Tourisme en crise : Reconstruire la qualité et l’image

Par Ridha Lahmar

Force est de constater que la situation du tourisme tunisien est beaucoup plus grave que ne veulent le reconnaître les responsables politiques et administratifs du secteur et que les doléances et les inquiétudes manifestées par les professionnels sont bel et bien fondées.

En effet, les statistiques et les chiffes invoqués par la tutelle pour rassurer l’opinion publique en ce qui concerne les entrées et les nuitées de ces quatre années “masquent” en fait les distorsions et les défaillances graves du tourisme tunisien.

Pour les dix mois de 2014, du 1er janvier au 31 octobre, les entrées enregistrées ont été de 5,4 millions de visiteurs, tandis que le nombre de nuitées n’a pas dépassé 27 millions, soit 18% de moins que durant la même période de 2013.

Il faut reconnaître que notre clientèle de base, les visiteurs européens, a fondu de moitié depuis 2010, année de référence même si elle n’a pas été une année exceptionnelle.

Les chiffres sont apparemment relativement rassurants grâce à nos voisins libyens et algériens qui par leur nombre, mais aussi par leur apport en devises, ont sauvé la situation. Mais en fait les Libyens logent surtout dans des appartements meublés en location et non dans les hôtels et viennent surtout pour se faire soigner et fuir la guerre civile qui règne en Libye et non pour faire du tourisme.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que notre pays à perdu 50% du marché français, (le plus important) qui avait atteint 1,4 million de visiteurs et n’a plus dépassé 700.000 depuis 2010.

Il en est de même pour les recettes en devises qui ont atteint 3 milliards de dinars.

Mais ce chiffre est à relativiser en ce sens que les contrats d’allotement sont libellés en dinars tunisiens et non en devises. Or la baisse de la cotation du dinar a été très sensible entre 2013 et 2014. Cela signifie que les prix sont en train de baisser.

L’image du tourisme tunisien sur les marchés européens émetteurs de touristes s’est dégradée de façon sensible depuis quatre ans et pour diverses raisons.

Tout d’abord l’instabilité politique et sociale ainsi que les troubles d’ordre sécuritaire qui ont fait classer notre pays comme une destination à haut risque alors que les zones touristiques sont sécurisées. À cela se sont ajoutés différentes grèves et sit-in qui ont perturbé le pays. Ensuite parce que les gouvernements successifs ont négligé de résoudre les problèmes de fond notamment le financement de l’hôtellerie et la mise à niveau du secteur, ce qui a pour effet que la promotion de l’image de la Tunisie à l’étranger reste nettement insuffisante.

Ensuite, la pollution prononcée de l’environnement à Djerba, à Monastir et dans les différents sites du tourisme saharien a porté un préjudice certain à l’hygiène et à la réputation du tourisme tunisien. Il faut dire qu’il y a eu aussi la détérioration de la qualité des services hôteliers, faute d’une formation professionnelle appropriée du personnel, d’une stabilité de l’emploi et d’un recyclage permanent. Il y a également une dégradation des infrastructures hôtelières faute de maintenance adéquate, de réinvestissement et de mise à niveau appropriée des unités hôtelières.

Deux zones touristiques sont pratiquement sinistrées depuis quatre ans : le tourisme saharien et la région de Tabarka-Aïn Draham. En effet, sur vingt-sept hôtels implantés dans la région de Tozeur et Kebili qui ont atteint la capacité d’hébergement de 4.000 lits, il n’y a plus que 1.400 lits répartis entre une dizaine d’hôtels.

Tous les autres ont fermé par manque de clientèle, suite à des difficultés financières ou sont en état de faillite potentielle. Il y a lieu de constater la défaillance du transport aérien, l’absence de communication extérieure et de promotion du tourisme saharien…

La gamme des produits touristiques ne fait que s’amoindrir depuis quatre ans : le tourisme saharien ainsi que le tourisme vert et écologique de Tabarka ont presque disparu, le tourisme de congrès est moribond et celui de croisière est en crise  tandis que le tourisme culturel n’est pas encore né.

Il ne reste plus que le mono produit balnéaire et la thalassothérapie.

Nous sommes très loin de l’objectif de diversification des produits touristiques et encore plus du tirage vers le haut de la qualité des produits touristiques.

Il est primordial d’instaurer avant tout une concertation étroite et un partenariat actif entre le ministère de tutelle et la profession, non seulement la FTH et la FTAV, mais aussi les restaurants touristiques, le transport aérien et les métiers de l’artisanat, sans oublier les institutions en charge de la protection de l’environnement.

Il est essentiel que tous les partenaires travaillent ensemble en faveur de la réussite d’un programme commun : la promotion du tourisme tunisien.

 

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