En septembre 2022, les autorités albanaises ont intercepté un pétrolier, le Queen Majeda, battant pavillon tanzanien. Sa cargaison ? Du gazole marin d’une valeur de 2 millions de dollars, en provenance du port libyen de Benghazi. Un coup de filet spectaculaire qui met en lumière un trafic de carburant libyen à grande échelle, estimé à 5 milliards de dollars par an.
K. Oanh Ha, journaliste économique à l’agence américaine Bloomberg, a mené l’enquête. Elle a découvert que le Queen Majeda n’était que la partie émergée de l’iceberg. Selon le chef du bureau d’audit libyen, jusqu’à 40% du carburant importé en Libye en 2022 dans le cadre d’un programme de subventions a été écoulé illégalement.
En suivant les données d’expédition, Ha a révélé une route étonnante : le carburant, en grande partie d’origine russe, arrive en Libye où il est détourné vers l’Europe, contournant ainsi les sanctions imposées à Moscou.
Un système subventionné qui encourage la contrebande
La Libye, riche en pétrole, subventionne massivement le carburant pour ses citoyens. Cette politique, bien que destinée à soulager le pouvoir d’achat, crée un contexte propice à la contrebande. Le prix du carburant subventionné est en effet beaucoup plus bas que sur le marché international, incitant à l’exportation illégale.
Le trafic de carburant libyen implique de nombreux acteurs, des trafiquants locaux aux réseaux criminels internationaux. Le carburant est acheminé par divers moyens, y compris par des camions, des navires et même des pipelines clandestins.
Un impact économique et sécuritaire majeur
Ce trafic prive l’État libyen de précieuses recettes fiscales et aggrave la pénurie de carburant dans le pays. De plus, il alimente la corruption et le crime organisé, et peut même contribuer à financer des groupes terroristes. Les autorités libyennes s’efforcent de lutter contre ce trafic, mais la tâche est ardue. La situation politique instable en Libye et la porosité des frontières rendent la surveillance difficile. La communauté internationale s’est également engagée à lutter contre le trafic de carburant libyen. L’Union européenne a notamment mis en place une mission navale, EUNAVFOR MED IRINI, pour surveiller les côtes libyennes.