Il est vrai qu’en général, on juge le rendement d’un nouveau ministre au bout de 100 jours. C’est à ce moment qu’on peut établir un premier « bilan ». Mais, dans le contexte actuel tunisien, 100 jours est-ce vraiment suffisant ? A priori non. Car, si la Tunisie a réussi sa transition politique, celle économique et sociale reste encore difficile. Ce constat s’applique bien au ministère du Tourisme, hautement exposé et dont les défis et problèmes auxquels il est confronté ne sont pas des moindres. Avec la nomination d’un nouveau ministre, qui ne maîtrise pas les problématiques profondes du secteur, et qui a eu un baptême de feu exceptionnel, 100 jours c’est très peu pour apprécier les fruits de son intervention, et encore moins de ses actions.
Le dernier sondage réalisé par Sigma Conseil, publié le 30 Avril 2015, donne un jugement peu satisfaisant à Salma Elloumi Rekik. Les chiffres relatifs à son rendement ne sont pas reluisants. En effet, 37,6% uniquement des interrogés estiment que son rendement est bon, alors que 60,0% le trouvent mauvais.
Même si Selma Elloumi Rekik, ministre du Tourisme dans le gouvernement Essid, débarque du secteur privé où elle était aux commandes d’une entreprise en dehors du secteur touristique, elle se retrouve propulsée dans un poste dont il est difficile de contrôler aisément toutes les ficelles. Son entrée en fonction ne fut pas de tout repos. Elle n’a pas eu le temps de respirer, que le secteur touristique, a été la cible d’un attentat terroriste sanglant. Le musée du Bardo a connu l’attentat le plus meurtrier en nombre de victimes civiles, le 18 mars 2015. Une crise que la ministre s’est retrouvée seule, ou presque à gérer, sans coordination gouvernementale, sans une communication de crise claire et pire encore, elle n’avait pas les mots justes pour rassurer et les Tunisiens et les touristes.
Sans compter qu’elle venait de limoger le directeur général de l’ONTT, Amel Djaïet, remplacée par Abdellatif Hamam. Sans vouloir douter des compétences du nouveau DG de l’ONTT, Abdellatif Hmam ne maîtrise pas non plus les rouages du secteur touristique et qui s’est trouvé dans l’obligation d’assurer l’intérim à la tête du CEPEX, chef de file de l’organisation de la participation de la Tunisie, à l’exposition universelle de Milan.
Dans ce contexte difficile, la ministre du Tourisme, Selma Elloumi Rekik, a, tant bien que mal, annoncé le 11 avril dernier ses priorités pour les 100 premiers jours. Un programme d’action et des mesures urgentes prises en faveur du tourisme tunisien, sans compter l’annonce d’un plan d’urgence « spécial » dans une tentative de sauvetage de la saison 2015. Il faut dire que l’attaque terroriste a, quelque peu, perturbé les premiers pas de la ministre dans un secteur dont elle ignore tout ou presque. Un secteur aux prises à des difficultés structurelles qui n’ont fait que s’intensifier au fil des années et que, quelle que soit sa bonne volonté, Salma Rekik, ne pourrait solutionner.
En dépit de cet handicap de départ, elle a montré une détermination pour mener à bien sa mission, via un programme comportant quatre grandes mesures.
Des indicateurs au rouge
Ce programme prévoit d’abord de renforcer la sécurité des établissements, des circuits et des zones touristiques avec notamment la garantie d’une sécurité exceptionnelle, pour la réussite du pèlerinage de la Ghriba à Djerba. Un pèlerinage qui, de l’avis de tous, a été une réussite sur le plan sécuritaire.
Sauver la saison 2015, constitue l’autre priorité principale. Aussi après l’attentat du Bardo, une grande campagne publicitaire a été lancée le 12 avril dernier, soutenue par des personnalités influentes dans chaque marché. Pour mesurer son impact, il faudrait attendre encore ses premiers résultats. En tout état de cause, les chiffres n’incitent pas beaucoup à l’optimise. En effet, les dernières statistiques, couvrant la période du 1er janvier au 10 avril, montrent des indicateurs qui ont viré au rouge, en net recul, en comparaison avec la même période de l’année écoulée. En témoigne, une baisse de 17,9% des entrées qu’on impute au recul des entrées de touristes européens, soit 18,1% de Français et – 11,5% d’Allemands.
La réalisation des mesures prioritaires, a averti la ministre, reste tributaire de l’amélioration de facteurs extérieurs, soit en premier lieu, la situation en Libye qui n’est pas sans impact sur notre pays, et sur le tourisme en particulier.
Résultat, la destination tunisienne reste classée zone rouge pour les touristes et elle est fortement déconseillée par les ambassades européennes, premier client de la destination Tunisie. A cet effet, en dépit de son importance, le facteur sécurité ne peut pas être maîtrisé en cent jours.
Par ailleurs, Selma Elloumi Rekik s’est fixée, cinq points prioritaires. Faciliter la création de gîtes ruraux et d’espaces d’animation touristique, à l’intérieur des terres agricoles sans procéder au changement de leur nature. Une mesure qui a l’ambition de régler l’éternel problème de la diversification du produit touristique, encore faut-il que le projet de loi soit présenté à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Au vu du nombre de projets de loi que l’Assemblée est appelée à examiner, cet objectif semble irréalisable dans l’immédiat.
Ensuite, il a été décidé d’accorder des facilités bancaires saisonnières aux professionnels du tourisme, à l’instar des secteurs de l’agriculture et de l’industrie, pour les inciter à entretenir leurs unités et améliorer, par là même, la qualité du service. Cette mesure, semble-t-il, est en cours de concrétisation. D’un autre côté, il est prévu que l’Etat supporte les charges patronales cumulées durant la période 1999 – 2008 des agences de voyage établies à Tozeur et à Kébili, au titre de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), et qui s’élèvent à 1,2 MD.
L’ensemble des priorités et des mesures urgentes décidées par la ministre du Tourisme connaissent un taux de réalisation différencié. Ce qui fait cruellement défaut, c’est la bonne coordination et le suivi des décisions.
Dans ces conditions, établir un bilan des 100 jours peut paraître une gageure, au regard de la particularité du contexte national et des graves séquelles de l’attentat du 18 mars 2015 qui demandent du temps et des moyens pour que leurs effets disparaissent