique pas glorieux des SMVDA et du suivi permanent de la presse et des médias, l’Administration se trouve sous haute pression, ce qui explique donc le contrôle des nouvelles SMVDA ». Cela étant, pour toute évaluation, il faudrait attendre six mois au moins pour voir l’état d’avancement de l’investissement.
M. Abderrahmen Chafai, Directeur général de l’APIA : «L’attribution des SMVDA obéit désormais à des critères objectifs et transparents »
– Où en est le projet d’octroi des 45 lots, ayant fait l’objet d’un appel d’offres ?
Il faut tout d’abord préciser qu’à un certain moment, il a été constaté que les terres domaniales peuvent être exploitées autrement. C’est dans cette perspective que les SMVDA (sociétés de mise en valeur et de développement agricole) ont été créées. Pour cela, un cadre règlementaire a été mis en place permettant la création et la gestion de ces sociétés, moyennant un programme de mise en valeur, principalement de l’investissement. Ce n’est qu’après la Révolution, que l’APIA a été chargée, accessoirement, de présider la commission d’octroi de ces sociétés. Ce sont les deux ministères, respectivement de l’Agriculture et du Domaine de l’Etat, qui sont chargés de ce dossier. Le choix de l’APIA était-il un fait du hasard ou résulte d’une réflexion politique ? Je ne sais pas. Du point de vue responsabilité, il faut faire la part des choses. L’APIA est responsable du plan investissement de ces SMVDA, or le plan investissement ne vient qu’après l’octroi des terres. A l’heure actuelle, sur les 45 terres mises à disposition, nous avons sélectionné 30 dossiers et, sur ces trente dossiers, 22 ont été confirmés et ont eu l’autorisation définitive.
– Comment expliquer ces lenteurs qui entourent l’instruction des dossiers ?
Les raisons sont multiples. Il y a des cas de désistement à la dernière minute, d’ailleurs nous n’avons pas suffisamment d’informations sur les raisons. La société devrait se présenter à une telle date au guichet de l’APIA et elle ne l’a pas fait. Fin de l’histoire.
D’autres candidats n’ont pas fourni toutes les attestations nécessaires et d’autres n’ont pas respecté les closes du cahier des charges en terme par exemple d’engagement financier à savoir la caution provisoire qui, après accord devient définitive. Slim Riahi, par exemple, fait partie de cette catégorie. Il ne s’est pas présenté muni de la caution définitive. Quand on les interroge sur les raisons de leur absence, ils rétorquent qu’ils sont à la recherche d’investissements qui tardent à venir. D’ailleurs une de ces personnes devait vendre ses parts dans une autre entreprise mais la transaction n’a pas été finalisée. Finalement ces 22 projets représentent un volume d’investissement de 45 millions de dinars, la prime accordée en guise de subvention varie entre 7 et 10% de l’investissement global. En termes d’emploi, l’objectif de ces 22 SMVDA consiste en la création de 300 emplois.
– Vous avez dit que la mission de l’APIA est le suivi de l’investissement de ces SMVDA. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ces sociétés ou une grande partie d’entre elles n’ont pas réalisé les objectifs escomptés au regard du potentiel considérable que représentent ces terres?
Il faut dire qu’après la Révolution, cette question s’est posée avec insistance au ministère de l’Agriculture. D’abord, le constat a été établi au sujet de l’octroi de ces terres à des personnes étrangères au secteur agricole. Les conditions d’octroi de ces terres étaient à la fois ambiguës et manquant de transparence. Je considère que tout cela fait partie de l’histoire.
Ceci dit, nous avons constaté que ces terres seraient mieux exploitées par des privés que par des opérateurs publics. L’Office des terres domaniales ne gérait et n’exploitait pas comme il se doit ces terres. Pourquoi ne pas trouver une forme d’exploitation de ces terres à travers un investissement privé ? De cette idée, les SMVDA ont été créées. L’expérience des SMVDA a été une série d’échecs, car le passage de l’exploitation de ces terres du public au privé, passe généralement par les banques de développement pour financer ces sociétés sans prêter attention à l’aspect technique se rapportant à leur gestion.
Les dirigeants de ces SMVDA n’étaient pas assez outillés pour gérer ces entreprises dont le résultat n’était pas concluant, ce qui a beaucoup influé sur leur rentabilité. Après réflexion, nous nous sommes dit que la taille (plus de 1.000 ha) des terres en serait la cause. Pour éviter cet écueil, nous avons décidé de segmenter ces terres pour une meilleure gestion. Ainsi, nous avons fait cette nouvelle forme de structuration en proposant des parcelles maîtrisables. L’évaluation globale nous dit qu’il y a eu des échecs mais aussi des réussites. Des sociétés, qui ont investi beaucoup d’argent, ont introduit de la technologie et ont créé de l’emploi. D’ailleurs, des réussites ont été enregistrées dans des secteurs où on n’imaginait pas atteindre l’autosuffisance à savoir le secteur du lait. Ces sociétés ont diversifié le secteur de l’arboriculture en introduisant de nouvelles variétés. La réussite était économique et agronomique. Maintenant pour que les performances soient généralisées, il faudrait peut-être affiner plus la gestion de ces dossiers, à partir du choix de ces SMVDA, l’octroi des terres, l’investissement et le suivi de cet investissement.
– Pouvez-vous nous confirmer que les 22 SMVDA sélectionnées seront des projets réussis ?
C’est parce que nous avons enregistré une réussite dans l’expérience des SMVDA que nous l’avons renouvelée avec la sélection de 22 nouvelles SMVDA. Mais cela a été fait sur de nouvelles bases. Nous avons mis en place un nouveau cahier des charges qui précise des critères transparents et objectifs d’octroi de ces terres. Nous avons également orienté ces objectifs vers plus de certitude dans la réalisation du plan d’investissement initialement présenté par la SMVDA. Nous avons travaillé en comité et quoi qu’on dise, nous étions le plus transparent possible. Ce qui s’est passé avec la liste des 22 n’a rien à voir avec l’avant-révolution. Est-ce que le choix était parfait ? Seul l’avenir nous le dira.