Trois propos sur le complot

Pour les nahdhaouis et leur avocat, le complot n’existe pas. Préfabriqué de toutes pièces, il permet au Carthaginois de fourvoyer l’opinion publique pour la détourner de son échec politique, unique responsable de la crise économique. Au look plus subtil, en termes de roublardise, mais tout aussi fragile au plan de l’investigation et l’analyse, un second point de vue inonde la chronique médiatique.
D’après les deux Chebbi, Taboubi et Hammami, l’artisan du coup d’État inventa le complot tramé contre la sécurité nationale dans la mesure où cet accapareur des trois pouvoirs prend son individualité pour l’unique légitimité.
Cependant, l’énonciation de semblable accusation implique une présupposition. Car, dans la mesure où l’usurpateur à dégager occupe le sommet de l’autorité, le combat dirigé contre lui focalise le tir sur la pièce maîtresse de la rubrique étatique. Dans ces conditions, il n’est plus question de complot manquant.
Par « la force des choses », dirait Simone de Beauvoir, l’argumentaire déployé par les nahdhaouis et leurs laquais revient contre eux, tel un aveu.
Ils attestent le complot, bel et bien avéré, à l’instant même où ils tâchent de le nier. Vu le statut actuel du Carthaginois, le complot dirigé contre lui donne à voir un complot tramé contre l’État. Les adversaires de l’élu par les urnes reproduisent, mille et une fois, l’appel à le chasser du lieu où il est. Hamma Hammami crie cela, haut et fort, sur tous les toits. Or « les choses sont dites pour être faites et quand dire, c’est faire ». Je viens de citer Bourdieu et l’ouvrage de K. Polanyi. Le décodage du message émis par les comploteurs présumés déniche le marqueur du complot ainsi attesté.
Car il serait injurieux de ne pas prendre au sérieux les mots dits par nos amis surpris sur la piste proclamée putchiste. Venons-en maintenant, à la troisième prise de position. Elle a trait à l’attente plus ou moins patiente. Sa forme englobe tous les Tunisiens, mais son contenu admet des modifications appropriées à tel ou tel camp. Pour les revanchards où figurent des fuyards, l’attente contient l’espoir de voir la justice infliger un démenti aux allégations du Carthaginois, leur principal ennemi. Pour les partisans de celui-ci, l’attente aboutira, sans aucun doute, au verdict conforme aux chefs d’accusation à tort contestés par les enturbannés. L’attente représente un phénomène social invariant et primordial. Indépendant, à la fois, de l’espace et du temps, il tient compagnie  à l’humaine condition. Le grand timonier attendait, sans vaciller, l’indépendance, à l’instant même où il arrachait l’aubaine de l’autonomie interne. Les ronds-de-cuir, durs à cuire, attendent l’heure de quitter le bureau pour aller mieux roupiller.
A chaque instant, Ghannouchi attend le moment suivant où le convoquera le juge d’instruction. Pour échapper au perpétuel vide existentiel, Abassi attend le prêt du FMI.
Prétentieux, Taboubi attend l’acclamation de son plan sauveteur de la nation et Hammami attend le grand soir pour savourer sa gloire après un si long déboire.
Tajri arriya7ou bima la tachtahi assoufounou.
A l’heure de la poudrière ukrainienne et de la surchauffe climatique, l’humanité entière attend l’éventuelle apocalypse nucléaire.
Une ultime cogitation regroupe ces multiples appréciations. En guise de clin d’œil adressé à l’homme du « cogito », chacun serait bien inspiré de formuler cet avis : « J’attends, donc je suis ».

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