Tourisme et terrorisme : l’équation impossible

Le terrorisme sévit en Tunisie depuis plusieurs mois, il était au début confiné dans les zones montagneuses et forestières.
Mais depuis deux semaines, le phénomène s’est répandu dans deux villes et a éclaté dans deux zones touristiques. La menace plane dorénavant sur un secteur économique majeur qui a jusqu’ici résisté relativement à la crise. C’est pourquoi, nous avons demandé à Ahmed Smaoui, un expert confirmé en matière de tourisme, de délivrer à l’intention de nos lecteurs ses réflexions et analyses à propos de l’impact du terrorisme sur le tourisme tunisien ainsi que sur les mesures à prendre pour sauvegarder une ressource essentielle pour le pays qui fait vivre deux millions de Tunisiens.

Pouvons-nous tirer des enseignements de l’historique de l’impact du terrorisme sur le tourisme tunisien?
La violence politique à l’égard du tourisme ne date pas d’aujourd’hui. En effet, le secteur du tourisme a déjà connu deux incidents majeurs et relativement récents : l’attentat de Sousse en août 1987 et l’attentat contre la synagogue de la Ghriba à Djerba en avril 2002. Ces deux attentats ont eu des répercussions immédiates sur notre tourisme.
Il s’agit du rapatriement d’une bonne partie de la clientèle touristique résidente à l’époque dans nos hôtels ainsi que l’arrêt des réservations et des ventes de séjours touristiques relatifs à la Tunisie. Mais certaines conséquences encore plus graves relatives à l’avenir de la fréquentation touristique de la destination Tunisie persistent à ce jour.
C’est ainsi que le marché allemand qui a atteint à son apogée, 1 million de touristes par an, a été fortement secoué et à ce jour, la Tunisie n’a pu récupérer que la moitié de ce marché. Ce qui constitue un coup dur pour notre tourisme.
Il faut reconnaître cependant que ces deux incidents ont été circonscrits et considérés comme relevant d’actions isolées.

Pouvons-nous en dire autant pour les deux incidents terroristes qui viennent de se produire à Sousse et à Monastir ?   
Ce qui s’est produit récemment est beaucoup plus inquiétant de par la concomittance des deux actions et de par la nature des explosifs utilisés et c’est une véritable chance qu’il n’y ait pas, en dehors du kamikaze, des victimes ni parmi les touristes ni parmi le personnel de l’hôtel.
Il faut dire que le problème a bien été géré au niveau local, notamment à l’hôtel, car il n’y a pas eu de panique ni de réaction de masse.
En effet, les demandes de rapatriements ont été très limitées en dépit d’une large couverture médiatique par la presse française et anglaise.
Les répercussions de tout cela c’est un ralentissement, voir un arrêt des réservations touristiques sur la Tunisie.
Aujourd’hui, on assiste à une période d’attentisme qui impacte les résultats de la zone touristique de Sousse qui s’annonçaient bons pour l’arrière-saison et les fêtes de fin d’année.
Maintenant il y a lieu de constater que la communication officielle et celle des professionnels du tourisme a été quelque peu tardive et n’a pas toujours eu la crédibilité nécessaire pour rassurer les marchés émetteurs de touristes.
A moyen terme, il est difficile de faire des prévisions fiables et il faudra attendre quelques semaines pour mesurer l’impact de ces deux incidents avec précision.

Quelles sont les solutions à adopter et les mesures à prendre pour restaurer la confiance des touristes et relancer la destination Tunisie ?
En Tunisie, le tourisme est un secteur malade dont les maux sont connus depuis l’an 2000 : le diagnostic a été établi depuis l’an 2000. Il a été établi par les professionnels et l’administration et a été corroboré par trois études stratégiques au niveau international. Cependant, à ce jour aucune action énergique n’a été entreprise pour remettre le secteur sur de nouvelles bases à même de lui donner un second souffle. Or l’impact du terrorisme sur le tourisme a été aggravé par la situation du secteur et l’image de notre pays à l’étranger.
Des actes terroristes ont été enregistrés dans de nombreux pays : France, Italie, Espagne, plusieurs pays de l’ex-Yougoslavie, Maroc,… Ces incidents ont généré une baisse immédiate des flux touristiques qui ont été vite surmontés dès lors que l’opinion publique et par delà les prescripteurs de voyages et la presse ont rapporté l’action entreprise par ces pays et destinée à éradiquer le terrorisme.
Malheureusement aujourd’hui, le pays se présente comme un pays manquant de vision politique, en crise économique : les structures de l’État ont perdu de leur vigueur et de leur efficacité et par delà les affirmations solennelles, la volonté réelle de l’État d’éradiquer le terrorisme n’est pas évidente pour certains observateurs.
Il y a donc lieu de renforcer la communication, une communication crédible et soutenue par tous les milieux officiels et par tous les professionnels.
Les contrôles de sécurité dans toutes les zones touristiques et dans tous les hôtels nécessitent un renforcement mais la solution du problème du terrorisme réside dans la sortie de crise politique, économique et sociale que connaît le pays depuis le 15 janvier 2011.

Entretien conduit par
Ridha Lahmar   

 

 

 

 

 

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