Tourisme : La haute saison tiendra-t-elle ses promesses ?

Malgré les campagnes de communication et l’organisation d’évènements destinés à promouvoir l’image de notre pays sur les marchés émetteurs et bien que la haute saison soit largement entamée, les professionnels de l’hôtellerie et du tourisme n’affichent pas complet et affirment que les objectifs du ministère ne sont pas atteints.

DiagnosticAvec une recette annuelle en devises de l’ordre de 3,22 milliards de dinars, un emploi direct de 100.000 salariés et 300.000 emplois indirects, le tourisme contribue pour 7% au PIB et constitue une exportation sur place pour tous les produits alimentaires ainsi que les activités de services.

À ce titre, il a un effet d’entraînement puissant sur plusieurs autres secteurs de l’économie comme le bâtiment, l’artisanat, le transport et joue un rôle majeur dans la relance de la croissance économique.

Cependant ce secteur, qui était déjà en difficulté, connaît une crise grave depuis l’avènement de la Révolution du 14 janvier 2011 malgré les efforts des différents ministres pour le relancer.

Une image troublée par les aspects sécuritaires

Perçue à travers la presse écrite et les chaînes de télévision européennes, l’image de la Tunisie sur les marchés émetteurs de touristes est celle d’un pays où règne l’instabilité politique avec un changement de gouvernement tous les ans depuis quatre ans, un processus de transition politique qui se prolonge indéfiniment, des troubles sociaux, des grèves, des sit-in et des revendications salariales multiples ainsi que des actes terroristes ponctuels. Même si les zones touristiques ne sont pas touchées, tout cela fait que le touriste hésite à choisir notre pays pour passer ses vacances s’il peut aller ailleurs à moindre risque.

Environnement : une gestion déplorable

En dehors des hôtels, la clientèle touristique est choquée — autant que la population tunisienne du reste — par le triste spectacle né de l’accumulation des ordures ménagères le long des rues et sur les places publiques. Le long des routes, les déversements de gravats générés par les entreprises de bâtiment traduisent le degré d’incivisme du citoyen et polluent l’environnement. Il y a lieu de remarquer que le personnel des services d’entretien de plusieurs mairies a observé cette année des mouvements de grèves qui ont perturbé l’enlèvement quotidien des ordures ménagères, ce qui a provoqué la multiplication des insectes et détérioré la situation sanitaire.

Une agence officielle, après avoir fait analyser les eaux de mer, a publié une liste des plages polluées où la baignade est interdite. Plusieurs mairies n’ont pas procédé au nettoyage des plages avant l’été, ce qui est préjudiciable à l’attractivité touristique de notre pays et à sa réputation.

Le ministère du Tourisme a pris une heureuse initiative, celle d’accorder une subvention de 3 millions de dinars à 40 communes touristiques pour une campagne de nettoyage qui a duré un mois, du 20 avril au 20 mai 2014.

Mais cela demeure insuffisant, car la propreté est une affaire de tous les instants.

Dysfonctionnements dans les services publics 

Il y a lieu de se rendre à l’évidence pour constater que certaines infrastructures de base sont dépassées et saturées alors qu’elles jouent un rôle essentiel en matière de tourisme. Le meilleur exemple est celui de l’aéroport Tunis-Carthage, vitrine du pays pour le visiteur étranger et dont la capacité d’accueil est dépassée depuis quatre ans alors qu’il accueille 70% des touristes qui visitent notre pays.

Le principal goulot d’étranglement c’est la livraison des bagages. En effet l’aéroport ne dispose que de six tapis à bagages, largement usés. Or il faut 30 minutes pour transporter les bagages d’un avion, ce qui réduit la capacité d’accueil de l’aéroport à douze avions à l’heure.

Or pendant les périodes de pointe Tunis-Carthage reçoit jusqu’à vingt avions par heure et plus.

D’où des retards qui atteignent 1 h 30 pour la livraison des bagages. Inadmissible, par ailleurs, les chauffeurs de taxi habitués de l’aéroport “arnaquent” régulièrement les passagers et exigent pour les transporter des montants énormes hors compteur, ce qui constitue une escroquerie et un scandale.

Ni la mairie de Tunis ni le ministère du Transport ni les services de police n’ont pu venir à bout de ce problème épineux et lancinant depuis au moins dix ans.

Promotion de la qualité

Notre pays peut et doit se débarrasser progressivement de sa réputation de destination balnéaire bas de gamme et bon marché qui est préjudiciable au développement d’un tourisme de qualité.

Pour cela il faut que les hôteliers améliorent sensiblement la qualité de leurs prestations de service, notamment par la mise à niveau de leurs établissements d’une part et d’autre part par une formation professionnelle supérieure.

En effet, la stratégie de l’ONTT dite du 3+1 consiste à changer l’image du tourisme tunisien et à tirer la qualité vers le haut. En effet, sur 90 hôtels audités l’ONTT a constaté que 40 hôtels ne respectent pas les normes du secteur.

D’où la décision de déclasser plusieurs hôtels qui ont ainsi perdu au moins une étoile tandis que plusieurs agences de voyage ont été fermées après des infractions graves constatées. L’ONTT a décidé de focaliser les efforts promotionnels sur les régions qui recèlent une grande valeur patrimoniale et sont caractérisées par une originalité certaine.

Pour ce qui est du problème du surendettement bancaire des hôtels, le ministère entend recourir à la solution suivante, traiter au cas par cas 60% des hôtels qui ont besoin d’un soutien financier pour redresser leur situation avec rééchelonnement des dettes, 25% des hôtels fonctionnent correctement et jouissent d’une bonne situation financière, les 15% qui restent ont des difficultés graves et ont déjà fermé leurs portes.

Révision de la stratégie de communication

Le ministère du Tourisme a procédé récemment à une évaluation de sa stratégie de communication sur les différents marchés européens réalisée par une grande agence de communication à vocation internationale en fonction des résultats obtenus. C’est une première qui a abouti aux résultats suivants. La campagne a été fondée sur la diversification des produits sur tous les marchés alors qu’il faut une adaptation à chaque pays. L’image de la destination Tunisie est en perte de vitesse en Allemagne et en Grande-Bretagne. Sur ce dernier marché, notre pays est presque inconnu d’où l’urgence de le faire connaître.

En Allemagne et en France l’ONTT a confié une mission de reconnaissance à une agence de relations publiques.

Les doléances des professionnels

Les hôteliers déplorent une politique de communication abusive du ministère sans qu’il y ait des mesures concrètes pour relancer la fréquentation touristique du pays ni de valeur ajoutée des actions entreprises par l’ONTT de nature à atteindre les objectifs assignés. C’est ainsi qu’aucune solution n’a été apportée au problème lancinant et épineux de l’endettement bancaire lourd des hôtels.

À propos du taux d’occupation des hôtels au mois de juillet, il a été jugé médiocre, tandis que pour celui du mois d’août, mois pour lequel les réservations sont satisfaisantes, il y a un espoir de confirmation. L’arrière-saison demeure un point d’interrogation.

Toujours est-il que les prévisions de 7 millions de touristes pour 2014 ne seront pas réalisées et l’ONTT a réajusté l’objectif à 6,4 millions de touristes dont 50% sont constitués par les Algériens et les Libyens. La FTH affirme que c’est grâce à l’afflux des Algériens que ce chiffre sera atteint.

Marché français : image négative et déficit de confiance

Le marché français est le plus important pour le tourisme tunisien, il a atteint à son apogée avec 1,4 million de visiteurs, mais il a été frappé de plein fouet par la Révolution puisqu’il a perdu 50% de ses effectifs.

Le diagnostic réalisé par l’ONTT sur les causes de cette désaffection a abouti à la perception d’une image négative ainsi qu’un déficit de confiance aussi bien de la part des professionnels du voyage que de l’opinion publique vis-à-vis de la destination Tunisie.

Il faut dire que les médias français accordent une large place aux événements politiques, sécuritaires et aux mouvements sociaux qui se déroulent en Tunisie depuis quatre ans.

Ce qui impacte et frappe l’esprit des Français notamment, les candidats au voyage qui aspirent à un site serein pour leurs vacances et à un environnement sain et non pollué pour leurs excursions.

Il y a lieu de rappeler que l’arrière-saison, qui est souvent bien remplie en Tunisie, est constituée à 30% par les voyages incentifs : comités d’entreprises, voyages promotionnels… qui sont très sensibles aux restrictions sécuritaires définies par le Quai d’Orsay.

Nous devons également prendre en considération la programmation faite par les compagnies aériennes avant la saison sur la destination Tunisie qui comporte cette année une régression de 30%. Ce marché mérite un traitement structurel et un partenariat étroit avec les tours opérateurs, il ne dépassera pas en 2014 l’estimation de750.000 à 800.000 visiteurs.

Deux zones touristiques sinistrées

Malgré les promesses et les opérations médiatiques de la ministre du Tourisme, Amel Karboul, peu de mesures efficaces ont été mises en application depuis cinq mois pour relancer le tourisme saharien qui est en quelque sorte moribond à Tozeur, Nefta, Kebili et Douz. Certes, il y a eu plusieurs festivals au printemps qui ont rencontré un succès certain, mais qui restent éphémères et insuffisants pour donner corps à un produit original et riche et pour donner naissance à un tourisme durable, vivant et diversifié toute l’année.

Plusieurs hôtels sont restés fermés à Tozeur, provoquant chômage et récession chez les commerçants en artisanat et dans les services liés au tourisme.

Le manque de lignes aériennes régulières avec l’Europe constitue un handicap certain qui doit être comblé d’urgence pour relancer l’activité touristique.

Dans la zone de Tabarka-Aïn Draham la situation touristique est sinistrée les hôtels luxueux fermés, il n’y a aucune liaison aérienne internationale, chômage du personnel hôtelier persiste, l’artisanat est en crise, le port de plaisance reste inactif.

La région est plutôt délaissée par les grandes enseignes hôtelières et négligée par les principaux tours opérateurs alors qu’elle recèle tous les atouts et ingrédients naturels pour un tourisme prospère, y compris le patrimoine culturel, mais il semble que le seuil  de 10.000 lits est loin d’être atteint pour susciter un dynamisme touristique.

L’ONTT semble occulter le tourisme vert et le festival de Jazz est devenu l’ombre de lui-même. Il est nécessaire d’instaurer des lignes aériennes internationales régulières.  

Ridha Lahmar

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