Transition énergétique: Lenteurs et complexités bureaucratiques

La transition économique, notamment sa composante énergétique, s’avère longue, difficile et fragile car chahutée par des perturbations sociales, mais aussi troublée par les incertitudes et les hésitations de gouvernements instables et peu audacieux, soumis aux desiderata versatiles des principaux partis politiques pourtant engagés pour les soutenir.
Le poids de l’énergie dans les comptes extérieurs de la nation, le budget de l’Etat et les dépenses des ménages, deviennent très lourds et insupportables pour toute une série de raisons.
L’inflation du prix du baril de brut sur le marché mondial, le décrochage accéléré du dinar, l’épuisement des ressources nationales en énergie fossile, les perturbations socio-politiques qui ont gelé les pompages de gaz et de pétrole à El Kamour, El Faouar et chez Pétrofac et la consommation croissante d’électricité, font que l’Etat n’arrive plus à maîtriser la facture énergétique.
En effet, nous ne produisons que 45% de l’énergie que nous consommons et importons 55% de nos besoins en devises, ce qui fait que notre balance énergétique est en déficit structurel croissant.
Or, notre production est en baisse croissante pour deux séries de raisons : l’épuisement naturel des gisements historiques mais aussi la détérioration du climat de l’investissement dans le secteur et la multiplication des troubles sociaux qui ont perturbé et par moments gelé l’exploitation.
Le gouvernement affaibli par les turbulences et les tiraillements des principaux partis politiques, n’arrive pas à sécuriser et à garantir l’exploitation normale des maigres gisements de pétrole et de gaz que nous avons avec la multiplicité des perturbations socio-politiques et la fermeture des vannes de pétrole et de gaz durant plusieurs mois à El Kamour et El Faouar, sans oublier les blocages de livraison de Pérofac à Kerkennah qui ont engendré des pertes s’élèvent à plusieurs milliards de dinars.
Dès lors, la facture énergétique s’alourdit de façon inquiétante au niveau de la balance énergétique extérieure et sur le budget de l’Etat.
En effet, pour l’élaboration du budget 2018, c’est l’hypothèse de prix du baril à 54 dollars, qui a été retenue, alors qu’il est déjà à 65 dollars. Or, chaque augmentation de prix implique une dépense supplémentaire de 120 MD au moins.
En outre, le taux de change du dinar avec le dollar adopté, est appelé à s’aggraver avec la baisse chronique de notre monnaie nationale, ce qui fait que toute baisse de 10 millimes du dinar engendre des pertes de 30 MD au moins.
Au niveau des ajustements de prix des hydrocarbures et de celui du réajustement conséquent des prix du gaz et de l’électricité, 780 MD sont à mobiliser au niveau des tarifs de vente au public.
On se rappelle qu’en 2010, notre pays produisait 75.000 barils de pétrole par jour, alors qu’il n’arrive pas à dépasser les 40.000 aujourd’hui, lorsque les perturbations socio-politiques « décident de faire une courte pause dans le sud ».
Il y a là une véritable problématique, celle de relancer l’exploitation et l’investissement. Or, ce n’est que depuis quelques mois que la promotion des énergies renouvelables commence à prendre corps et à revêtir la forme de projets et de dossiers.
Il a fallu sept années après le 14/1/2011 pour que la direction générale de l’énergie élabore le code des énergies renouvelables qui a fait l’objet de palabres durant plusieurs semaines avant d’être adopté par l’ARP.
Puis, il a fallu plusieurs mois sinon un an, pour que les décrets d’application soient signés et publiés.
Durant tout ce temps là, les entreprises tunisiennes et étrangères candidates à l’investissement dans le secteur n’ont fait que ronger leur frein et patienter.
La STEG a décidé de lancer les travaux de construction d’une centrale photovoltaïque à Tozeur. On ne sait pas encore quand elle entrera en production car cela dépend du climat social qui règne dans la région qui n’est jamais à l’abri des perturbations socio-politiques.
Il est prévu de lancer en 2018 les concessions de production d’énergie solaire pour le compte de la STEG, notamment une centrale solaire de 200 MW extensible à 380 MW en 2020. Un autre projet est prévu à Kébili : 80 MW.
En fait, plusieurs problématiques restent à résoudre : le financement, la gouvernance, l’adaptation de la réglementation, mais aussi les aspects techniques, ainsi que l’injection de l’énergie produite dans les réseaux.
Les investisseurs extérieurs déplorent les lenteurs et les complexités administratives, ainsi que la rigidité des législations et des réglementations. C’est ainsi que l’appel d’offres, lancé par le ministère de l’Energie et des mines pour la réalisation de projets soumis à autorisation, a comme dernier délai de remise des plis, le 15 novembre 2017 avec 69 offres reçues. Mais, le dépouillement ne sera pas achevé avant le 15 mars 2018. Vous imaginez le coût de cette longue attente pour les entreprises, quatre mois pour déclarer les résultats d’un appel d’offres sans compter les négociations ultérieures, les formalités administratives, les cautions financières, les conditions comme l’accord de la commission supérieure des marchés publics, avant d’entamer le chantier pour les entreprises adjudicataires.
Le chemin est long et parsemé d’embûches. Et aux lourdeurs et complexités administratives il faut ajouter les tergiversations et surenchères politiques. Entre temps les investisseurs tunisiens et étrangers se rongent les ongles.
A ce rythme, l’énergie solaire n’illuminer nos foyers que dans dix ans, peut-être.

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