Transport dans le Grand Tunis: Le naufrage programmé des sociétés privées concessionnaires

Le magazine Réalités a publié dans son N°1756 du 23 août un dossier accablant de cinq pages portant sur la grave crise qui affecte le secteur des sociétés privées concessionnaires de transport des passagers dans le Grand Tunis.
Ce dossier comprend un article d’investigation portant sur la dégradation de la situation économique des cinq sociétés en l’objet qui risquent la faillite faute de mesures de sauvetage efficaces à prendre par les pouvoirs publics ainsi que les causes réelles qui sont à l’origine de cet état des lieux déplorable.
Cet article est illustré par une interview de Mohsen Fradi, vice-président du syndicat des sociétés concessionnaires de transport des personnes dans laquelle il dénonce avec précision le comportement de l’administration : refus de dialogue, multiplicité des contraintes, rigidité des conditions. Vous trouvez ci-dessous une synthèse.

Aspects multiples d’une crise profonde
Les cinq sociétés concessionnaires ont investi massivement, plus de 70 millions de dinars dans la constitution d’un parc de 300 bus de différentes capacités et respectant les conventions signées avec l’administration.
Elles respectent les fréquences et les horaires, elles offrent des prestations de service correctes, à un prix raisonnable. Mais le processus des concessions a été bloqué dès 2006, il a porté sur 5% du marché seulement soit 30 millions de passagers par an : 33 lignes sur 230 dans le Grand Tunis. De 2006 à 2018 les cinq sociétés ont fait doubler le marché passé à 60 millions de voyageurs par an sans bénéficier d’aucune mesure d’incitation ni financière (coût du crédit du carburant ou subvention d’investissement) ni fiscale à l’instar d’autres secteurs d’activités comme l’agriculture et l’industrie.
Les cinq sociétés ont créé 1500 emplois soit 5 emplois par bus.
Depuis 2011 il y a eu une dégradation systématique des paramètres de rentabilité de ces entreprises : le nombre de bus est passé de 300 à 140, et on commence à licencier le personnel, les bus vieillissent et la maintenance bat de l’aile. Les responsables invoquent la flambée des coûts d’exploitation non compensée par l’évolution des tarifs : le carburant est passé de 0,450 D à 1,500 D le litre, le prix d’achat des bus est passé de 158.000 D à 420.000 D.
Les salaires du personnel ainsi que le prix des pièces de rechange, pneus et autres consommables ont connu des hausses vertigineuses avec la décote du taux de change du dinar.
Tandis que l’administration refuse de redimensionner la configuration des dessertes susceptible d’améliorer la rentabilité de l’exploitation alors que la demande existe et que l’urbanisation progresse.
En outre les concessions sont accordées durant dix ans renouvelable une fois, au delà c’est l’incertitude or les investissements consentis : dépôts, ateliers ne sont pas amortis entre temps.

Lorsque les bus locaux coûtent plus cher que ceux importés
L’Etat cherche à imposer l’acquisition de nouveaux bus auprès des industriels locaux du montage or les prix des bus locaux sont 20% supérieurs aux bus importés : norme Euros 1 et 2 alors que la technologie des motorisations ne respecte pas les normes environnementales : normes Euro.
Par ailleurs l’administration interdit l’importation de bus usagés bien qu’ils sont en bon état de marche avec des prix très abordables comme cela a été le cas pour la TRANSTU.
L’administration n’a pas de stratégie de transport en commun efficace à long terme d’où l’improvisation avec la création d’un nouveau mode de transport les taxis collectifs (1800 licences attribuées) qui concurrencent les bus de façon déloyale et bénéficient de divers encouragements sans payer le fisc.

Les solutions existent mais les pouvoirs publics refusent le dialogue
Les responsables de cinq sociétés concessionnaires affirment que le potentiel de développement du secteur est important : 500 bus sur 2 à 3 ans.
De suite il faudrait acquérir 150 bus soit la création de 750 emplois. Mais certaines conditions sont nécessaires : revoir la durée de validité des concessions, permettre l’importation de bus sur appels d’offres, redessiner le profil des dessertes, entreprendre une étude indépendante portant sur les coûts d’exploitation pour réviser les tarifs et prévoir des incitations. L’administration doit favoriser le dialogue et la négociation et promouvoir sa capacité d’écoute dans l’intérêt des citoyens.
Il importe de sauvegarder un partenariat stratégique et responsable public-privé.

 Ridha Lahmar

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