Trop chère la 4G !!

Quelques semaines après sa nomination en tant que ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique, Noomen El Fehri, a annoncé l’intention de son département de procéder, d’urgence, à des transformations majeures en matière de TIC en Tunisie. Quelques mois plus tard, il a annoncé le lancement de la Carte Technologique Internationale, dédiée spécialement aux jeunes développeurs. Il a également annoncé, durant la même période, l’introduction de la quatrième génération 4G en Tunisie à partir du premier semestre de l’année 2016.

Qu’est- ce- que la 4G et qu’apporte-t-elle de plus par rapport à la 3G?
La 3G, qui a vu le jour en 2000, permet un haut débit atteignant, dans des conditions idéales, 144 kbit/s zone rurale, et 384 kbit/s zone urbaine et ce, pour subvenir aux besoins des smartphones : L’accès à Internet, le visionnage de vidéos, voire d’émissions de télévision et la visiophonie (voix + vidéo pendaznt les appels). En Tunisie, c’est en 2010 que la 3G a vu le jour. L’opérateur de téléphonie Orange Tunisie a été le premier à lancer cette nouvelle Technologie.
La 4G, quant à elle, se définit comme étant une nouvelle  technologie mobile permettant des transmissions de données à des débits supérieurs à 100 Mb/s. Cependant, par rapport à la  fibre optique, la 4G offre  un débit supérieur qui ne dépasse pratiquement pas quelques dizaines de Mb/s, du fait que la bande passante est partagée entre les différents utilisateurs du réseau dans une même zone.
Donc la 3G et la 4G permettent toutes deux le transfert simultané de voix et de données numériques à haut débit avec une différence qui se traduit en termes de secondes.
Combien va coûter la 4G en Tunisie ?
D’après des sources très bien informées, la mise en place de la  4G va coûter aux trois opérateurs de la téléphonie mobile au moins 900 Millions de dinars. En effet, les 3 opérateurs sont appelés à payer, chacun, 300 millions de dinars (150 millions de dinars le coût de la licence donnant droit à la commercialisation de la 4G et au moins 150 millions de dinars le coût des investissements en réseau). Le déploiement de la 4G en Tunisie nécessitera la mise en place des équipements de réseaux adéquats, qui sont assez spécifiques et coûteux par rapport à ceux de la 3G.
Quel est le taux de pénétration de la 3G en Tunisie ?
En ce qui concerne la couverture de la population et du territoire en 3G en 2015, les taux sont loin d’être satisfaisants.
En dépit des efforts déployés jusqu’ici par les trois opérateurs de téléphonie, il existe encore un grand nombre de régions qui sont carrément privées des services de la 3G. On ne parle pas uniquement des régions intérieures relevant des gouvernorats du sud du pays. Il s’agit aussi de certaines délégations des gouvernorats du nord à l’instar de la délégation de Sejnen, gouvernorat de Bizerte, toujours privée de la couverture en 3G.

Quelle qualité de réseau 3G en Tunisie ?
Selon des rapports élaborés par l’Instance Nationale de télécommunications INT en 2015, portant sur l’évaluation de la qualité de service des réseaux de téléphonie mobile 3G en Tunisie, le débit moyen de navigation 3G (Dmn, Kbps) en Tunisie est loin d’être idéal et ce, sans exception pour les trois opérateurs. En effet, selon la même source, le débit moyen de navigation 3 G en 2015 dans la capitale Tunis reste encore aux alentours de 100 Kbit/s. Alors que la 3G devrait atteindre, dans des conditions idéales, 144 kbit/s dans une zone rurale, et 384 kbit/s dans une zone urbaine.
Ce niveau moyen de navigation 3G en Tunisie est lié au manque d’infrastructures, comme l’explique le ministre des Technologies de la Communication, Noomen El Fehri, qui a avoué aux médias, à plusieurs reprises, que l’infrastructure en matière de  3G et de fibre optique est encore faible.
Quel marché cible pour la 4G ?
Pour jouir de la connexion 4G, il faut disposer tout d’abord d’un terminal mobile (Smartphone 4G, clé 4G, flybox 4G…) adaptable à la 4G ou la LTE (Long Term Evolution).
En Tunisie, les Smartphones ne représentent que 20% du parc total des terminaux disponibles sur le marché. Ces chiffres modestes sont liés certainement au pouvoir d’achat des tunisiens qui ne cesse de se dégrader dans la situation économique qui prévaut actuellement en Tunisie. De plus, une part limitée de ce parc est compatible avec la technologie de la 4ème génération. Les services de la 4G ne seront donc accessibles qu’à une catégorie sociale bien déterminée, disposant de ces terminaux mobiles spécifiques.
D’un autre coté, les opérateurs devront investir des sommes énormes en termes d’infrastructures et de services afin d’offrir à leurs clients un accès à un haut débit d’internet. Ils pensent en même temps à assurer un retour sur investissement raisonnable. Ainsi, les services de la 4G vont être systématiquement proposés aux consommateurs à des tarifs plus élevés par rapport à ceux de la 3G,  considérés eux mêmes comme élevés par les consommateurs.

Notons que dans une déclaration aux médias lundi 28 décembre 2015, le ministre des Technologies de la Communication et de l’Economie numérique Noomen Fehri a affirmé que les services de téléphonie mobile de la 4éme génération (4G) couvriront, à partir du mois de Ramadan prochain (début juin 2016) 20% du territoire tunisien.
La 4G est-elle surévaluée ?
D’après un haut responsable d’un  opérateur de téléphonie, toutes les études ont démontré que le coût total de la licence donnant droit à la commercialisation de la 4G ne dépassera pas les 60 millions de dinars par opérateur. Cependant, chaque opérateur de téléphonie mobile en Tunisie, devra acheter la licence en question, comme il a été déjà mentionné, à 150 millions de dinars.
Pourquoi, alors, demande-t-on aux opérateurs une somme aussi exorbitante alors qu’ils passent actuellement par des difficultés financières? En outre, le ministre des Technologies de la communication, Noomène Fehri, leur aurait, en quelque sorte, forcé la main, en leur posant, le 31 mars dernier, l’ultimatum suivant: « Si aucun des trois actuels opérateurs n’est prêt à accorder le prix demandé pour la nouvelle licence, un 4è opérateur pourrait en profiter avant la fin de l’année en cours. » Autrement dit « marche ou crève ».

Dans cette conjoncture aussi difficile, ne serait-il pas plus opportun   de se pencher sur le renforcement de la couverture de la 3 G ainsi que sur l’amélioration de la qualité des services internet, sous toutes leurs formes, plutôt  que de passer prématurément à la 4 G?

Il est à craindre que cet investissement, dont le coût est très élevé et dont le retour sur investissement pourrait ne pas être à la hauteur des attentes-pour les raisons déjà mentionnées- fragilise davantage le secteur des télécommunications qui connait déjà des difficultés diverses.

A l’ère de la révolution numérique et avec la multiplication des réseaux sociaux et des logiciels de communication internet gratuits, les gens ont de moins en moins recours aux services classiques de la téléphonie mobile pour garder le contact avec leurs proches. Ils ont systématiquement recours à ces logiciels, lesquels, malgré leur gratuité, rendent de grands services tels que les visioconférences. Les opérateurs de la téléphonie mobile en Tunisie ne sont donc pas à l’abri de la rude concurrence de ces logiciels qui affectent forcément leur rentabilité.

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