Par Rym Chelbi
Les voix qui appellent à la libération de la femme et à l’égalité ont connu leurs origines à la Renaissance , même avant. Jusqu’à nos jours , on perpétue que la femme a été toujours victime de discrimination , de violence , que l’on lui inculque dès son plus jeune âge l’altruisme , qui n’est pas mauvais , mais aussi la soumission , que l’on lui apprend de mettre ses ambitions et ce qu’elle veut en dernier lieu.
Le résultat c’est qu’elle accepte tout ce que l’on lui inflige lorsqu’elle se trouve dans le tumulte de la vie familiale , sociale et professionnelle. Tout ceci n’est pas totalement faux , mais toutes les femmes n’ont pas été éduquées et élevées de la même façon. Moi , je suis l’aînée de mes deux sœurs. Je n’ai pas de frères. À l’école primaire , les filles étaient les plus brillantes dans leurs études , les plus disciplinées et les plus propres si bien que je voyais que la gent masculine était inférieure à la gent féminine.
À cette « belle époque » , la femme était pour moi la forme suprême et raffinée de l’être humain. Les années s’écoulaient et je me rendais compte progressivement que ce que voyaient les autres était aux antipodes de ce que je voyais. C’était l’un des chocs les plus violents de ma vie se rapportant à ma vision du monde. Ce n’était pas facile au début , mais peu à peu , j’ai compris que le commun n’était pas nécessairement le juste. J’ai compris que la valeur de la personne n’était pas déterminée par son sexe… mais je suis toujours déçue.
C’est vrai que le statut de la femme a beaucoup évolué et qu’elle a acquis des droits qui étaient perçus comme une atteinte à la loi divine. La loi tunisienne punit la violence contre les femmes. La quasi-totalité des Tunisiennes dénoncent la violence à leur encontre. Pourtant , l’image de soi chez la femme tunisienne est très en retard par rapport aux droits que la constitution et la loi lui accordent. Les manifestations de cet énorme écart sont multiples.
Les filles les plus brillantes dans leurs études mettent encore le mariage en premier lieu. Je ne nie pas l’importance de celui-ci , mais la peur de ne pas se marier hante les filles. Ce n’est qu’un exemple qui illustre le fait que la femme n’a pas encore un regard centré sur elle-même comme c’est le cas pour son congénère masculin. La femme est la plus brillante dans les études primaires et secondaires voire universitaires , mais on voit encore des domaines où elle n’est que minoritaire bien que , théoriquement , elle puisse tout faire. Elle évite les longues études. En médecine , elle opte pour les spécialités les moins chronophages. Je n’ai aucun problème avec une femme qui décide d’arrêter ses études à moins qu’elle le fasse pour elle et non pas pour « le statut d’une bonne épouse et d’une bonne mère de famille ». Elle le sera vraiment quand elle aura développé sa propre personnalité et cessé de s’ajuster en fonction des normes et recommandations sociales. Je respecte le choix d’une femme qui renonce à sa carrière si elle voit que c’est mieux pour l’éducation de ses enfants , mais je ne comprends pas celle qui renonce à un choix qu’elle aime infiniment pour trouver un mari.
La femme a beau aller travailler , s’habiller comme elle le désire , sortir , faire la fête… mais ses choix doivent émaner de sa propre volonté et viser à vivre équilibrée. Il n’ y a pas longtemps qu’un ami m’a demandé de m’occuper plus de mon apparence physique car , pour lui , étant une femme je devrais mettre des intérêts autres que la médecine en premier lieu. Alors , j’ai souri en me rappelant d’une anecdote. Ma sœur cadette Esma avait 5 ans quand un jour mon père lui demanda à l’occasion de la Journée internationale de la femme en plaisantant : « Qui est le meilleur ? L’homme ou la femme ? ». Esma répondit innocemment et solonnellement : « La femme ».