Travail des enfants en Tunisie : Exploités et malmenés 

Un enfant de 13 ans est mort électrocuté dans un chantier où il travaillait. Quel drame ! A cet âge, il aurait dû être en classe ou courir dans la cour de l’école avec les enfants de son âge. Mais la vie, la misère ou quelle que soit la raison, lui a réservé un autre sort. Cet enfant pratiquait un travail dangereux. Communément, tout  travail dangereux d’un enfant est caractérisé « par des  tâches effectuées pendant de longues heures dans un milieu malsain, dans des lieux dangereux et nécessitant l’utilisation d’outils et de matériaux dangereux ou obligeant l’enfant à porter des objets trop lourds ». En Tunisie, le travail dangereux est interdit pour les enfants de moins de 18 ans.
En attendant de voir les tenants et aboutissants de cette affaire, savons-nous plus sur la situation des enfants travailleurs en Tunisie ?
En tout cas, pas jusqu’à 2017, quand  l’Institut national de la statistique (INS) et l’Organisation internationale du travail (OIT), ont publié  la première enquête faite sur le travail des enfants en Tunisie.
Selon l’INS, « l’analyse approfondie de la problématique du travail des enfants et de sa prévalence en Tunisie, ainsi que l’identification du profil des enfants en situation de travail, nécessitent la disponibilité d’un certain nombre d’informations quantitatives et qualitatives selon différentes dimensions. Or, jusqu’à ce jour, la production statistique nationale dans ce domaine accuse un retard important et la connaissance de l’ampleur de la question du travail des enfants demeure incomplète ».

Inégalité régionale et problématique du genre
Cette première enquête révèle que 7,9% du nombre total des enfants résidant en Tunisie, sont impliqués dans le travail des enfants dont 6,0% dans un travail dangereux.
Ainsi, selon les résultats de l’enquête, lorsqu’un enfant travaille, il a 83,4 % de chances d’être victime d’un accident de travail.
Plus en détail, près de 7 enfants (dits économiquement occupés)  sur 10, sont des aides familiaux (tâches ménagères, courses, préparation de repas…) sans aucune rémunération.  Internationalement, « le travail des enfants fait référence à tout travail ou activité qui les prive de leur enfance. Il s’agit d’activités qui portent préjudice à la santé physique et mentale des enfants et qui entravent leur bon développement ».
L’enquête explique qu’un enfant économiquement occupé veut dire « un enfant engagé dans des activités économiques rémunérées ou non, d’une manière permanente ou temporaire, pour au moins une heure pendant la semaine de référence de l’enquête ». Selon  l’enquête, quel que soit l’âge, le travail familial non rémunéré occupe la majeure partie des enfants économiquement occupés. En plus, la proportion de ces enfants engagés dans un travail familial appartient à la tranche d’âge de 5 à12 ans avec 83,7%. Et d’ajouter que plus de 6 enfants sur dix sont impliqués dans des professions élémentaires (qui ne nécessitent pas de niveau de compétence élevé). Le reste de ces enfants font partie du personnel des services directs aux particuliers, et sont des commerçants et vendeurs ou travaillant dans l’artisanat.
Selon cette enquête nationale du travail des enfants, la population tunisienne est évaluée à 11.401.000 personnes dont 19,9% sont des enfants âgés de 5 à 17 ans. Les enfants économiquement occupés représentent 9,5%, soit 215.700 enfants. Un pourcentage inférieur à la moyenne mondiale qui se situe à 13,8% en 2016. Les filles représentent près de 40% du total des enfants économiquement occupés. La disparité régionale concerne également cette catégorie de population. En effet, l’enquête constate qu’il existe plus d’enfants économiquement occupés au Sud-Ouest avec 29,8%, contre 2,4% au Centre-Ouest. D’ailleurs, l’enfant mort électrocuté est originaire de la ville d’El  Ksar du gouvernorat de Gafsa. Cela s’explique, selon l’enquête, par le fait que ces régions du Sud-Ouest ont des pourcentages de population  plus élevés que les régions de l’Ouest du pays, dépassant les 65%.
Les filles sont plus impliquées dans les tâches ménagères que les garçons avec 53,5% contre 40%. L’enquête conclut que « les filles sont considérablement plus engagées dans des tâches ménagères que les garçons. Le temps moyen consacré par les enfants aux tâches ménagères est de 5,7 heures par semaine. Les filles passent en moyenne 6,4 heures par semaine, 1,5 heure de plus que les garçons, et « le modèle social traditionnel pèse encore sur l’engagement des filles dans des travaux ménagers» En rapport avec l’abandon scolaire, l’enquête avance que sur les 2.084.600 enfants âgés de 6 à 17 ans en Tunisie, 93,7 % fréquentent l’école. Les filles sont plus scolarisées que les garçons à 94,5% contre 92,9%. Le nombre d’enfants fréquentant l’école décroît avec l’âge, car les enfants quittent progressivement l’école. Les garçons sont plus amenés à la quitter que les filles.  Par ailleurs, le taux de scolarisation des filles engagées dans les tâches ménagères est de 92,8 %, alors que le taux chez celles qui n’accomplissent aucune tâche est de 96,8 %, soit 4 points d’écart. Le reste des enfants économiquement occupés, travaillent dans l’agriculture, l’élevage, la forêt et la pêche, le commerce et l’industrie manufacturière. Par ailleurs, les enfants exerçant un travail dangereux représentent 6,0% du total des enfants âgés de 5 à 17 ans. Les garçons sont les plus engagés dans des travaux dangereux  avec un écart de 2,9 points par rapport aux filles.
L’Institut national de la statistique (INS), a réalisé l’enquête nationale sur le travail des enfants, durant le deuxième trimestre de l’année 2017, en collaboration avec le ministère des Affaires sociales et avec l’appui du Bureau international du travail (BIT). Une première en son genre en Tunisie. 
Selon l’Institut, « elle couvre un échantillon de 12.720 ménages, soit 9.400 enfants âgés de 5 à 17 ans. Cette enquête permet d’avoir des désagrégations par sexe, par milieu de résidence, par âge, et avec une représentativité au niveau des grandes régions. Et ce, en vue d’identifier les types d’interventions appropriées » Cette enquête nationale sur le travail des enfants en Tunisie se veut  mettre  « en évidence l’ampleur et les différentes formes de travail des enfants âgés de 5 à 17 ans. Elle souligne l’interférence des caractéristiques sociales et géographiques dans la répartition sectorielle des activités accomplies par les enfants ». Cela étant dit, l’enquête a omis de mentionner  les raisons du travail des enfants  et si ces enfants étaient contraints de travailler.

Source : Enquête nationale sur le travail des enfants en Tunisie, 2017

 

Engagement législatif
La Tunisie s’est engagée à lutter contre le travail des enfants en ratifiant les conventions internationales suivantes : la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant en 1992, la Convention de l’OIT n°138 sur l’âge minimum d’accès à l’emploi en 1995, et la Convention de l’OIT n°182 sur les pires formes de travail des enfants, en 2000. Dans le cadre de ces engagements, la Tunisie a établi un cadre législatif et institutionnel pour la protection des enfants à travers la réforme du Code du Travail, l’élaboration d’un Code pour la protection de l’enfance, la loi sur l’éducation obligatoire et la législation en matière de promotion sociale. Cet engagement national a été réitéré dans la nouvelle Constitution de janvier 2014 qui stipule dans son article 47 que «le droit à la dignité, à la santé, aux soins, à l’éducation et à l’enseignement, est garanti à l’enfant vis-à-vis de ses parents et de l’État. L’Etat doit garantir toute forme de protection à tous les enfants sans discrimination et en fonction de leur intérêt supérieur».

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