Tout laissait présager que la Tunisie allait finalement remonter la pente en début de cette année 2015. Après les élections présidentielle et législatives, la stabilité politique allait certainement augurer une nouvelle dynamique touristique et un engouement vers un retour massif des ressortissants tunisiens à l’étranger. Mais un véritable coup fatal fut donné le 18 mars par l’attentat du Bardo ; le pire était à attendre ! Le spectre du terrorisme est bien présent et dans ce bastion de la haute culture et l’épicentre du tourisme tunisien fut frappé. Maintenant après le pèlerinage de la Ghriba qui était un succès éclatant, pourrons-nous prédire que la cadence du retour au pays va s’accélérer ?
Terrorisme et tourisme
On se plaisait jusque-là à ne voir dans le terrorisme que la menace directe qu’il pèse sur nos forces de l’ordre et son ciblage du processus politique en assassinant deux éminents leaders politiques feux : Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi. Or, et depuis l’attentat du Bardo survenu le 18 mars dernier, le pire est à craindre, c’est un pan de l’économie nationale qui est visé, qui est à la fois le tourisme représenté par toutes les nationalités étrangères mais et surtout nos nationaux qui attendent l’arrivée de l’été pour venir passer leurs vacances. Après le Bardo c’est une véritable inquiétude qui s’est emparée des amoureux de la Tunisie et de ses enfants expatriés. Faut-il risquer de sa vie pour venir passer les vacances d’été au « Bled » ?
En effet, cette inquiétude nous l’avons bien remarquée chez nos ressortissants en France surtout, où réside le plus grand nombre de Tunisiens (600.000 d’après les statistiques officielles). Dans les quartiers parisiens connus à Belleville, Couronnes et Barbès à forte densité de Tunisiens, aux cafés et restaurants gérés par des Tunisiens, on n’entend qu’une question centrale : tu vas rentrer en Tunisie ou pas cet été ? Il y a un double sentiment qui transparaît chez les Tunisiens de France, d’une part, la fierté d’appartenir au seul pays arabe qui a su engager un véritable processus démocratique dans les pays dudit « printemps arabe », et de l’autre, un sentiment de frustration de voir l’image du pays ternie par le terrorisme et qui menace à tout moment l’interruption de ce processus.
Certains Tunisiens que nous avons rencontrés montrent tout de même une certaine détermination à rentrer quoi qu’il arrive : ils ont trop d’attaches familiales et sont engagés dans une tradition longue de rentrer l’été. Cela est devenu quasiment un rite annuel. C’est le cas de Mokhtar Nouiri, commerçant dans le 5e arrondissement parisien, originaire de Zarzis qui voyage trois à quatre fois par an vers sa ville natale. « Depuis plus de dix ans je rentre au pays, te je ne renoncerai pas à rentrer cet été. Faut-il encore qu’on s’occupe de nous ici en France, car il n y’a à vrai dire aucune structure qui nous fasse connaître mieux la législation de notre pays et si nos responsables sont réellement à notre écoute pour faciliter nos vacances et celles de nos enfants ». Ce témoignage concorde avec plus de 50% de Tunisiens vivant à l’étranger, car le retour en Tunisie pour les vacances d’été est une constante.
Il y a aussi une catégorie de Tunisiens que leurs moyens financiers ne leurs permettent que de rentrer un an sur deux. Nombreux sont qui sont révoltés contre nos compagnies nationales aériennes et de navigation ; les prix des billets est exorbitants, au point de consacrer 3000 euros juste pour les frais de transport pour la famille, ce qui affecte lourdement le budget familial. On déplore néanmoins une véritable stratégie marketing qui ciblerait les catégories défavorisées en France, car on imagine ici que tous ceux qui vivent à l’étranger ont les moyens.
Pourquoi n’exerce-t-on pas la même stratégie marketing qui vise déjà les touristes étrangers et offrir aux Tunisiens résidents à l’étranger la possibilité de venir en vacances aussi ? Le tourisme massif doit à notre sens être dirigé en premier vers nos compatriotes.
Le Bardo va-t-il affecter le retour des Tunisiens au pays ?
C’est la grande question que posent nos compatriotes en France : quels sont les effets de cet événement « catastrophique » sur la sécurité nationale ? La plupart des Tunisiens interrogés avouent leur crainte que cet événement ne vienne obérer cette belle image qu’ils se font de la Tunisie et que eux aussi sont les meilleurs éléments de promotion de cette image. Nombreux d’entre-eux font du bouche à oreille et invitent des fois mais très souvent des amis français à les accompagner pendant les vacances d’été. C’est un tourisme peu connu mais il existe : tourisme familial d’accompagnement, et ce phénomène prend de plus en plus de l’ampleur.
Mais il est à remarquer par ailleurs l’extraordinaire élan de patriotisme et de solidarité que j’ai remarqué parmi les Tunisiens de France : « Non ! la Tunisie ne succombera pas au terrorisme, et si on ne rentre pas, cet état fera l’affaire des terroristes ». Cette phrase devenue leitmotiv « Nous n’annulerons pas nos vacances et cet été nous allons rentrer au pays ».
Il est fort probable, et on commence à avoir quelques indices qu’après le Bardo et l’élan de solidarité international qui a fait surface, les Tunisiens sont en train de confirmer qu’ils seront de retour cet été. La similitude avec l’attentat de Charlie Hebdo, survenu quasiment deux mois plutôt laisse entendre que nul pays ne peut prétendre être à l’abri du terrorisme.
Réussir le pari touristique de cette année 2015
La marche de solidarité du Bardo, Ong Jmel et le drapeau tunisien hissé dans le Guiness book, la réussite du pèlerinage de la Ghriba qui s’est terminé le 8 mai malgré les médisances et les critiques, ont fait beaucoup pour diminuer l’effet de l’attentat du Bardo. Les dernières réussites des forces de l’ordre et de l’armée nationale dans les opérations de ratissage dans les fiefs montagneux et à l’intérieur des villes ont redonné tout de même confiance dans les possibilités de venir à bout de ce phénomène terroriste. Notons aussi avec satisfaction l’acte hautement symbolique de la compagnie TUNISAIR de diminuer de 30% ses tarifs envers les Tunisiens résidents à l’étranger vont pousser –espérons-le- les hésitants à prendre la décision de rentrer cet été au pays. La rencontre engagée avec les agences de voyages algériennes et la rencontre de Tabarka va aussi accélérer un flux dont on peut remarquer ses prémices dès à présent des Algériens vers la Tunisie.
Le tourisme maghrébin, en ciblant le Maroc et en éliminant aussi les visas (à l’exemple de la Turquie) et ne se dirigeant aussi vers les pays d’Afrique doit être aussi la nouvelle alternative pour notre tourisme. Encore faut-il varier les produits et ne pas se contenter du tourisme balnéaire de courte durée et aller de l’avant à valoriser le tourisme culturel et de santé. La Tunisie ne peut-elle pas profiter de son patrimoine archéologique et historique et la compétence de sa médecine leader en Afrique, pour en faire le porte-drapeau d’un tourisme qui doit durer à longueur d’année.
Le Bardo : un mal en bien
Peu connu en dépit qu’il soit le deuxième musée d’Afrique, les visites quasi quotidiennes de hautes personnalités venant se recueillir sur les victimes dont une stèle a été érigée à l’entrée du musée, peut devenir un haut lieu symbolique de la Tunisie : combattre le terrorisme par la culture ! Telle est la nouvelle devise contre l’obscurantisme et la nouvelle image dont la Tunisie se doit de faire valoir. Organiser dans tout le pays et à longueur d’année des manifestations culturelles et sportives, valoriser et optimiser la culture nationale et celle des terroirs seront les meilleurs choix à entreprendre courageusement et au plus vite afin qu’une véritable dynamique s’instaure et qu’un changement qualitatif s’opère sur notre façon de vivre qui impacterait tout visiteur de la Tunisie.