C’est en tout cas ce qui semble être le cas en ce début de nouvelle année. Il faut reconnaître que la situation qui prévaut actuellement s’inscrit dans la continuité de l’année écoulée. Et tous les pays sont sur le qui-vive, craignant les répercussions de ce qui se passe ailleurs. Et la Tunisie n’est pas en reste.
En recevant le ministre de la Défense, à l’aube de cette nouvelle année (jeudi 2 janvier 2025), Kaïs Saïed évoquait pour la première fois la nécessité de renforcer les capacités opérationnelles de l’Armée nationale afin de garantir son efficacité à mieux répondre aux défis actuels et futurs. En abordant la question des capacités opérationnelles et celle des défis, actuels et futurs, il semble alerter sur de possibles perturbations à venir dans le domaine sécuritaire auxquelles il faut se préparer à temps, notamment en consolidant l’idéologie de l’Armée nationale consacrée à la défense du territoire national et à la lutte contre le terrorisme.
Dans ces deux missions, l’Armée nationale a porté haut l’étendard national et défendu vaillamment la nation et le peuple tunisiens. Mais, les événements récents au Moyen-Orient, qui ne sont pas si loin que cela de notre région, dont les secousses se feront encore sentir pendant longtemps, exigent une plus grande vigilance et une plus grande aptitude à répondre avec efficacité aux agressions et au mieux, à les prévoir et à les contrer. La bataille de Ben Guerdane (7-10 mars 2016) est un exemple de la capacité des forces spéciales tunisiennes à faire face aux terroristes de Daech, mais les perturbations géopolitiques mondiales actuelles ont brouillé toutes les cartes, suscité de nouvelles craintes et imposé aux pays du monde entier de nouvelles dispositions en matière de questions internationales.
De fait. Les guerres sanguinaires qui déstabilisent l’Europe et le Moyen-Orient, et par ricochet le monde entier, refont les beaux jours de l’industrie de l’armement et placent les armées conventionnelles et leurs capacités militaires au centre des préoccupations stratégiques mondiales.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, une dynamique basée sur la logique des clans et sur l’exacerbation des rivalités entre les plus grandes puissances de l’Ouest et de l’Est, portée à son paroxysme après l’attaque du 7 octobre dans les territoires occupés, la course à l’armement a repris de plus belle. Dans les vieilles et grandes puissances militaires, surtout celles engagées dans les guerres sus-citées, les usines de fabrication tournent à plein régime, rivalisant en innovations technologiques (intelligence artificielle, cyberdéfense) et en capacités meurtrières et destructrices. Et les carnets des commandes bien chargés. Dans les pays traditionnellement démilitarisés ou pacifiques, par choix (Europe du Nord) ou suite à des sanctions (Allemagne), la donne a changé et un coup d’accélérateur a été donné à la production militaire, qui absorbe désormais une grande partie des budgets des Etats européens. Les pays du Sud ne sont pas en reste. Outre la menace terroriste, celle de la guerre est aussi présente dans les pays arabes du Moyen-Orient, notamment après la prise du pouvoir à Damas et les récents affrontements armés aux frontières avec le Liban. Présentes aussi dans la région du Maghreb à cause des tensions de plus en plus incendiaires entre les deux voisins de l’Ouest, les menaces se gèrent via une course aux armements.
Dès lors que les plus puissants sont sur le pied de guerre – Etats-Unis et Chine à propos de Taïwan, l’autre probable guerre – tous les pays du monde se sentent menacés par la guerre et la course est lancée pour l’acquisition des équipements les plus sophistiqués, avions de combats, missiles et autres drones, qui se sont révélés particulièrement meurtriers en Ukraine et à Gaza, ou pour la construction d’usines intramuros.
Des rapprochements, des alliances se forment et d’autres se défont. Qu’en est-il de nous ? Pour lever le degré d’aptitude de l’Armée nationale, l’Etat a besoin de financements, beaucoup de financements et de nouvelles expertises. Il lui incombe de renforcer et de multiplier ses accords de coopération militaire avec ses traditionnels partenaires et pourquoi pas élargir son champ de coopération avec les pays qui sont prêts à apporter leur contribution. Par ailleurs, le nouvel ordre mondial se basant sur la formation des blocs régionaux, il importe que les trois voisins maghrébins, Algérie-Tunisie-Libye, s’activent à doter leur projet d’alliance tripartite des moyens, des stratégies, des plans et de la vison politique qui permettront son véritable lancement et son immunité face à toute tentative de déstabilisation, intérieure ou extérieure.
Il est clair qu’il faut prendre avec beaucoup de sérieux les tentatives d’ingérence et même de déstabilisation dans les affaires intérieures des trois pays, parfois par le truchement des services d’intelligence étrangers s’activant sous couverture diplomatique.
Le volet sécuritaire et militaire doit être donc un pilier de cette nouvelle alliance aux côtés des besoins urgents de développement économique et social de cette partie d’Afrique du Nord qui fait face à des défis majeurs sociaux, climatiques, sécuritaires et migratoires.
A défaut de pouvoir bâtir un Maghreb uni plus large et plus stable, une alliance maghrébine même à trois est en mesure de contribuer à l’apaisement des différends qui peuvent surgir et à la stabilisation de la région d’autant qu’à l’annonce de sa création, le président algérien a tenu à préciser que cette alliance « n’est contre aucun pays », entendre par là le Maroc qui, lui, a choisi de s’allier totalement avec l’entité sioniste sans tenir compte du danger qu’il fait courir à la région et en particulier à ses voisins opposés à la normalisation avec Israël.
L’appel à l’unité nationale, lancé aux Tunisiens, n’est pas, lui non plus, arbitraire. Il vient à un moment d’intenses inquiétudes à l’échelle régionale et mondiale et dans des circonstances particulièrement imprévisibles auxquelles les Tunisiens doivent être très attentifs et vigilants.
Citations