Tony Blair, la modernisation de l’administration et nous

Tony Blair, l’ancien Premier ministre britannique, est très couru dans les grandes réunions internationales et ce pour plusieurs raisons. Il a d’abord occupé le 10, Downing Street pendant dix ans de 1997 à 2007, et à ce titre, a accumulé une grande expérience d’homme d’Etat et façonné le Royaume-Uni après les années Thatcher, ce qui lui a permis de rentrer dans le 20e siècle. Ensuite, l’homme a été au cœur de la rénovation de l’un des plus vieux partis de gauche au monde et a permis de réconcilier la grande tradition ouvrière britannique avec les idées de marché et d’une plus grande libéralisation de l’économie. Aussi, l’homme, même après avoir quitté le gouvernement, continue de sillonner le monde et de délivrer ses conseils dans de nombreuses régions du monde.

C’était le cas aussi ce samedi 14 mars à Charm El-Cheikh à l’occasion de la grande rencontre sur le développement économique de l’Égypte, organisée par le gouvernement dans le but de mobiliser le soutien international. Les participants, pour la plupart de grands investisseurs internationaux, avaient déserté la grande salle pour poursuivre des négociations en petits comités dans des salles attenantes, mises à leur disposition par les organisateurs. Au moment, de la Conférence de Blair tous les participants ont accouru vers la grande salle pour écouter ce gourou des grandes conférences internationales.

Et Tony Blair était à son habitude, convaincant, mêlant son expérience personnelle à la tête du gouvernement britannique à la réflexion et à l’analyse. L’ancien Premier ministre avait choisi d’aborder la question de la modernisation de l’administration. Une question qui traverse tous les pays et qui exige une rénovation continue de l’appareil de l’Etat pour lui permettre de conduire les changements et d’adapter nos pays aux mutations et aux transformations de notre monde.

Tony Blair était confronté à cette question car il s’était rendu compte très vite que l’administration ne suivait pas le rythme de changement dont il voulait imprégner son pays. Il s’est trouvé face à des difficultés et des blocages pour opérer cette importante tâche. Mais il ne s’est pas résolu à gérer ses difficultés et il a décidé, au contraire, de les prendre à bras le corps afin de faire de l’administration un véritable allié du changement. Dans cette réflexion sur la modernisation de l’administration, Tony Blair met l’accent sur trois composantes essentielles. La première concerne la philosophie du changement et, à ce niveau, il met l’accent sur l’importance d’accroître l’efficacité de l’administration et d’en faire un allié essentiel des réformes économiques et sociales pour plus d’ouverture sur le monde. Certes, cet effort, précise notre conférencier de talent, n’est pas aisé et ses tentatives rencontreront les plus grandes difficultés. A ce niveau, la principale recommandation de Tony Blair est de faire en sorte que le politique gouverne le système et éviter que le système ne prenne le dessus et devienne le véritable gouvernail. Le politique doit imprégner sa cadence et insuffler la dynamique de changement à l’administration.

La seconde composante d’un programme de réforme de l’administration concerne la méthode. A ce propos, Tony Blair souligne trois éléments essentiels. Il faut d’abord réduire la taille de l’administration afin d’augmenter son efficacité et aussi d’accroître le niveau  de ses rémunérations sans de grandes difficultés pour les finances publiques. Il faut ensuite intégrer des agents de l’extérieur qui contribueront à insuffler du sang nouveau à l’administration. Le troisième principe est lié à l’utilisation et à l’implication des agents du changement de l’intérieur, qui sont de véritables alliés au mouvement de réformes.

La troisième composante est relative aux objectifs de la modernisation de l’administration. A ce propos, Tony Blair met l’accent sur les trois P : la définition des priorités, la mise en place des politiques et la détermination d’un système de mesure des performances.

Des propos qui résonnent et sont d’une grande actualité lorsque nous réfléchissons sur la situation de notre administration. Lors de mon passage aux affaires, j’ai pu constater que nous disposons de cadres d’une grande compétence, d’un grand engagement et aussi d’une grande intégrité. Mais, leurs efforts ne sont pas toujours reconnus et les critiques portent sur la faiblesse de leur productivité, un interventionnisme excessif et une grande centralisation du pouvoir de décision. Ces limites justifient une grande réforme de l’administration et de sa modernisation afin d’accroitre sa productivité, de la rapprocher beaucoup plus des citoyens et d’en faire un outil efficace, transparent, flexible et porteur des changements nécessaires à une plus grande adaptabilité de notre économie au monde global. Une réforme ambitieuse exige des moyens importants notamment dans le domaine des nouvelles technologies afin de basculer sérieusement dans l’e-gouvernement et le numérique et sortir de l’ère du fax et des supports physiques.

Notre pays a abordé une transition politique et économique majeure depuis 2011 dont l’objectif est d’en faire une démocratie ouverte et une économie émergente. La réussite de cette transition exige une grande réforme de l’administration afin d’accroître son efficacité, de renforcer sa transparence et sa proximité des citoyens, et d’en faire un véritable allié des transitions en cours.

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