Transition économique : Quand la crise politique plombe toute marche en avant

 De nombreux hommes politiques, experts et économistes tunisiens, disent qu’il est temps de s’occuper de la transition économique sous l’hypothèse implicite que la transition politique est déjà très bien avancée. Certes, la Tunisie a réalisé des avancées en matière de transition vers une démocratie moderne, mais cette transition n’est pas encore achevée et nécessite davantage de concertation. Cependant, c’est le succès de la transition politique qui conditionne aujourd’hui la réussite de la transition économique. A l’évidence, le politique et l’économique suivent le même rythme, sauf si on change de paradigme vers plus de régulation et moins de planification.
En effet, et malgré tout ce que l’on peut dire et lire sur l’économie, le politique n’est pas près de perdre son rôle majeur. Mais si la politique économique veut rester efficace dans ce monde qui a totalement changé depuis Keynes, elle doit reconsidérer ses méthodes d’intervention. Il faut abandonner l’espoir d’un pilotage quasi-mécanique et donner la priorité à l’idée de régulation d’un système complexe, incertain et non totalement maîtrisable. Il faut s’adapter aux mutations profondes qui ont marqué les dernières années : interdépendance mondiale, développement (donc instabilité) des marchés, rythme rapide d’innovations.
La régulation économique, c’est avant tout la gestion des incertitudes, dans un monde de pluralité d’acteurs et de leviers d’intervention. La matière première du politique est l’information et son influence par le jeu des anticipations des consommateurs et des investisseurs. Il faut accepter de renoncer aux « certitudes heureuses de l’ingénieur » pour appliquer une sorte de « principe de précaution économique », qui consiste à concentrer l’effort du politique là où le besoin est manifeste et l’utilité de l’action évidente. Il faut savoir accepter d’en faire moins, voire rien du tout, là où on pense que les effets sont mineurs ou même simplement contre-productifs à terme par les réactions qu’elles sont susceptibles de provoquer.
Le véritable horizon de la politique publique est le long terme et sa priorité est de rendre les structures économiques plus efficaces. Dans un monde dominé par le court-termisme, les États doivent être les gardiens du long terme. Aux premiers rangs des préoccupations des pouvoirs publics, figurent l’amélioration du fonctionnement du marché (degré de concurrence), la nécessaire réforme de l’État, de la santé et des retraites, le niveau des prélèvements obligatoires et la compétitivité des entreprises.
A ce titre, la politique économique ne serait pas adaptée si on mettait l’accent sur le conjoncturel par des mesures de relance économique. La politique se tromperait si elle voulait brusquer la réduction des déficits publics car celle-ci ne pourrait se faire que par des augmentations de prélèvements ou par des coupes budgétaires, ce qui reporterait le rebond à plus tard. C’est par la poursuite des réformes structurelles et par la confirmation d’une stratégie de baisse continue de la pression fiscale que passera une reprise durable. Une croissance durablement forte ne serait pas une croissance homothétique ; elle impliquerait une ré-allocation permanente des facteurs de production (notamment de la main-d’œuvre) et un développement continu de ses qualités.
La mise en œuvre d’une priorité à la croissance revient pour l’essentiel à lever les obstacles créés par la réglementation et les incitations non productives. Or, le système économique tunisien favorise l’assistanat au détriment de l’encouragement de l’initiative personnelle et de l’innovation.
Au final, le pays fait face à un problème d’efficacité globale. Le politique et l’économique doivent se croiser mutuellement pour tracer une route commune. La réussite de l’un dépend du succès de l’autre et nous avons largement constaté dans l’histoire qu’il y a rarement de réussite démocratique dans une économie en déclin.

Mohamed Ben Naceur

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